La Jordanie affiche des résultats remarquables sur le plan de l’égalité entre les sexes dans les secteurs de la santé et de l’éducation. Mais, alors que l’espérance de vie des femmes, leur degré d’alphabétisation et leur scolarisation à tous les niveaux du système éducatif se sont considérablement améliorés, ces progrès ne se sont pas accompagnés d’une amélioration de leur participation à la vie économique ni de leur capacité d’action.
Un nouveau rapport du Groupe de la Banque mondiale, intitulé en anglais Economic Participation, Agency and Access to Justice et consacré à la situation des femmes en Jordanie, se penche sur cette question essentielle, en soulignant que les avancées féminines sur le front du développement humain doivent encore se traduire en autant d’améliorations sur le plan de la participation sociale, économique et politique.
Lors d’une série d’ateliers organisés en Jordanie pour faire connaître ce rapport, les participants ont mis l’accent sur l’importance des freins qui s’opposent au travail des femmes.
« L’accueil des enfants avant leur entrée à l’école coûte cher, les aides à domicile aussi, et il n’y a pas de transports publics. Si vous ajoutez à cela le fait que le salaire mensuel minimum se situe à 190 dinars jordaniens [270 dollars], il est logique que les femmes se sentent économiquement incitées à rester à la maison », a expliqué Asma Khader, sénatrice et figure de proue de la défense des droits de la femme en Jordanie, lors de l’atelier qui s’est tenu à Amman le 10 mars dernier.
D’autres participants ont aussi fait observer que ces freins poussent les femmes à effectuer des travaux non déclarés chez elles, ce qui a des retombées négatives sur le plan de l’économie du pays, puisque ces activités échappent à l’impôt.
Ce ne sont là que quelques-uns des obstacles qui découragent les Jordaniennes de prendre part à l’économie formelle. Leur participation au marché du travail n’est que de 22 %, contre 87 % pour les hommes. La probabilité d’avoir une vie active est particulièrement faible chez les femmes mariées. Les Jordaniennes jeunes et éduquées, prêtes à s’insérer sur le marché du travail, se heurtent à des niveaux de chômage élevés. Il existe, dans la structure économique de l’emploi, des présupposés sexistes qui ont une incidence négative sur la participation des femmes à l’économie.
La Jordanie possède en effet un marché de l’emploi fortement segmenté, où les rares opportunités pour les femmes sont cantonnées à la fonction publique, en particulier dans les secteurs de la santé et de l’éducation. Or ces secteurs n’ont pas connu de progression importante en termes de création de postes ces dernières décennies, et les femmes n’ont pas profité des taux de croissance supérieurs observés en général dans le pays.
Il apparaît que les obstacles à la participation des femmes dans l’économie trouvent leur origine dans l’éducation, et qu’ils sont aggravés par le manque d’incitations économiques. On observe encore de nos jours un décalage flagrant entre le type de compétences que les femmes acquièrent et celles demandées par les employeurs, en particulier dans le secteur privé.
Amneh Khasawneh, qui dirige le Centre d’études sur les femmes de la princesse Basma à l’université de Yarmouk, dans le gouvernorat d’Irbid, au nord de la Jordanie, a animé un atelier spécifiquement consacré à cette question. Certes, le taux d’alphabétisation des femmes en Jordanie atteint 99 %, soit le plus élevé de la région, a-t-elle indiqué, mais « le problème essentiel pour elles est celui du décalage entre leurs études et les besoins du marché du travail ».