Walid Benamor est un bourreau de travail : son entreprise familiale, La Pratique Électronique, est passé de seulement deux employés au moment de sa création à plus de 70 aujourd’hui. C’est une exception dans un pays qui a vu son économie stagner et son taux de chômage rester obstinément élevé, en particulier au cours de la récession qui a suivi la révolution de 2011.
Bien que très ancrée sur le sol tunisien, en vertu de la loi tunisienne, La Pratique Électronique est considérée comme une société « offshore » parce qu’elle exporte au moins 70% de sa production. Elle est ainsi autorisée à importer ses matières premières et ses composants en franchise de droits.
Les systèmes d’alarme et les unités d’éclairage LED que La Pratique Électronique produit en Tunisie sont utilisés par les usines d’assemblage de voitures, les aéroports et les supermarchés, principalement en France. Il s’agit pour beaucoup du genre de succès incarnant le modèle économique tunisien, qui offre de grandes incitations fiscales pour les exportations manufacturières des entreprises dans le cadre de son Code d’incitation des investissements. Cependant, au cours des dernières années, les économistes et hommes d’affaires ont à maintes reprises demandé la modification du code ; le gouvernement tunisien a examiné si des réformes étaient nécessaires et la façon de modifier ce système.
Ce dernier fait une distinction entre sociétés « onshore » et « offshore ». Ses partisans expliquent que les incitations aux sociétés offshore rendent la Tunisie plus attrayante pour les investisseurs étrangers, la réglementation relativement limitée du secteur offshore les protégeant contre la corruption et la bureaucratie auxquelles fait face le secteur onshore. D’après eux, ce système protège le marché du travail tunisien de la « concurrence sur les prix » ayant lieu au niveau mondial, les pays concurrents produisant des exportations à bas prix avec une main-d’œuvre bon marché.
Dans la pratique, le fonctionnement du système onshore–offshore ne confirme aucun de ces arguments. Le secteur offshore a certes attiré un grand nombre d’investissements étrangers, mais la réalité est que les niveaux d’investissement restent dans l’ensemble faibles et la Tunisie est à la traîne par rapport à ses voisins les plus proches. Les enquêtes montrent que les incitations à l’investissement, qui s’élèvent à environ 2% du produit intérieur brut, sont en grande partie dilapidées. « Environ 80% des 850 millions de dollars que la Tunisie dépense annuellement dans des incitations fiscales au secteur offshore sont du gaspillage », a déclaré Antonio Nucifora, le principal auteur du rapport de la Banque mondiale récemment publié, intitulé « La révolution inachevée : créer des opportunités, des emplois de qualité et de la richesse pour tous les Tunisiens ». Il rajoute : « Les entreprises que nous avons interrogées ont déclaré qu’elles auraient investi exactement de la même façon, qu’elles aient ou non bénéficié d’allègements fiscaux ».