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L’accès à la chirurgie pourrait sauver des millions de vies dans les pays en voie de développement

26 mars 2015


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STORY HIGHLIGHTS
  • Selon l’ouvrage Essential Surgery, un plus grand accès aux soins chirurgicaux dans les pays en voie de développement pourrait éviter le décès annuel de 1,5 million de personnes.
  • Des actes chirurgicaux de base tels qu’une césarienne ou la réparation d’une fracture figurent en fait parmi les interventions de santé les plus rentables dans les pays en développement.
  • Essential Surgery est le premier des neuf volumes de la collection Disease Control Priorities que le Groupe de la Banque mondiale publiera au cours de l’année 2015 et 2016.

D’après une nouvelle étude publiée par le Groupe de la Banque mondiale, les cinq millions de décès imputables en 2012 à des traumatismes, auxquels s’ajoute la mort de 270 000 femmes ayant succombé à des complications durant leur grossesse, auraient pu être pour la plupart évités grâce à un meilleur accès aux soins chirurgicaux.

Présenté lors de la sixième conférence annuelle du Consortium of Universities for Global Health à Boston, Essential Surgery est le premier volume d’une série de neuf ouvrages que comptera la collection Disease Control Priorities (DCP3). Il offre un panorama et une analyse exhaustive des approches les plus efficaces et les plus rentables de la santé dans le monde.

Selon les auteurs, sur l’ensemble des interventions de santé réalisées dans les pays en voie de développement, les procédures chirurgicales de base présentent un rapport coût-efficacité parmi les plus satisfaisants. Par ailleurs, si elles étaient plus largement accessibles, elles éviteraient le décès annuel de 1,5 million de personnes.

Près de deux milliards d’individus n’ont pas accès à des services de chirurgie aussi élémentaires qu’une césarienne ou qu’une réparation de fracture. Pourtant, la plupart de ces opérations pourraient être réalisées dans les hôpitaux locaux des pays en voie de développement.

Jusqu’à une date récente, la chirurgie était considérée dans ces pays comme coûteuse et trop complexe pour relever de la santé publique, mais cette perception évolue : de plus en plus de données recensées attestent de la valeur et de la rentabilité des procédures chirurgicales de base.

« En cas de fracture du bras ou d’appendicite, tout le monde sait que l’intervention d’un chirurgien est nécessaire. Et il s’avère que ces actes chirurgicaux sont plutôt simples, pas trop coûteux, et qu’ils changent radicalement la donne », indique Dean Jamison, codirecteur de la collection DCP3 et du volume Essential Surgery. Ce professeur associé en sciences de la santé dans le monde à l’université de Californie et professeur émérite à l’université de Washington a également été l’auteur principal de la première édition de Disease Control Priorities, en 1993, et du Rapport sur le développement dans le monde de 1993, intitulé Investir dans la santé.

Le Dr Haile T. Debas, qui a également dirigé la publication d’Essential Surgery et lui-même chirurgien, confie avoir constaté en personne « l’absence inouïe de chirurgie, tout particulièrement en zones rurales », lors de visites en Érythrée, son pays natal, et dans d’autres pays d’Afrique.

La collection DCP3 et l’édition de 2006 qui la précédait « ont véritablement fait surgir la question de la chirurgie dans le paysage mondial de la santé », ajoute-t-il.

« D’après moi, les gens sont de plus en plus nombreux à prendre conscience qu’il sera très difficile d’atteindre à l’horizon 2035 les objectifs ambitieux de la Commission Lancet sur la santé dans le monde (a), à moins d’assurer des services chirurgicaux de base dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire. Le besoin en services chirurgicaux est très considérable. »


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Un hôpital cambodgien de la province rurale de Preah Vihear doté d’équipements chirurgicaux modernes. 

Chhor Sokunthea/Banque mondiale

« En cas de fracture du bras ou d’appendicite, tout le monde sait que l’intervention d’un chirurgien est nécessaire. Et il s’avère que ces actes chirurgicaux sont plutôt simples, pas trop coûteux, et qu’ils changent radicalement la donne  »

Dean Jamison

codirecteur de la collection DCP3 et du volume Essential Surgery


Le volume Essential Surgery identifie 44 interventions à garantir en priorité dans les pays en développement, au nombre desquelles le traitement des traumatismes, des complications obstétriques, des urgences abdominales, des cataractes et des anomalies congénitales. Les auteurs estiment que l’accès universel à cette palette de soins chirurgicaux ferait baisser de 6 % à 7 % le taux de mortalité évitable dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire.

De telles procédures se révèlent parmi les plus rentables de toutes les interventions dans le domaine de la santé et peuvent être facilement promues dans le monde entier. Si l’on en croit l’étude, la plupart de ces actes pourraient être assurés par des hôpitaux de premier niveau.

Le document souligne également que la rentabilité des soins chirurgicaux de base et la forte demande du public pour ces services semblent indiquer « que la couverture universelle des actes chirurgicaux essentiels devrait être mise en place rapidement sur la voie de la couverture santé universelle ».

La troisième édition de la collection Disease Control Priorities est le fruit d’un projet pluriannuel, financé par la Fondation Bill & Melinda Gates et coordonné par le réseau Disease Control Priorities du département de la santé dans le monde de l’université de Washington. Nourri par des éléments concrets, l’ouvrage offre un panorama des connaissances sur la situation sanitaire dans le monde, doublé d’une analyse économique, dans le but d’identifier les solutions possibles pour améliorer les soins et diminuer la mortalité dans les pays en voie de développement, malgré les budgets limités alloués à la santé.

Cette collection définit des grappes de services de base et en estime le coût, en s’appuyant sur les données issues des pays, explique Rachel Nugent, codirectrice de la collection DCP3 et professeur au département de la santé dans le monde à l’université de Washington. Les auteurs ont appliqué une méthode de « rapport coût-efficacité élargi » pour mieux mesurer le degré d’équité dans la répartition des services de santé selon les catégories de personnes et voir si ces interventions peuvent affecter différemment les individus, précise-t-elle.

« Nous avons pensé qu’il était important que les responsables politiques sachent quelle population sera affectée lorsqu’ils procèdent à des arbitrages financiers. S’ils se prononcent pour des politiques et des soins en faveur des plus démunis, comment sont-ils censés s’y prendre ? C’est entre autres ainsi que nous souhaitions faire avancer la connaissance de la santé dans le monde », conclut Mme Nugent.

Voici la liste des huit autres volumes à paraître dans la collection DCP3 :

  • Cancer, juin 2015
  • Reproductive, Maternal, Newborn, and Child Health, septembre 2015
  • Mental, Neurological, and Substance Use Disorders, novembre 2015
  • Cardiovascular Respiratory, Renal, and Endocrine Disorders, janvier 2016
  • HIV/AIDS, STIs, Tuberculosis, and Malaria, janvier 2016
  • Injury Prevention and Environmental Health, février 2016
  • Child and Adolescent Development, mai 2016
  • Disease Control Priorities overview, juillet 2016

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