Le changement climatique pose fondamentalement un problème de développement. Il menace d’exacerber la pauvreté et de nuire à la croissance économique. Mais, en fonction de leur modèle de croissance et des investissements consentis pour couvrir les besoins en énergie, en nourriture et en eau d’une population toujours plus nombreuse, les pays vont soit aggraver le changement climatique, accentuant les risques sur l’ensemble du globe, soit, à l’inverse, contribuer à y remédier.
Lors d’une conférence (a) prononcée le 18 mars dernier devant les étudiants de l’université de Georgetown, à Washington, le président du Groupe de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, a exposé cinq grands domaines où les politiques et les choix de croissance peuvent atténuer les facteurs du changement climatique.
« L’économie doit continuer de croître, c’est un point sur lequel on ne peut pas régresser », a affirmé Jim Yong Kim. « Mais il est impératif de dissocier croissance et émissions de carbone. »
Définir un prix pour le carbone
Si l’on veut que les émissions diminuent, il faut commencer par donner des signaux forts.
Les systèmes de tarification du carbone (a), tels que les mécanismes d’échange de droits qui plafonnent les émissions ou les taxes sur le carbone, envoient un signal de long terme aux entreprises, en les incitant à moins polluer et à investir dans des énergies plus propres et dans des solutions innovantes sobres en carbone.
Aujourd’hui, près de 40 pays et plus de 20 villes, États fédérés et provinces appliquent ou s’apprêtent à instaurer une tarification du carbone, et leur nombre ne cesse d’augmenter. Ainsi, en janvier, la Corée du Sud a mis en place son marché du carbone, le plus récent de tous. De son côté, la Chine, avec sept marchés pilotes du carbone dans plusieurs de ses villes et provinces, a vu reculer ses émissions l’année dernière et prévoit de lancer un système national d’échanges d’émissions dès 2016.
« La tarification du carbone est l’aspect le plus essentiel dans l’optique d’un accord à Paris. Elle libèrera les forces du marché », a expliqué Jim Yong Kim, interrogé sur la perspective de l’accord international sur le climat attendu en décembre 2015 dans la capitale française.
Éliminer les subventions aux combustibles fossiles
C’est un tout autre signal qu’envoient les subventions aux combustibles fossiles (a), puisqu’elles encouragent le gaspillage et découragent la transition vers une croissance décarbonée. En supprimant progressivement ces subventions aux effets néfastes, les pays pourront réorienter leurs dépenses sur les actions les plus nécessaires et les plus efficaces, notamment pour une aide ciblée aux pauvres.
Dans le monde, en 2013, les subventions directes aux combustibles fossiles, qui abaissent artificiellement les prix de l’énergie, se sont chiffrées à près de 550 milliards de dollars, absorbant une forte proportion du PIB de certains pays. Or, « on constate que les subventions aux combustibles fossiles ne permettent pas du tout de protéger les pauvres », a précisé Jim Yong Kim. De fait, des études (a) montrent que les 20 % les plus riches bénéficient six fois plus de ces subventions que les 20 % les plus pauvres.
Il n’est jamais facile de remettre en cause les subventions. Souvent, la population n’a pas conscience des coûts réels de l’énergie, et la suppression progressive des subventions doit s’accompagner parallèlement de l’introduction graduelle de dispositifs d’aide pour les pauvres. La Banque mondiale appuie la réforme des subventions aux combustibles fossiles grâce à un mécanisme de financement doté de 20 millions de dollars (a) et destiné à aider les pays à concevoir et à déployer cette réforme, ainsi que la protection sociale qui l’accompagne.
Construire des villes résilientes et sobres en carbone
Il faut donc, d’une part, faire payer le carbone à son juste prix, mais aussi, et c’est l’un des termes de l’équation à résoudre, bâtir un avenir durable, étant donné que l’ensemble du développement s’inscrit dans le contexte du changement climatique.
Durant les deux prochaines décennies, on construira davantage d’infrastructures que tout au long des six derniers siècles, a affirmé le président du Groupe de la Banque mondiale. L’expansion des villes est effrénée, surtout dans les pays en développement. Désormais, un peu plus de la moitié de la population mondiale est urbaine et, à l’horizon 2050, ce sera probablement les deux tiers.
En planifiant soigneusement les transports ainsi que l’utilisation de l’espace, et en instaurant des normes de maîtrise de l’énergie, les villes éviteront l’écueil d’une trajectoire de développement qui n’est pas viable. Tout en limitant la pollution atmosphérique et ses effets nocifs, l’enjeu est aussi de faire accéder les pauvres aux emplois et aux opportunités.
Mais ces choix de croissance durable requièrent des financements. Or, d’après les données disponibles, seulement 4 % des 500 plus grandes villes des pays en développement sont jugées solvables sur les marchés internationaux. C’est pourquoi le Groupe de la Banque mondiale aide les villes à améliorer leur planification stratégique et à renforcer une situation financière (a) qui les empêche aujourd’hui d’accéder aux financements.
Accroître l’efficacité énergétique et l’utilisation des énergies renouvelables
Quand on parle de l’énergie, il faut parler de l’accès à l’énergie. Au niveau planétaire, environ 1,2 milliard d’individus n’ont toujours accès à l’électricité et 2,8 milliards recourent à des combustibles fossiles pour la cuisine qui engendrent de graves problèmes de pollution intérieure (bois, charbon de bois, charbon, etc.).
Dans le cadre de l’initiative en faveur d’une « Énergie durable pour tous (a)», le Groupe de la Banque mondiale soutient la réalisation de trois objectifs pour 2030 : assurer un accès universel à des services énergétiques modernes, multiplier par deux le taux d’amélioration de l’efficacité énergétique et doubler la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique.
Les gains d’efficacité énergétique sont cruciaux. Chaque gigawatt économisé est un gigawatt qui n’a pas dû être produit. Dans le monde, l’utilisation de l’énergie est aujourd’hui inférieure d’environ un tiers au niveau qu’elle aurait atteint en l’absence d’une meilleure maîtrise énergétique sur les vingt dernières années.
En outre, les énergies renouvelables deviennent de plus en plus abordables. Dans nombre de pays, leur développement à l’échelle industrielle revient à présent moins cher ou équivaut à celui des combustibles fossiles.
Pratiquer une agriculture climato-intelligente et préserver les forêts
Le cinquième domaine d’action porte à la fois sur les mesures d’atténuation et d’adaptation. Les techniques climato-intelligentes permettent aux agriculteurs d’accroître la productivité de leurs exploitations et leur résilience aux effets du changement climatique, tels que la sécheresse, tout en constituant des pièges à carbone qui réduisent les émissions nettes. Les forêts sont aussi de précieux puits de carbone, qui l’absorbent et le fixent dans le sol, les arbres et le feuillage.