Betty Nabiteeko a une mission : sauver des vies à Mityebili, en Ouganda.
Depuis presque deux ans, cette femme de 38 ans, elle-même mère de cinq enfants, suit l’état de santé de 75 familles dans cette ville proche de la frontière tanzanienne.
« Je veux que cette génération soit pleine de vitalité et en meilleure santé », a-t-elle affirmé en juin, alors qu’elle recevait chez elle plusieurs femmes et enfants en bas âge.
Les mères ont écouté attentivement Mme Nabiteeko leur expliquer les signes de la malnutrition et comment choisir des denrées nutritives pour leurs enfants. Elles ont ensuite demandé, et reçu avec plaisir, les patates douces qui étaient entreposées dans un grand sac dans un coin de la pièce.
Betty Nabiteeko est « éducatrice sanitaire communautaire ». Elle reçoit une petite allocation dans le cadre d’un projet pilote de 3 millions de dollars financé par le Fonds japonais pour le développement social (a), qui relève de la Banque mondiale, et mis en œuvre par BRAC Uganda (a), branche de l’ONG BRAC basée au Bangladesh.
Ce projet encourage les populations locales à cultiver et à consommer des patates douces à chair orange et d’autres denrées riches en nutriments afin de lutter contre les carences et les retards de croissance chez les enfants.
Parallèlement, l’opération vise aussi à aider les agricultrices à cultiver, commercialiser et vendre cette denrée, afin d’améliorer leur pouvoir économique et de décision. Dans ces zones rurales, les femmes sont les personnes qui s’occupent principalement de la famille et des cultures vivrières, mais il est rare qu’elles possèdent des terres, qu’elles cultivent des cultures de rapport lucratives ou qu’elles gèrent le budget familial.
Le retard de croissance a des effets délétères à long terme sur la santé, la productivité et le développement cognitif des individus, ainsi que sur la croissance et le développement d’un pays. Alors que ce fléau a reculé au niveau mondial, il a augmenté de 23 % en Afrique depuis 1990, d’après un récent rapport (a) produit par l’UNICEF, l’Organisation mondiale de la santé et le Groupe de la Banque mondiale.
La patate douce à chair orange, une culture biofortifiée, pourrait être la solution. En effet, 50 grammes à peine de ce légume, dont la culture n’est pas indigène en Ouganda, suffisent à couvrir les besoins quotidiens d’un enfant en vitamine A.
BRAC a commencé à introduire la patate douce à chair orange dans les régions du centre et du sud-ouest du pays en 2014, dans le but d’améliorer la nutrition d’environ 19 200 ménages pauvres et vulnérables. À 33 %, le taux de retard de croissance est l’un des plus élevés au monde. Il atteignait, selon une enquête auprès de 7 694 ménages menée en avril-juillet 2014, près de 47 % pour les garçons et environ 35 % pour les filles de moins de deux ans.
D’après les experts, l’Ouganda présente un paradoxe nutritionnel : la sous-nutrition y existe même dans les régions agricoles productives et relativement prospères, et alors même que ce pays est le plus gros exportateur de denrées alimentaires d’Afrique de l’Est.