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Pourquoi les chefs d’entreprise sont favorables à la tarification du carbone

11 août 2014


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Parmi les multiples risques que le changement climatique fait peser sur l’activité économique, cette infographie se penche sur les besoins en eau et s’interroge sur l’avenir de l’énergie face à la raréfaction de cette ressource.


LES POINTS MARQUANTS
  • Le changement climatique, qui menace d’anéantir des décennies de développement, fait aussi peser un risque sur les ressources, les chaînes d’approvisionnement et les infrastructures indispensables aux entreprises.
  • Conscientes de ce problème, certaines ont introduit en interne un « prix virtuel » du carbone pour orienter leurs décisions d’investissement et saisir de nouvelles occasions.
  • Un nombre croissant de chefs d’entreprise expriment leur soutien à des politiques de tarification du carbone.

Les entreprises qui assurent au quotidien nos déplacements et notre approvisionnement en électricité, en biens de consommation, voire en produits électroniques, vivent sous la menace du changement climatique. La plupart d’entre elles dépendent ainsi d’une alimentation fiable en eau pour fabriquer leurs produits et des conditions météorologiques ou des températures extrêmes peuvent nuire à leur productivité, désorganiser leurs chaînes logistiques et endommager leurs actifs.

Les chefs d’entreprise ont compris que le changement climatique pouvait impacter leurs modèles d’affaires et que, dans un monde plus chaud de 4 °C, la rentabilité de leurs activités risquait de s’éroder. Mais ils sont aussi prêts à saisir cette occasion d’innover pour un avenir plus propre.

Plusieurs multinationales, au nombre desquelles Google, Wal-Mart ou Shell, ont introduit un « prix virtuel » (a) du carbone pour « valoriser » les émissions de gaz à effets de serre (GES) des investissements envisagés. L’idée est de se prémunir contre les risques et d’identifier des solutions pour améliorer l’efficacité énergétique et l’utilisation efficace des ressources, réduire les émissions et gagner en compétitivité. Si cette décision d’une poignée de dirigeants visionnaires ne suffira pas à convaincre leurs homologues de se convertir à des pratiques plus éconergétiques, l’introduction d’une « tarification du carbone », pour reprendre une expression en vogue, à l’échelle d’un secteur ou d’un domaine d’activités peut le faire.

Dans une quarantaine de pays et plus de 20 municipalités, États et provinces, ces entreprises et d’autres fonctionnent également avec un tarif officiel des émissions, qui s’applique ou s’appliquera à des pans entiers de l’économie, à travers des taxes sur le carbone ou des marchés du carbone. Ce dispositif envoie un message économique cohérent sur les bienfaits pour tous d’une croissance plus verte et décarbonée.

Les chefs d’entreprise sont toujours plus nombreux à se prononcer pour un élargissement de ces politiques de tarification. 

Plus de 250 entreprises ont apporté leur soutien à une déclaration portée par le Groupe de la Banque mondiale et des partenaires comme le Forum économique mondial, le Global Compact des Nations unies ou l’European Corporate Leaders Group du Prince de Galles, dans le but d’inciter les pouvoirs publics à étudier des solutions de tarification du carbone et à fixer leur propre prix prévisible.

Flexibilité, innovation et efficience

Le géant français de l’énergie GDF-Suez voit dans la tarification du carbone un moyen rentable de s’attaquer au changement climatique sans imposer pour autant aux entreprises des modalités à respecter pour réduire leurs émissions. Cette multinationale opère sur cinq continents dans près de 70 pays – dont certains ont mis en place une tarification du carbone. Pariant sur l’avenir, elle s’emploie à valoriser les sources d’énergie renouvelables afin de réduire son empreinte carbone – une philosophie qui lui a conféré un avantage compétitif dans le secteur de l’énergie.

« Chez GDF-Suez, nous sommes favorables à la tarification carbone parce que nous estimons de notre devoir de lutter contre le changement climatique. Pour ce faire, nous soutenons toutes les initiatives visant à réduire de manière efficace et rentable les émissions. Nous sommes partisans des approches de marché et des échanges de quotas d’émissions, qui offrent aux entreprises la flexibilité nécessaire pour décider quand et où réduire leurs émissions en fonction de leurs impératifs commerciaux ». Tel est le commentaire accompagnant la signature de l’entreprise sur la déclaration publique à l’intention des gouvernements du monde entier.

Le roumain KDF Energy, lui aussi partisan de ce mode de tarification et signataire de la déclaration, rappelle que « la fixation d’un prix sur le carbone renforce l’efficacité de l’économie et envoie un signal positif pour investir dans une croissance sobre en carbone et à l’abri des chocs climatiques ».

Microsoft, le géant du logiciel, décrit les avantages du prix virtuel du carbone utilisé en interne, puisque le système incite tous les membres de l’organisation à privilégier l’efficience : « Avec le temps, nous avons constaté que l’intégration progressive d’objectifs de viabilité environnementale au sein de l’entreprise nous permettait de mieux réagir à l’évolution des conditions économiques, sociales et environnementales. Notre modèle de rémunération en fonction du carbone induit une culture de l’innovation et de l’efficience », s’est félicité le PDG de l’entreprise dans un récent rapport (a) sur ce dispositif interne.



« Nous devons inciter les pouvoirs publics à installer les conditions qui nous permettront de relever les immenses défis de la viabilité de l’environnement dans le monde  »

Unilever



Investisseurs

Pour les investisseurs, transparence et viabilité sont deux maîtres mots : une tarification du carbone révèle les risques liés aux coûts échoués et fait le lien entre la combustion de ressources fossiles et les dégâts provoqués sur ces ressources – coûts rarement pris en compte dans les cours boursiers. 

Dans un récent article paru sur le web, quatre groupes d’investisseurs d’Europe, d’Asie, d’Australie et d’Amérique du Nord rappellent qu’« en plus d’encourager les opérations en faveur d’une production d’énergie décarbonée, la tarification du carbone va inciter les investisseurs à exclure de leurs portefeuilles les activités à fortes émissions, puisqu’ils percevront plus distinctement le coût économique de la détention de ces actifs. Le perfectionnement et l’extension de la tarification du carbone sont en effet la clé d’un avenir énergétique décarboné ».

L’établissement français de gestion des retraites des fonctionnaires, l’ERAFP, propose que les entreprises publient leur empreinte carbone pour permettre d’évaluer la manière dont chacune de prépare à affronter le changement climatique. 

L’ERAFP, qui soutient la déclaration en faveur d’une tarification du carbone, précise ainsi : « si l’on part du principe qu’au final, toute compagnie aura avantage à gagner un maximum avec une empreinte carbone réduite au minimum, la pression ira croissant pour un changement généralisé des modèles d’affaires. Nous ne saurions trop insister sur l’importance de la transparence ».

Petites entreprises

Les petites entreprises, elles aussi touchées par le changement climatique, ont moins de moyens pour affronter des épisodes météorologiques extrêmes, s’en remettre ou s’y adapter. L’American Sustainable Business Council (ASBC), qui travaille à leurs côtés, perçoit tout l’intérêt de valoriser correctement le coût de la combustion de ressources fossiles et de réaffecter les recettes à la réduction d’impôts. 

« En redistribuant une partie des revenus à ceux qui gagnent le moins d’argent, la tarification du carbone profite de fait aux petites entreprises qui desservent ce segment des consommateurs », souligne (a) l’ASBC. « S’atteler au changement climatique n’est pas seulement un moyen d’éviter une catastrophe économique. C’est aussi une solution pour susciter l’innovation, créer des emplois et engranger des atouts pour renforcer sa compétitivité sur les marchés mondiaux ».

La Colombie-Britannique (a) a sauté le pas en 2008. Cette province du Canada a créé un impôt sur les émissions des combustibles fossiles (prélevé à la pompe et sur les factures d’électricité) et, dans le même temps, réduit les taxes professionnelles et l’impôt sur le revenu des particuliers (IRPP) tout en introduisant un crédit d’impôt pour les bas salaires, afin de protéger les plus démunis. Grâce à cette approche neutre du point de vue des revenus, la province affiche un taux d’IRPP parmi les plus faibles du Canada et est parvenue à améliorer son empreinte carbone.  

Impliquer les acteurs privés – un impératif

Le Groupe de la Banque mondiale, qui travaille aux côtés de chefs d’entreprise pour encourager les investissements dans un développement sobre en carbone et les énergies propres, a bien compris l’intérêt d’une tarification du carbone pour susciter un tel basculement.

Car on ne peut se passer du secteur privé. Le changement climatique menace d’anéantir des décennies de développement et de fragiliser encore davantage les populations les plus pauvres et les plus vulnérables. L’argent public ne suffira pas à faire évoluer la planète vers une croissance décarbonée capable de ramener les émissions à un niveau plus tolérable. Pratiquement les deux tiers (a) des financements alloués actuellement à des projets d’atténuation (développement des énergies renouvelables ou renforcement de l’efficacité énergétique) sont le fait du secteur privé. Mais on est loin du compte. 

Pour s’atteler efficacement aux défis du changement climatique, secteur privé et secteur public doivent agir de concert.

La multinationale Unilever, qui produit des biens de consommation, justifie ainsi son soutien et celui de ses homologues à la déclaration sur la tarification du carbone : « Nos activités ont des retombées qui échappent en grande partie à notre contrôle direct. Nous devons donc inciter les pouvoirs publics à installer les conditions qui nous permettront de relever les immenses défis de la viabilité de l’environnement dans le monde ».


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