Djibouti est vulnérable aux chocs exogènes (comme la flambée des prix du carburant ou des denrées alimentaires) et aux catastrophes naturelles. Entre 2007 et 2011, les graves sécheresses que le pays a dû affronter, lui ont coûté l’équivalent de 3,9 % de produit intérieur brut par an. La crise financière mondiale, la sécheresse qui l’a suivie, une densité urbaine et un taux de chômage élevés, ainsi qu’un accès restreint aux services essentiels pèsent lourdement sur les indicateurs sociaux et sanitaires. Le niveau de pauvreté demeure substantiel.
En 2012, la situation des zones rurales en matière de sécurité alimentaire a été jugée « critique » : les trois quarts des ménages étaient en situation d’insécurité alimentaire sévère ou modérée. La mortalité des enfants de moins de cinq ans reste estimée à 68 décès pour 1 000 naissances vivantes, plus de 17,8 % des moins de cinq ans souffrent de malnutrition et 29,7 % des enfants affichent un retard de croissance modéré à sévère.
Face à la crise, Djibouti a investi dans l’infrastructure, dans le développement du secteur privé et dans le capital humain. Avec l’appui de la Banque mondiale, le pays a introduit son premier projet pilote de filet de protection sociale axé sur la nutrition. En 2012, ce projet a débouché sur la formulation d’une stratégie de filets de protection sociale qui insistait sur l’importance d’une approche de long terme ciblant le développement et intégrant différentes formes d’aide sociale via un programme national axé sur la nutrition.
Se fondant sur des données montrant que la malnutrition commence pendant la grossesse et que les dommages sont irréversibles une fois que l'enfant a passé le cap des deux ans, Djibouti a adopté l’approche des « 1 000 premiers jours ».
La Banque mondiale appuie le projet pilote et le programme qui l’a suivi par un don de 3,6 millions de dollars du Fonds japonais pour le développement social (JSDF) et un don de 5 millions de dollars de l’IDA. Le ministère de la Santé de Djibouti et le Programme alimentaire mondial (PAM) participent également à cette initiative.
Spécificité : une intervention axée sur la nutrition dans un programme « travail contre rémunération en espèces »
Les services de nutrition offerts aux ménages éligibles ciblent les femmes enceintes et les enfants de moins de deux ans. Des sessions de groupe mensuelles et des visites à domicile cherchent à faire évoluer les comportements des ménages et de la communauté. Chaque mois, les enfants de moins de deux ans bénéficient d’un suivi de croissance. Ceux de 6 à 24 mois reçoivent des micronutriments en poudre et des compléments nutritionnels adaptés. Ce programme encourage également les comportements sains et permet aux femmes enceintes de faire mesurer gratuitement leur taux d’hémoglobine dans un centre de santé. Ces actions au niveau communautaire complètent celles du ministère de la Santé, davantage axées sur le traitement de la malnutrition aiguë.
Les emplois temporaires offerts aux bénéficiaires concernent des services à la communauté et de menus travaux. Chaque bénéficiaire peut demander 50 jours de travail, en échange d’un petit salaire journalier. Ce programme n’est ouvert qu’aux ménages ayant assisté aux interventions sur la nutrition, et c’est la femme qui décide si elle accepte le travail ou le délègue à un membre de son ménage.
Les travaux rémunérés sont de plus en plus centrés sur la promotion de la santé publique et la nutrition (notamment sur l’hygiène et l’accès à l’eau) et permettent aux femmes de gagner un peu d’argent et aux ménages d’acquérir des biens.
Le ciblage et les transferts s’appuient sur des indicateurs relatifs à la nutrition. Le ciblage géographique se fonde sur le taux de pauvreté dans des zones définies. Pour être éligible, un ménage doit compter des membres vulnérables (femmes enceintes et/ou enfants de moins de deux ans).
Les femmes sont les bénéficiaires prioritaires des services de nutrition ainsi que des initiatives « travail contre rémunération en espèces ». Les connaissances en matière de puériculture ainsi que les transferts financiers offrent aux femmes une plus grande autonomie. Ce supplément de revenu leur permet d’appliquer les pratiques nutritionnelles recommandées.
Le système d’information de gestion du projet tient pleinement compte de ces deux composantes et de la conditionnalité, ce qui garantit que les personnes sélectionnées appartiennent bien aux ménages ciblés.
Investissement dans le renforcement des capacités
Ce projet est mis en œuvre par l’Agence djiboutienne de développement social (ADDS) avec le ministère de la Santé et des organisations locales. Le personnel de santé reçoit une formation. Des organisations non gouvernementales et des associations locales sont mandatées pour organiser les services de nutrition au niveau communautaire.
Ce programme s’appuie autant que possible sur les structures existantes : les services de nutrition sont fournis par des travailleurs communautaires bénévoles et des facilitateurs issus des communautés, qui ont tous reçu une formation. Les bénévoles s’occupent chaque mois de deux groupes de 20 ménages, et sont épaulés par des facilitateurs qui encadrent une dizaine de bénévoles.
Les travaux d’intérêt général sont définis par un comité local de développement. Les programmes sont examinés et évalués tous les trois mois au niveau communautaire.
Élargissement progressif en fonction de la mise en œuvre du programme
Au cours des 18 premiers mois, les autorités ont essentiellement élaboré les outils du programme, consolidé la collaboration entre le secteur social et celui de la santé et renforcé les capacités de l’agence d’exécution et de ses partenaires. Depuis 2012, le périmètre des interventions au niveau communautaire a été étendu. En mai 2014, plus de 5 400 bénéficiaires avaient eu accès aux services de nutrition et environ 4 400 bénéficiaires avaient participé aux interventions de « travail contre rémunération en espèces ».
La phase de conception s’est attachée à créer un système de suivi et d’évaluation efficace. Des enquêtes initiales et de suivi rigoureuses ont été menées lors des phases pilote et d’élargissement. En outre, une évaluation d’impact , actuellement en cours, sur la valeur ajoutée des travaux d’intérêt général dans la prévention de la malnutrition, procurera des informations essentielles en vue d’un élargissement du programme.
Les autorités djiboutiennes se sont engagées dans le développement d’un registre des ménages pauvres et vulnérables afin d’améliorer le ciblage, d’intégrer diverses formes d’assistance et de coordonner l’aide apportée par différents partenaires de développement.