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Huit villes d’Afrique au banc d’essai pour mesurer les limites et les possibilités des compteurs d’eau à prépaiement

01 septembre 2014


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Depuis que les bornes-fontaines dotées d’un système de prépaiement ont été introduites dans la ville de Nakuru au Kenya, les habitants disposent d’une eau bien moins chère, de jour comme de nuit. L’opérateur public local prévoit d’installer 1 000 autres bornes pour étendre ce service à d’autres quartiers.

Kathy Eales/Banque mondiale

LES POINTS MARQUANTS
  • En moyenne, la croissance annuelle des villes africaines s'élève à 5 %, un rythme supérieur à tous les autres continents.
  • Les opérateurs du secteur de l’eau se heurtent au défi de satisfaire une demande croissante et la plupart n’ont pas les ressources nécessaires pour y parvenir.
  • Selon une étude menée dans huit villes africaines, les systèmes d’eau prépayée, bien que leur qualité soit inconstante, remportent globalement l’adhésion des usagers : ces derniers voient leurs dépenses diminuer, ils connaissent le volume d’eau qu’ils recevront, ce qui leur permet de mieux planifier leur consommation et leurs dépenses, et sont moins exposés aux restrictions d’accès à l’eau.

Les villes d’Afrique croissent au rythme de 5 % par an, une expansion plus rapide que sur tous les autres continents. Les opérateurs de l’eau se retrouvent face au défi gigantesque de répondre à une demande croissante et la plupart n’ont pas les ressources nécessaires pour y parvenir. Par ailleurs, les recettes qu’ils perçoivent ne suffisent pas à satisfaire à l’obligation d’investir et de gérer efficacement des services dont ont besoin des citadins toujours plus nombreux et, parmi eux, les pauvres tout particulièrement.

Pour répondre à la demande, notamment des quartiers pauvres dont le développement rapide ne s’accompagne pas de l’offre de services nécessaires, il est indispensable d’adopter une nouvelle approche et de faire preuve d’innovation. Voilà pourquoi les opérateurs de l’eau en Afrique subsaharienne manifestent un vif intérêt pour les systèmes de prépaiement.

À condition de faire l’objet d’une planification solide et d’une maintenance régulière, les systèmes d’eau prépayée peuvent offrir de multiples avantages aux usagers, si l’on en croit l’étude The Limits and Possibilities of Prepaid Water in Urban Africa: Lessons from the Field (a). Ce nouveau document de synthèse, élaboré à l’initiative du Programme pour l’eau et l’assainissement (WSP) de la Banque mondiale, passe en revue le potentiel des systèmes de prépaiement au service des quartiers défavorisés de huit villes africaines.

Ce travail fait ressortir que si l’irrégularité des prestations et de la qualité demeure problématique, la plupart des bénéficiaires disent avoir réduit leurs dépenses en eau depuis l’installation des nouveaux compteurs et reconnaissent qu’ils maîtrisent mieux leur consommation et leurs dépenses. Ceux qui sont raccordés à leur domicile ajoutent que cette solution leur permet de mieux surveiller leur consommation, ce qui les incite à accorder une plus grande confiance dans la facturation. La majorité des usagers interviewés ont semblé apprécier ce système.

Par ailleurs, l’étude souligne que les opérateurs doivent examiner en détail un certain nombre de coûts associés aux compteurs d’eau prépayée : sur le plan de l’investissement (quatre fois plus cher qu’un compteur classique, hors coûts liés aux dispositifs de vente et de gestion des données), de l’entretien des compteurs (une compétence souvent inexistante à l’échelle locale) et de la mise en place de services auxiliaires (distribution des jetons aux usagers, relations clientèle et différents protocoles de service client). Les recettes ne suffisent parfois pas à couvrir les coûts plus élevés induits par le système de prépaiement, sauf en cas de consommation relativement importante aux points d’alimentation où les opérateurs appliquent des tarifs rentables.

L’étude prend également en considération les réserves qu’émettent certains sur ces systèmes qui interdiraient toute autre alternative d’accès à l’eau aux populations défavorisées, ce qui leur serait intrinsèquement préjudiciable. Si les auteurs admettent la possibilité d’un tel risque, ils n’en tirent cependant pas la même conclusion : pour eux, la technologie n’est qu’un instrument. Ce sont les priorités et les approches retenues par les responsables politiques, les organismes de réglementation et les prestataires de service qui décideront ou non d’en faire bénéficier le plus grand nombre.

« Nos travaux font apparaître que le client se soucie moins de la dimension technologique que de la fonctionnalité, du prix et de la fiabilité du service », résume Chris Heymans, auteur principal de l’étude. « Nous sommes arrivés à la conclusion que si la distribution d’eau prépayée n’est pas un remède miracle, de nombreuses compagnies des eaux, appuyées par leurs usagers, pensent que, forts d’une gestion et d’une planification intelligente, les systèmes de prépaiement peuvent apporter de remarquables avantages, au rang desquels une maîtrise accrue des dépenses, sans risque d’impayé, et une exposition inférieure aux restrictions d’accès. »

Dans la ville de Windhoek, en Namibie, les bornes de distribution d’eau prépayée ont réduit les tensions entre usagers qui ne sont plus pénalisés par une coupure si des factures restaient en souffrance. Ce service leur coûte deux fois moins cher qu’une facturation classique.

« Devant l’accroissement de l’utilisation et de la demande de compteurs d’eau prépayée dans les pays en développement, il était indispensable d’examiner plus avant cette technologie et ses évolutions », indique Glenn Pearce-Oroz, chef d’équipe régionale pour l’Afrique au sein du Programme pour l’eau et l’assainissement. « Si l’approvisionnement en eau prépayée nécessite une gestion minutieuse, les contraintes ne sont pas insurmontables, et les solutions dépendent souvent de facteurs qui ne relèvent pas en soi de la technologie. »

Si les systèmes de paiement anticipé cumulent certains avantages, l’étude, qui a porté sur les villes de Kampala, Lusaka, Maputo, Maseru, Mogale City, Nakuru, Nairobi et Windhoek, a également mis en évidence un certain nombre de difficultés liées à cette technologie et à sa mise en œuvre.

L’inconstance des performances compromet le potentiel de nombreux systèmes de prépaiement, ce qui importune les usagers, engendre chez eux un sentiment de frustration et entraîne de larges surcoûts pour les opérateurs. Cette situation n’est pas exclusive aux systèmes de prépaiement, mais, comme cette approche est relativement nouvelle, elle risque de rebuter les usagers et les prestataires de service. Les compteurs dont le prix d’achat initial est modique peuvent se révéler très coûteux s’ils tombent en panne prématurément et ne peuvent être réparés rapidement. Si l’industrie du prépaiement doit se développer, il faut que les compteurs puissent être réparés par des intervenants locaux et que le fournisseur garantisse un service après-vente de qualité et la fourniture de pièces détachées.

Par ailleurs, les usagers ont indiqué vouloir un accès plus pratique aux points de vente pour créditer leur compte et une plus grande réactivité lors de la survenue de défaillances qui nuisent à l’approvisionnement en eau, sachant que celle-ci a déjà été payée. Les coupures subies dans le cadre des systèmes traditionnels à paiement différé les contraignaient à s’en remettre à des fournisseurs d’eau et autres intermédiaires qui majoraient leurs prix et ne les alimentaient en eau qu’à heures fixes.

Le document de travail met en évidence la nécessité de différencier les diverses applications des systèmes de prépaiement (bornes-fontaines collectives, raccordement chez les particuliers, clients institutionnels et grands comptes), qui revêtent chacune des implications différentes pour leurs usagers et la rentabilité du projet.

Si l’apparition de cette alternative ouvre donc de nouveaux horizons aux opérateurs de l’eau et à leurs clients, les auteurs ont souhaité mettre l’accent sur des éléments clés qui nécessitent une analyse, un suivi et des recommandations plus approfondis, comme :

  •  l’établissement de normes pour les systèmes de prépaiement, en encourageant la mise en conformité des fournisseurs par des mesures incitatives et en luttant contre des dispositions qui lient les prestataires de service à des fournisseurs exclusifs ;
  •  l’instauration de lignes directrices pour mieux guider les opérateurs publics, afin qu’ils décident ou non de poursuivre sur la voie du prépaiement ;
  •  l’amélioration de l’évaluation financière des options de prépaiement avant et après leur adoption ;
  •  la mise à disposition d’analyses économiques plus poussées des coûts et des avantages pour éclairer tout prestataire de service qui envisage de passer au prépaiement ;
  •  le développement d’instruments et de capacités pour le suivi et la gestion des performances des services de prépaiement.

Dernière mise à jour: 01 sept. 2014




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