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Une année dans la vie quotidienne de petits exploitants agricoles

25 février 2016


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Veronica, fermière en Tanzanie, assise à côté de sa récolte de maïs. © Hailey Tucker, Concours photo du CGAP 2015.


LES POINTS MARQUANTS
  • On estime à 500 millions le nombre de familles de petits exploitants dans le monde, dont une forte proportion de pauvres vivant avec moins de 2 dollars par jour.
  • Dans le cadre du projet d’Agendas financiers du CGAP, des chercheurs ont rencontré tous les 15 jours pendant un an 270 ménages de petits exploitants, pour décrypter au quotidien leurs modes de production agricole, leurs revenus et leurs dépenses.
  • L’élaboration de solutions adaptées à chaque marché est vitale pour améliorer l’existence des petits exploitants.

Mettez-vous un instant à la place d’un petit exploitant d’un village du Mozambique. Deux semaines avant la récolte, une forte inondation détruit toute votre production de maïs, sur laquelle vous comptiez pour assurer l’essentiel de vos rentrées d’argent de l’année et une grande partie de votre nourriture. Que feriez-vous ? Comment réagiriez-vous ?

En septembre 2014, quand pratiquement tous les poulets et la plupart des canards élevés par Alina, dans le nord du Mozambique (a), ont été décimés par la maladie, ses choix étaient limités. Sans accès à un compte d’épargne ou à un crédit d’urgence ni possibilité de faire jouer son assurance, elle n’a eu d’autre solution pour surmonter ce préjudice que de réduire le nombre de ses repas. Résultat, entre janvier et mai, elle s’est souvent couchée le ventre vide.

En plus d’être mal équipés pour parer aux aléas sanitaires, financiers et agricoles, les petits exploitants qui ont participé à l’étude du CGAP n’ont guère de moyens de recours. C’est ce qui est arrivé à Bertha, une veuve de Tanzanie (a) mère de cinq enfants lorsqu’elle a perdu pratiquement la moitié de son revenu agricole de l’année à cause d’un client local qui ne lui a jamais payé un achat important de pommes de terre. Faute d’avoir signé un accord formel, elle n’a pas su comment faire pour récupérer son dû ou se protéger contre ce type de problèmes.

On estime à 500 millions le nombre de ménages de petits exploitants dans le monde, soit plus de 2 milliards d’individus. La plupart travaillent sur des exploitations de moins de 2 hectares et constituent le gros des pauvres vivant avec moins de 2 dollars par jour. D’où l’impérieuse nécessité d’améliorer le quotidien de ce vaste groupe pour mettre fin à la pauvreté dans le monde. Mais jusqu’à ici, faute de bien comprendre la situation financière des petits exploitants, il était difficile de savoir comment les aider concrètement.

Le projet d’Agendas financiers du CGAP vient en partie combler cette lacune, en recensant les types de services financiers, d’assistance et de formation susceptibles d’améliorer le quotidien de ces populations. Ce travail d’un an, inspiré de la méthodologie pionnière des auteurs de l’ouvrage Portfolios of the Poor, a permis de suivre les revenus, les dépenses et la production agricole de 270 familles de petits exploitants au Mozambique, en Tanzanie et au Pakistan (a). Grâce à des entretiens approfondis réalisés tous les 15 jours, près de 500 000 données ont pu être relevées, sur le quotidien financier et agricole de ces familles.

Mais l’étude ne se contente pas de produire des données. Elle offre une plongée intime dans le quotidien des petits exploitants et la manière dont ils gèrent leur argent, nous faisant toucher du doigt leurs combats, les risques à affronter et les arbitrages à opérer chaque jour. Grâce aux interactions entre les chercheurs et les familles, ce travail fait ressortir quantité de détails précieux qui n’auraient pu être obtenus avec une enquête ponctuelle.

« Il ne s’agit pas seulement des problèmes de trésorerie », souligne Kristy Bohling, directrice chez Bankable Frontier Associates et chercheur principal du volet tanzanien de l’étude. « Nous abordons tout ce qui a trait à l’éducation, à la santé et aux activités rémunératrices, en bref, à la vie en général. »


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Des fermiers sur un tracteur au Pakistan. Ces petits producteurs qui collaborent avec la Fondation Wasil se mettent en route pour une journée de travail dans les champs. © Ayesha Vellani


« C’est à travers des projets comme celui-ci que les villageois commenceront à envisager un avenir meilleur. Ils seront même en mesure de décider de l’avenir de leurs enfants. »

Gerald Mashishi

Responsable de la recherche chez Digital Divide Data en Tanzanie

Le projet d’Agendas financiers du CGAP révèle la diversité des aléas et des difficultés auxquels sont confrontés les petits exploitants en fonction de leur situation. Avec ce tableau très fouillé de leur quotidien, le sort des petits exploitants pourra désormais être évoqué autrement qu’en termes généraux. Les opérateurs financiers (a) désireux d’offrir leurs services ou tous ceux qui cherchent à améliorer le quotidien de ces familles doivent mettre en œuvre une approche plus consciente et inventer des solutions plus adéquates.

Plusieurs options adaptées à ces marchés ressortent de ce travail :

  • pratiquement deux tiers des familles rencontrées au Mozambique ont perdu une part importante de leurs récoltes pendant le stockage, à cause des ravageurs. Des solutions de stockage plus adaptées permettraient d’améliorer leur quotidien agricole et financier ;
  • les ménages de petits exploitants rencontrés en Tanzanie ont manifesté un très vif intérêt pour l’argent mobile mais rares sont ceux qui y avaient fait appel au cours de l’année. Des solutions numériques fiables et bon marché doivent être élaborées pour répondre à ces attentes ;
  • pour les petits exploitants du Pakistan, tout tourne autour de leurs relations avec les intermédiaires, parfois profitables, parfois défavorables.

Les données ainsi collectées et ce tableau fouillé du quotidien des petits exploitants permettent d’identifier des solutions concrètes pour aider cet important groupe de population, souvent marginalisé.

« C’est à travers des projets comme celui-ci que les villageois commenceront à envisager un avenir meilleur », explique Gerald Mashishi, responsable de la recherche chez Digital Divide Data en Tanzanie. « Ils seront même en mesure de décider de l’avenir de leurs enfants. »



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