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ARTICLE

Des financements pour promouvoir la paix et la stabilité au Moyen-Orient et en Afrique du Nord

16 décembre 2015


Une famille de réfugiés au Liban

LES POINTS MARQUANTS
  • La région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord risque de sombrer dans le cercle vicieux de l’instabilité si elle ne dispose pas des ressources nécessaires pour gérer les conséquences actuelles des conflits et saisir les chances de paix quand elles se présenteront.
  • Afin de répondre à l’ampleur de ces besoins, le Groupe de la Banque mondiale, les Nations Unies et le Groupe de la Banque islamique de développement ont lancé une nouvelle initiative de financement destinée à lever les fonds qui permettront aux pays de faire face à l’afflux de réfugiés, relancer la croissance, se redresser et se reconstruire.

Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord sont en proie depuis quatre ans à une instabilité qui, outre l’ampleur des souffrances humaines auxquelles elle donne lieu, a un coût économique qui risque de peser lourdement sur les perspectives de long terme de la région. Toute solution politique aux conflits devra s’accompagner des financements considérables nécessaires pour consolider la paix et ouvrir la voie à un retour de la stabilité.

L’histoire a montré que la communauté internationale peut se rassembler autour d’un défi aussi capital. « La conférence de Bretton Woods pour la reconstruction de l’Europe a commencé en 1944, soit bien un an avant la fin de la Seconde Guerre mondiale », a rappelé Hafez Ghanem, vice-président de la Banque mondiale pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. « Si nous voulons reconstruire la Syrie, le Yémen, la Libye et l’Iraq, il ne faut pas attendre la fin de la guerre. Il faut commencer dès maintenant. »

Alors que le montant des dégâts provoqués par les conflits est continuellement réévalué, on a une idée assez précise des coûts auxquels il faudra faire face. Rien qu’en Syrie, les estimations chiffrent la reconstruction à 170 milliards de dollars. Et au niveau régional — de la Libye au Yémen, en passant par Gaza, l’Iraq et tous les autres pays en proie au conflit et à l’instabilité —, les coûts de la reconstruction atteignent des niveaux confondants.

Les conflits en cours mettent également très durement à l’épreuve les pays voisins, où ils exacerbent les tensions sociales et économiques dans des environnements certes paisibles mais néanmoins fragiles. Les voisins de la Syrie ont maintenant leurs frontières ouvertes durant les combats : le Liban a ainsi recueilli plus d’un million de réfugiés, et la Jordanie plus de 600 000. À l’échelle du Liban, qui compte moins de cinq millions d’habitants, c’est comme si toute la population du Mexique trouvait refuge aux États-Unis. Cet afflux démographique rapide fait grimper les dépenses publiques, alors que, parallèlement, les autorités doivent faire face à un déclin important des recettes sous l’effet de l’interruption des échanges commerciaux et des investissements due au conflit. La Jordanie et le Liban sont face à une crise économique et, confrontés à la fois à une baisse de leurs revenus et à des responsabilités accrues, ils peinent à combler le manque à gagner du fait d’une aide humanitaire déjà saturée.

Même les pays de la région qui n’accueillent pas de réfugiés connaissent des besoins urgents de financement afin de relancer leur croissance. L’instabilité est à l’origine d’un ralentissement économique régional qui, entre autres effets, entretient un chômage généralisé et chronique chez les jeunes, et dont on sait par ailleurs qu’il a constitué un facteur de premier plan dans les Printemps arabes.

Le flot de réfugiés désespérés tentant de gagner l’Europe a mis en évidence dans ces pays le fait que la paix et la stabilité au Moyen-Orient et en Afrique du Nord sont en réalité une affaire mondiale, qui appelle une responsabilité mondiale. La question qui se pose est donc la suivante : comment la communauté internationale va-t-elle pouvoir apporter les financements indispensables pour stabiliser les pays dans l’ensemble de la région et créer les conditions du redressement et de la reconstruction ? Les financements fournis à titre de dons sont limités, et les besoins dépassent de loin les ressources des pays donateurs comme celles des organisations internationales de développement. Les investisseurs potentiels sont quant à eux timorés compte tenu de l’instabilité qui prévaut dans la région. 


Lors des Assemblées annuelles, l'ONU, la Banque mondiale et la Banque islamique de développement ont annoncé une nouvelle initiative de financement pour la région MENA. Credit: Grant Ellis / Banque mondiale.

Lors des Assemblées annuelles, l'ONU, la Banque mondiale et la Banque islamique de développement ont annoncé une nouvelle initiative de financement pour la région MENA.

Grant Ellis / Banque mondiale.

« Ne nous punissez pas parce que nous sommes un pays à revenu intermédiaire, alors que nous faisons ce qu’il faut et que nous le faisons au nom de la région et du monde. »

Des pays comme la Jordanie et le Liban se trouvent à cet égard dans une situation ingrate. Comme ce sont des pays à revenu intermédiaire, ils n’ont pas accès aux financements concessionnels auxquels ont droit les pays les plus pauvres. Et pourtant, ils s’emploient à faire face à une crise humanitaire et servent un bien public mondial. Une position qu’Imad Fakhoury, ministre jordanien du Plan et de la Coopération internationale, a ainsi défendue : « Ne nous punissez pas parce que nous sommes un pays à revenu intermédiaire, alors que nous faisons ce qu’il faut et que nous le faisons au nom de la région et du monde. »

Afin de s’attaquer à ce déficit de financements, le Groupe de la Banque mondiale s’est associé aux Nations Unies et au Groupe de la Banque islamique de développement, en vue d’unir les efforts de la communauté internationale au sein d’une initiative qui permettra d’être à la hauteur de l’ampleur des défis à relever. L’objectif est de recourir à des mécanismes de financement novateurs afin d’accroitre le volume des fonds disponibles pour les pays de la région, et à un coût considérablement plus bas.

Par exemple, les marchés financiers pourraient fortement contribuer à couvrir les grands besoins de financement liés à la reconstruction post-conflit ou aux programmes massifs de relance économique. S’agissant des pays qui accueillent des réfugiés, les dons pourront être conjugués à des prêts afin de fournir des financements à des taux hautement concessionnels. Cette démarche permettrait de faire en sorte que les pays disposent de toutes les ressources dont ils ont besoin, et à moindre coût, pour étendre les services essentiels et satisfaire ainsi les besoins de développement des réfugiés et des populations locales. Le but de cette initiative conjointe est en outre d’éviter que les efforts de développement se chevauchent inutilement, et de renforcer au contraire la coordination des donateurs et des organisations internationales afin d’obtenir un impact maximum sur le terrain.

L’initiative a été annoncée au mois d’octobre dernier à Lima (Pérou), en marge des Assemblées annuelles du Groupe de la Banque mondiale et du FMI, dans le cadre d’un événement organisé sous l’égide du secrétaire général des Nations Unies et du président du Groupe de la Banque mondiale. Cet événement a permis de rallier plus d’une cinquantaine de pays et d’organisations qui ont convenu de finaliser les contours de la nouvelle initiative de financement au mois de février 2016. Selon Franck Bousquet, directeur des programmes et partenariats régionaux pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à la Banque mondiale et coordinateur de cette initiative, « nous avons bien progressé depuis Lima, ce qui montre clairement que le monde est prêt à se rassembler pour aider les pays à faire face aux conséquences des conflits et à se préparer au retour de la paix ».

L’enjeu ultime de cette initiative est le suivant : la paix et la stabilité sont des conditions indispensables à un développement durable. Sans les financements qui permettront de lancer la reconstruction aux premiers signes de pacification, de soutenir les pays d’accueil des réfugiés et de restaurer la croissance, la région restera prisonnière du cercle vicieux de l’instabilité. Après les ravages de la Seconde Guerre mondiale, le monde s’est coalisé pour reconstruire l’Europe et y investir. Aujourd’hui, la communauté internationale doit agir de manière concertée et résolue afin de faire en sorte que l’avenir du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord ne soit pas condamné à la peur, au conflit et à la souffrance mais qu’il soit au contraire placé sous le signe de la paix, des perspectives et de la prospérité.


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