Aujourd’hui, la moitié de la population de l’Afrique subsaharienne a moins de 25 ans. Entre 2015 et 2035, ce sont 500 000 jeunes supplémentaires de 15 ans que la région devra intégrer chaque année. La démographie camerounaise est un atout incroyable pour le pays et ce vivier grandissant de main-d’œuvre pourrait séduire les marchés internationaux du travail. Mais au-delà de la nécessité de fournir des débouchés aux jeunes Africains, ces derniers ont également besoin d’acquérir des compétences pour créer ces emplois.
Alors que la plupart des Camerounais âgés de 15 à 35 ans qui ne sont pas sur le marché du travail suivent des études, l’inadéquation de l’éducation et de la formation des actifs est devenue une évidence. Une grande partie de la population (43 %) n’a pas fait d’études formelles ou a interrompu son cursus dès le primaire, sachant que 67 % des gens en âge de travailler n’ont bénéficié d’aucune formation supplémentaire. Le chômage est nettement plus fort chez les jeunes que parmi les personnes plus âgées, quel que soit leur niveau et leur profil éducatif, signe de manquements persistants sur le plan de l’éducation et de la formation. Pour Richard Onanena, l’une des solutions consisterait à « ouvrir davantage d’établissements scolaires et centres de formation techniques pour impartir aux jeunes une compétence ou un profil particulier et leur permettre ainsi de trouver un emploi dès la fin de leurs études. »
Dans son Document stratégique pour la croissance et l’emploi (DSCE), le gouvernement prévoit un important programme d’investissements dans les filières porteuses de croissance et d’emplois : l’agriculture, les mines, la sylviculture et la transformation du bois, le tourisme, les infrastructures et les technologies de l’information et des communications.
Ce type d’investissements ne peut avoir d’impact sans les ressources humaines et la main-d’œuvre qualifiée capables de développer ces secteurs d’activité, de doper la productivité et de concrétiser la transformation structurelle. Lors de la dernière enquête sur l’emploi, réalisée en 2014, le manque de qualifications faisait partie des contraintes identifiées à la création d’emplois dans l’industrie chimique et métallurgique, les infrastructures, les travaux publics mais aussi la finance et les télécommunications. Sans compter que le secteur agricole manque d’ingénieurs agronomes ou d’experts, ce qui le gêne considérablement pour adopter des techniques de culture innovantes.
L’écart entre les attentes des employeurs camerounais et le profil des diplômés est béant : les universités classiques récupèrent 94 % des étudiants, les 6 % restants se tournant vers les facultés et instituts de technologie. Le pays ne compte que deux universités d’ingénierie et de technologie et deux universités d’agronomie, à Buea (Sud-Ouest) et Dschang (Ouest). Cette situation illustre bien la nécessité de recourir à d’autres options d’éducation et de formation, davantage axées sur les besoins professionnels du Cameroun.
« Une forte proportion de jeunes n’ont pas accès à l’enseignement supérieur. Le système devrait les aider à acquérir une formation technique pour qu’ils puissent exercer un métier ou monter une petite entreprise », estime Charles Christian Dougoué, 25 ans, inscrit en master Développement et communication. Mais l’enseignement supérieur camerounais reste axé sur les matières traditionnelles et n’est pas en mesure de réagir à l’évolution de l’économie.
Face au rôle que le secteur privé peut jouer dans la création d’emplois, tout le problème va consister à mobiliser ces acteurs pour adapter la formation à leurs attentes dans des domaines qui, comme l’agriculture, sont considérés comme d’importants contributeurs à un renforcement de la productivité. L’une des solutions consiste à développer des partenariats public-privé pour assurer la gouvernance, la gestion et le financement des établissements de formation professionnelle. Une autre solution revient à adopter des politiques efficaces pour favoriser l’embauche de jeunes dans les entreprises privées, en tant que stagiaires ou salariés.
Le secteur public n’est pas en reste pour remédier à cette situation. Seule une réforme du système de gouvernance des établissements d’enseignement supérieur permettra de garantir la responsabilité et l’obtention de résultats. Par ailleurs, le financement axé sur la performance devrait inciter les universités et les établissements techniques à améliorer la qualité et la pertinence de leurs cursus. Enfin, l’introduction d’un mécanisme d’assurance qualité pourrait contribuer à remédier au décalage entre l’offre et la demande.
En impartissant aux jeunes Camerounais le type et le niveau de qualifications dont les marchés du travail actuel ont besoin, le pays offrirait de bien meilleures perspectives d’emploi à cette jeunesse, ainsi qu’à leurs parents et à leurs enfants, créant ainsi une dynamique vertueuse efficace contre la pauvreté.