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Dans le sud de la Thaïlande, un groupe de jeunes milite pour la paix à travers l’éducation

21 décembre 2015


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LES POINTS MARQUANTS
  • Le conflit qui sévit dans les trois provinces méridionales de la Thaïlande est l’un des plus meurtriers dans un pays d’Asie du Sud-Est — avec plus de 6 000 morts depuis 2004.
  • Un groupe de jeunes, baptisé Bungaraya, travaille avec le ministère de l’Éducation, des écoles et des communautés pour renforcer et normaliser l’enseignement islamique.
  • Plus de 2 000 écoles coraniques (Tadika) suivent désormais un programme standard, avec des effets positifs sur la qualité de l’enseignement et l’apprentissage.

Pattani, Thaïlande, 21 décembre 2015 – Hasan Yamadibu sait mieux que quiconque combien la violence peut bouleverser une vie : il a grandi dans une zone de conflit ; son père a péri dans la première insurrection, en 2004 ; et, avec sa mère, il a enduré de nombreuses épreuves, ballotté d’un endroit à l’autre.

À 27 ans, Hasan est désormais enseignant et dirige le groupe de jeunesse Bungaraya, convaincu que l’éducation est un puissant outil au service de la paix.

« Je vis dans le Sud profond. Ici, les gens souffrent de paranoïa sur fond de terreur et d’insécurité. Que vous soyez bouddhiste ou musulman, de tels sentiments sont comme une bombe à retardement, surtout s’ils sont réprimés », affirme le jeune homme. « Pour résoudre ce problème, il faut enseigner aux enfants ce qu’est la paix. C’est une entreprise de longue haleine mais en commençant tôt, avec les plus jeunes, nous pourrons connaître un avenir paisible. »

Pendant ses études, Hasan a rejoint le groupe Bungaraya pour donner un coup de pouce aux Tadika, ces écoles coraniques que l’on retrouve dans chaque village du Sud. Les parents veulent en effet que leurs enfants suivent un enseignement islamique. Les cours se déroulent le soir ou le weekend dans la langue locale, le malais. Faute de programme normalisé, ce qu’ils y apprennent varie selon le village et l’enseignant. L’harmonisation de tous ces cours, sans aucune coordination entre eux, afin de proposer un enseignement unique de qualité est un véritable casse-tête.



« Depuis le début du conflit, de nombreuses ONG interviennent ici. Mais aucune ne travaille avec les Tadika. Nous avons donc décidé de combler cette lacune.  »

Hasan Yamadibu

Enseignant et leader du groupe Bungaraya

Renforcer le programme scolaire des Tadika

Il y a six ans, Bungaraya s’est rapproché des communautés et des écoles pour concevoir un programme unique efficace, dans le but notamment d’améliorer la qualité de l’enseignement et l’apprentissage dans les Tadika.

« Depuis le début du conflit, de nombreuses ONG interviennent ici. Mais aucune ne travaille avec les Tadika », explique Hasan. « Nous avons donc décidé de remédier à cette lacune. »

Avec le soutien du Fonds pour la construction de la paix et de l’État et du projet du Fonds fiduciaire coréen pour l’extension des approches communautaires dans les situations de conflit dans trois provinces méridionales de Thaïlande, Bungaraya a commencé à sensibiliser les villageois à cette idée.

« Au début, nous n’étions pas les bienvenus. Les habitants appréciaient leurs Tadika », raconte Hasan. Mais le groupe a fini par gagner la confiance des villageois. « Nous avons discuté avec les chefs de village et les parents en leur expliquant l’importance de l’éducation et nous avons réfléchi, ensemble, à des solutions pour préserver la culture et l’identité locales dans les cursus scolaires. »

Cette année, Bungaraya a lancé son programme normalisé pour l’enseignement de l’islam, le Kurikulum Standard Pendidikan Islam (KSPI). Plus de 2 000 écoles coraniques du sud de la Thaïlande ont commencé à le suivre. Des ateliers sont organisés en parallèle pour les enseignants, afin d’améliorer leurs méthodes didactiques, les préparer à travailler dans des zones de conflit et leur apprendre à enseigner la paix.

« Avant, nous enseignions comme bon nous semblait. Il n’y avait aucune structure. Nous suivions simplement le manuel et les élèves n’écoutaient rien », affirme Zahila Sulung, enseignante à la Nurul Islam Tadika School à Pattani. « Aujourd’hui, nous préparons vraiment nos cours. »

Intégrer la paix dans le programme scolaire

Outre le renforcement du programme scolaire, le projet cherche à intégrer des activités en lien avec la paix. Les enseignants apprennent aux enfants à être gentils, ingénieux et généreux et, à travers les activités de loisir, les incitent à pratiquer l’entraide.

« Le programme couvre plusieurs matières — de la morale aux rapports humains en passant par les droits de l’homme », souligne Abdulmuhamin Salaeh, président de la fondation des centres de coordination des Tadika. « Cet enseignement est le début du processus de paix — d’un individu à l’autre. »

Instaurer la confiance entre les écoles, les communautés et le gouvernement

« La planification et l’élaboration du programme scolaire unifié a permis de réunir des enseignants, des villageois et des membres du gouvernement. Désormais, lorsque les autorités locales inspectent les écoles Tadika, elles comprennent mieux ce qu’on y enseigne et cela renforce la confiance », indique Hasan.

Ce faisant, le projet lutte contre les préjugés qui ont nourri le séparatisme et les idéologies extrémistes. Depuis l’adoption du nouveau programme, le ministère de l’Éducation a constaté une amélioration des résultats scolaires, ce qui a contribué à modifier sa vision des écoles coraniques.

D’après les enquêtes et les entretiens menés par Bungaraya, les chefs de village et les parents sont convaincus des bienfaits de cet enseignement revisité pour les enfants. Les communautés s’impliquent nettement plus auprès des enseignants pour les aider à améliorer l’environnement scolaire.

Le groupe d’Hasan démontre le potentiel de l’éducation pour restaurer la paix et la confiance dans le sud de la Thaïlande. Dès lors que l’ensemble des membres d’une communauté sont reconnus et représentés, il devient possible de construire la paix et de vivre au sein de sociétés diverses.



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