DAKAR, 10 mars 2016 – Depuis 15 ans, les pays d’Afrique de l’Ouest et la communauté internationale ont réussi à étendre l’accès au primaire. Or, une évaluation régionale sans précédent des acquis scolaires révèle que la qualité de l’enseignement n’est pas au rendez-vous. La plupart des enfants couverts par l’enquête n’acquièrent pas les compétences de base en lecture, écriture et calcul, une situation qui compromet le renforcement du capital humain dans la région.
L’enquête a été réalisée en 2014, sous forme de tests administrés à des élèves de deuxième et cinquième années du Bénin, du Burkina Faso, du Burundi, du Cameroun, de Côte d’Ivoire, du Niger, de République du Congo, du Sénégal, du Tchad et du Togo. L’échantillon comprenait pratiquement 40 000 élèves de plus de 1 800 écoles. Le tableau ainsi dressé de l’état actuel de l’enseignement primaire est préoccupant.
Dans ces dix pays, 71 % des enfants en deuxième année n’ont pas un niveau de français suffisant et sont incapables de comprendre une information claire donnée oralement ou le sens d’une série de mots écrits. Par ailleurs, 59 % des élèves de cinquième année sont trop faibles en mathématiques pour pouvoir effectuer des opérations avec décimales ou identifier une formule mathématique simple permettant de résoudre un problème.
« Les données collectées mettent également en évidence le gouffre persistant entre les enfants les plus démunis et les enfants les plus aisés. Ainsi au Bénin, au Cameroun et au Togo, les écarts de niveau en langue entre les élèves en dernière année du primaire dont les parents savent lire, écrire et compter et ceux dont les parents sont analphabètes correspondent à pratiquement un écart-type. Nous devons impérativement remédier à ces inégalités pour rompre le cercle vicieux de la transmission de la pauvreté d’une génération à l’autre », souligne Raja Bentaouet Kattan, responsable des programmes de développement humain pour le bureau de la Banque mondiale au Sénégal.
Cette évaluation inédite a été menée dans le cadre du Programme d’analyse des systèmes éducatifs (PASEC), dont l’objectif consiste à produire des données à travers des enquêtes à grande échelle et à analyser les performances des systèmes éducatifs ainsi que les facteurs contribuant à la qualité de l’enseignement. Lancé à l’initiative de la Conférence des ministres de l’Éducation des États et gouvernements de la francophonie (CONFEMEN), le PASEC bénéficie du soutien technique et financier du Groupe de la Banque mondiale. Grâce à une allocation du 1 million de dollars du Fonds de développement institutionnel, le PASEC a pu renforcer l’expertise de ses équipes et concevoir le programme d’évaluation « PASEC2014 », plus sophistiqué.
Si l’évaluation 2014, dont les conclusions ont été publiées en décembre 2015, met en évidence d’importantes lacunes dans les systèmes éducatifs de l’Afrique francophone, elle offre aussi un système probant de mesure des résultats éducatifs autour duquel responsables politiques et communauté internationale peuvent engager un dialogue dans le but d’améliorer la situation. L’absence de références ou de mesures officielles des acquis scolaires explique en effet en partie cette hétérogénéité de la qualité de la scolarité. La comparabilité internationale des résultats de l’évaluation menée par le PASEC permet d’avoir les toutes premières mesures de la scolarisation en primaire depuis la déclaration en faveur de l’Éducation pour tous, un texte à l’initiative de l’UNESCO, du PNUD, de l’UNICEF et de la Banque mondiale par lequel le monde s’est engagé à offrir une éducation élémentaire de qualité à tous, enfants, adolescents et adultes. Et c’est ainsi que chacun peut désormais avoir une vision globale de la qualité de l’éducation dans les pays francophones d’Afrique.