Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord sont en proie depuis quatre ans à une instabilité qui, outre l’ampleur des souffrances humaines auxquelles elle donne lieu, a un coût économique qui risque de peser lourdement sur les perspectives de long terme de la région. Toute solution politique aux conflits devra s’accompagner des financements considérables nécessaires pour consolider la paix et ouvrir la voie à un retour de la stabilité.
L’histoire a montré que la communauté internationale peut se rassembler autour d’un défi aussi capital. « La conférence de Bretton Woods pour la reconstruction de l’Europe a commencé en 1944, soit bien un an avant la fin de la Seconde Guerre mondiale », a rappelé Hafez Ghanem, vice-président de la Banque mondiale pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. « Si nous voulons reconstruire la Syrie, le Yémen, la Libye et l’Iraq, il ne faut pas attendre la fin de la guerre. Il faut commencer dès maintenant. »
Alors que le montant des dégâts provoqués par les conflits est continuellement réévalué, on a une idée assez précise des coûts auxquels il faudra faire face. Rien qu’en Syrie, les estimations chiffrent la reconstruction à 170 milliards de dollars. Et au niveau régional — de la Libye au Yémen, en passant par Gaza, l’Iraq et tous les autres pays en proie au conflit et à l’instabilité —, les coûts de la reconstruction atteignent des niveaux confondants.
Les conflits en cours mettent également très durement à l’épreuve les pays voisins, où ils exacerbent les tensions sociales et économiques dans des environnements certes paisibles mais néanmoins fragiles. Les voisins de la Syrie ont maintenant leurs frontières ouvertes durant les combats : le Liban a ainsi recueilli plus d’un million de réfugiés, et la Jordanie plus de 600 000. À l’échelle du Liban, qui compte moins de cinq millions d’habitants, c’est comme si toute la population du Mexique trouvait refuge aux États-Unis. Cet afflux démographique rapide fait grimper les dépenses publiques, alors que, parallèlement, les autorités doivent faire face à un déclin important des recettes sous l’effet de l’interruption des échanges commerciaux et des investissements due au conflit. La Jordanie et le Liban sont face à une crise économique et, confrontés à la fois à une baisse de leurs revenus et à des responsabilités accrues, ils peinent à combler le manque à gagner du fait d’une aide humanitaire déjà saturée.
Même les pays de la région qui n’accueillent pas de réfugiés connaissent des besoins urgents de financement afin de relancer leur croissance. L’instabilité est à l’origine d’un ralentissement économique régional qui, entre autres effets, entretient un chômage généralisé et chronique chez les jeunes, et dont on sait par ailleurs qu’il a constitué un facteur de premier plan dans les Printemps arabes.
Le flot de réfugiés désespérés tentant de gagner l’Europe a mis en évidence dans ces pays le fait que la paix et la stabilité au Moyen-Orient et en Afrique du Nord sont en réalité une affaire mondiale, qui appelle une responsabilité mondiale. La question qui se pose est donc la suivante : comment la communauté internationale va-t-elle pouvoir apporter les financements indispensables pour stabiliser les pays dans l’ensemble de la région et créer les conditions du redressement et de la reconstruction ? Les financements fournis à titre de dons sont limités, et les besoins dépassent de loin les ressources des pays donateurs comme celles des organisations internationales de développement. Les investisseurs potentiels sont quant à eux timorés compte tenu de l’instabilité qui prévaut dans la région.