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Un footballeur brésilien gagne en général moins de 650 dollars par mois

07 juin 2014


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Un jeune footballeur dans un quartier déshérité de Salvador (Brésil).

Mariana Ceratti / Banque mondiale

Au Brésil, huit footballeurs sur dix gagnent moins de 650 dollars par mois : une situation emblématique des inégalités sociales dans ce pays.

L’équipe jaune et vert qui jouera le match d’ouverture de la Coupe du monde de football 2014 jeudi prochain, contre la Croatie, n’est que la face la plus visible d’un sport aussi inégal que la société dont il est le miroir.

L’élite footballistique du Brésil est jeune et mondialisée : sur les 23 joueurs sélectionnés, 17 le sont pour la première fois et 18 évoluent à l’étranger. Selon Pluri, un cabinet de conseil en marketing sportif, sa valeur marchande est la plus élevée de tout le Mondial, ressortant à plus de 700 millions de dollars.

Le destin de joueurs comme Dani Alves ou Neymar Jr., et de tous ceux qui ont pu tourner la page de la pauvreté grâce au foot, est une source d’inspiration pour des millions de jeunes Brésiliens qui s’efforcent de suivre leurs traces. Mais ce tableau idyllique ne l’est en réalité pas tout à fait.

« Pour ceux qui ont du talent et de la chance, le foot est sans aucun doute un moyen de s’extraire de la pauvreté. Mais seule une minorité y parvient », met en garde Luis Fernando Restrepo, commentateur sportif colombien sur DirecTV.

Cette minorité — on parle là de joueurs gagnant plus de 20 fois le salaire minimum mensuel au Brésil (6 380 dollars) — ne représente qu’à peine 2 % des quelque 31 000 joueurs membres de la Fédération brésilienne de football en 2012. Pour près de 25 000 d’entre eux (82 %), leur revenu mensuel est inférieur à deux fois le salaire minimum (638 dollars). À titre de comparaison, la proportion de travailleurs dans la même situation que ces derniers est de 68 %, selon l’Institut brésilien de géographie et de statistique (IBGE).

« Le revenu des Brésiliens reste globalement faible et, étonnamment, il est encore plus bas pour les footballeurs », indique Claudia Baddini, spécialiste des questions de protection sociale à la Banque mondiale.



« Pour ceux qui ont du talent et de la chance, le foot est sans aucun doute un moyen de s’extraire de la pauvreté. Mais seule une minorité y parvient. »

Luis Fernando Restrepo

Commentateur sportif colombien


Chômage et pauvreté

Les footballeurs ont aussi plus de mal à faire valeur leurs droits professionnels et, notamment, le droit à une assurance chômage, essentielle pour toute activité sportive : environ 80 % des joueurs brésiliens raccrochent leurs crampons pendant au moins six mois de l’année, faute de championnats au niveau des États. C’est ce qu’indique la Bom Senso Futebol Clube, une association de joueurs qui cherche à rendre le foot plus transparent et à améliorer les conditions de travail.

« Compte tenu du calendrier des championnats, de nombreux joueurs signent des contrats à durée déterminée. À la fin de la période couverte, ils se retrouvent à la rue, sans aucune indemnisation possible », raconte l’ancien gardien de but Rinaldo Martorelli, devenu depuis avocat et qui préside la Fédération nationale des athlètes professionnels du football (Fenapaf), affiliée à la FIFPro, la Fédération Internationale des associations de footballeurs professionnels.

L’assurance n’est versée que si le joueur est licencié sans motif valable, explique-t-il, et ne couvre pas ceux qui respectent leurs contrats. Lui fait partie des rares footballeurs à avoir réussi une reconversion durable en dehors des stades.

Et, bien entendu, pour ces joueurs qui sont l’autre face du football brésilien, la reconversion n’est pas une préoccupation majeure, que ce soit pendant leur formation ou leur courte carrière.

Une formation limitée

Au Brésil, et singulièrement à São Paulo, de nombreux clubs ont passé des accords avec les écoles. Ils stipulent que les élèves ne peuvent commencer à jouer que lorsqu’ils ont terminé leurs études.

« Le problème, c’est que la formation pour passer professionnel est tellement soutenue que les athlètes ont beaucoup de mal à se concentrer en classe. Pour éviter de ruiner une carrière potentiellement prometteuse, les enseignants finissent par laisser passer des élèves même lorsqu’ils ne savent pas lire correctement ou effectuer un simple calcul », affirme M. Martorelli.

Non seulement ces joueurs sont défavorisés, parce qu’ils sortent de l’école sans avoir rien appris mais en plus, ils ratent d’autres possibilités offertes aux jeunes qui n’ont pas suffisamment de moyens. « Il existe des programmes publics donnant accès à des formations et des bourses couvrant tout ou partie des études universitaires, mais nous ne savons pas si les athlètes sont au courant », reconnaît Claudia Baddini.

« Les académies et les clubs se concentrent sur la performance sportive du joueur et non sur son développement en général. Il conviendrait d’attacher plus d’importance à l’éducation », estime M. Restrepo.

Ces problèmes et d’autres enjeux sociaux occupent une place grandissante depuis que l’une des sociétés les plus inégalitaires au monde a été sélectionnée pour organiser la Coupe du monde de football 2014 — surtout pour ceux qui ont choisi de vivre de leur sport. Le Brésil devra bien se garder de les oublier, une fois la fête terminée.


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