KABOUL – Tamana Niazi est en classe d’informatique. Ses mains se déplacent lentement au-dessus du clavier pour taper en anglais la phrase « Nous étudions au lycée pour aveugles », qui s’affiche à l’écran de son moniteur. Cette jeune fille de 19 ans est née aveugle. En dépit de son handicap, Tamana persévère dans sa volonté de travailler dur pour ne pas vivre au crochet de sa famille et de la société.
Le soutien qu’elle reçoit de sa famille et de son école (a) lui permet de suivre une scolarité. Avec ses quatre camarades de dernière année, elle se familiarise avec le logiciel Microsoft Word dans la salle d’informatique du lycée. « Même s’il est plus difficile pour les aveugles de se former à l’informatique, je suis déterminée à réussir, parce que je veux devenir enseignante, après mes études », confie-t-elle.
Son lycée est le seul établissement public du pays à offrir un enseignement aux non-voyants et malvoyants dans un environnement de travail propice, doté d’équipements et de matériel pédagogiques adaptés. L’établissement offre trois cursus de formation : professionnel, général et islamique ; l’enseignement est réparti sur 12 années.
L’école accueille aujourd’hui plus de 170 élèves (dont 65 filles) frappés pour la majorité de cécité totale. Les autres ne peuvent voir qu’à très courte distance.
Certains élèves ont déjà réussi l’examen d’entrée à l’université (le « Kankor ») et ont pu s’inscrire dans des universités publiques, pour apprendre le droit, le journalisme, la littérature ou encore la psychologie. « Depuis 2012, 16 élèves sont sortis diplômés de notre établissement », indique Khoja Abdul Kabir Sediqi, principal du lycée.
Les lycéens qui sont déficients visuels passent un Kankor adapté qui se compose de 100 questions à choix multiple. Un auxiliaire de vie scolaire lit à haute voix les questions et les réponses à l’étudiant, qui lui indique la réponse choisie. L’auxiliaire encercle alors les réponses données sur la feuille d’examen.
Nasir Ahmad, un ancien lycéen qui a réussi l’examen, étudie la psychologie des aveugles à l’université publique de Burhanuddin Rabbani. « Je ne suis plus aveugle aujourd’hui. La connaissance et le savoir m’ont ouvert les yeux », lance ce jeune homme de 24 ans. « Plus tard, je veux devenir professeur et me mettre au service d’autres aveugles. » Pour arriver à suivre aussi bien que les autres étudiants, il enregistre les cours à l’aide d’un dictaphone et il transpose les supports pédagogiques en braille.
Salima est aussi une ancienne élève du lycée. Âgée de 21 ans, elle étudie le droit et les sciences politiques à l’université de Kaboul. Pour se préparer à l’examen d’entrée, elle a écouté avec ses camarades de classe les questions et les réponses de sessions précédentes. Le département des archives nationales, équipé et financé par la Banque mondiale, a enregistré les anciens formulaires d’examen au format audio pour que les lycéens puissent les écouter et s’entraîner. Grâce à cette méthode, ils ont pu répondre correctement aux questions soumises lors de l’examen d’entrée.
« Au lycée, nous étudions en groupe, parce que nous souffrions tous du même handicap », précise Salima. « Ce travail collectif nous a beaucoup aidés à décrocher l’entrée à l’université. »