Les pays de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) sont acculés : s’ils ne réagissent pas, leurs économies ne créeront plus rien et certainement pas les centaines de milliers d’emplois nécessaires chaque année pour absorber les nouveaux entrants sur le marché du travail. L’inactivité généralisée persistera, parallèlement à un mécontentement populaire latent. Comment changer la donne ?
Les données officielles devenues accessibles depuis le Printemps arabe, en 2011, ont donné aux chercheurs de la Banque mondiale la possibilité de comparer la performance de la région sur le plan de l’emploi et les politiques qui la régissent pour voir où se situaient les points d’achoppement. Leurs conclusions sont reprises dans un nouveau rapport sur les privilèges et les solutions permettant de dynamiser la création d’emplois dans la région, intitulé Jobs or Privileges, Unleashing the Employment Potential of the Middle East and North Africa.
Les « privilèges » dont il est question désignent toutes ces politiques mises en place par les gouvernements précédents et qui continuent de protéger les intérêts commerciaux de certaines entreprises proches du pouvoir. Le rapport montre comment ces mesures — conçues pour empêcher ou décourager toute concurrence afin qu’une petite élite puisse s’octroyer des rentes de monopole juteuses — enrayent la mécanique naturelle de l’économie qui fait qu’une entreprise grandit et gagne en productivité ou se retrouve éjectée du marché. Dans la configuration actuelle, les liens politiques comptent plus pour la réussite qu’un esprit novateur.
Les données d’enquête qui ont pu enfin être consultées témoignent des privilèges indus dont ont bénéficié en Tunisie et en Égypte les entrepreneurs proches du régime. En Égypte, 71 % des entreprises liées au pouvoir contre 4 % seulement des entreprises sans relations politiques commercialisent des produits protégés par au moins trois barrières à l’importation. En Tunisie, ce sont 64 % des firmes proches du régime et seulement 36 % des autres qui opèrent dans les secteurs peu ouverts aux investissements directs étrangers.
Les heureux élus ont également bénéficié d’une influence disproportionnée sur leurs secteurs d’activité. L’un des exemples les plus connus est celui du géant américain McDonald’s qui n’est jamais parvenu à s’installer sur le marché tunisien parce qu’il a refusé une offre de franchise exclusive d’un proche du président déchu.
Ce type de privilèges défavorise fortement les entrepreneurs locaux qui n’ont pas les bonnes relations et préfèrent différer leurs investissements. Et les investisseurs étrangers détestent par-dessus tout l’incertitude entourant les arbitrages économiques d’un gouvernement, dont personne ne peut dire s’ils seront ensuite appliqués de manière équitable.