Depuis plusieurs générations, des milliers d’agriculteurs cultivent, entre autres, le haricot et le maïs dans la plaine de Levy au sud d’Haïti, en aval du pic Macaya, le plus haut sommet du pays. Souvent, leurs parcelles de terre ne dépassent pas un hectare.
Si l’agriculture représente la moitié du marché du travail dans le pays et 25 pourcent du Produit Intérieur Brut, beaucoup de petits producteurs ne peuvent toutefois subsister avec le simple revenu de leurs récoltes et se voient même forcés de migrer vers les grandes villes.
Face à cette situation, le Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural a lancé un programme pilote de subventions aux paysans afin d’augmenter leur production et leurs revenus.
Environ 3000 agriculteurs reçoivent des bons d’achats pour financer partiellement les frais de labour, d’engrais ou encore d’aspersion de pesticides. Ils achètent ces services chez des fournisseurs éligibles. Ce programme, intitulé Renforcement des Services Publics Agricoles (RESEPAG) a été lancé en collaboration avec la Banque mondiale.
Chery Denise, une des bénéficiaires du programme, fait partie de ces petits exploitants dont les journées commencent à l’aube et se finissent vers neuf heures du soir. Elle travaille la terre avec ses fils.
Les récoltes des dernières années auraient pu être meilleures. Il lui manquait de l’engrais, des semences de qualité mais aussi une meilleure connaissance des techniques de semis. Son champ était souvent inondé.
Grâce à sa participation au programme la situation est en train de s’améliorer : elle raconte avoir vu ses récoltes de l’année dernière augmenter de près d’un tiers par rapport à l’année précédente.
« Avant je n’avais pas assez de moyens pour asperger les champs avec la quantité nécessaire de pesticides contre les parasites », explique-t-elle. Elle a aussi appris à préparer ses semis d’une manière plus rationnelle. Le canal construit près de son champ par le gouvernement a par ailleurs réduit les risques d’inondations.
Teleus Renette a une famille de huit personnes à nourrir. Avant de faire partie du programme, elle ne pouvait pas cultiver simultanément toutes ses parcelles en raison de coûts trop élevés. Comme ses voisins, elle était souvent obligée de vendre une partie de son bétail pour financer ses frais de labour.
Aujourd’hui, Renette a réussi à doubler la surface des terres qu’elle cultive par rapport à l’année dernière:« « Beaucoup de mes voisins ont également augmenté leur surface. Ils n’ont pas eu besoin de vendre leur bœuf » déclare-t-elle.
De nouvelles dynamiques favorables aux affaires
La dynamique entre fournisseurs et producteurs a également changé : « Ce projet met pour la première fois les fournisseurs et les producteurs face à face. Autrefois les ONGs distribuaient des semences directement aux producteurs» explique Federico, ingénieur de l’Opérateur qui a été recruté par le gouvernement pour superviser le projet en appui à la Direction Départementale Agricole. Pour faire face à la demande croissante des producteurs titulaires de bons, certains fournisseurs de services se sont regroupés pour acheter en gros afin de réaliser des économies.
Ce mécanisme de subvention à la demande est déjà en train de porter ses fruits, selon Jean Jacques Débalio, directeur départemental pour le Sud du Ministère de l’Agriculture. Il explique observer une nette augmentation de la production agricole au niveau départemental, ainsi qu’un retour de certains migrants vers la campagne.
Réduire l’insécurité alimentaire et améliorer la gestion agricole
« Quand on regarde le bulletin de la Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire au niveau du Sud, il a certes des gens qui sont en insécurité alimentaire mais la quantité a considérablement diminué » précise Monsieur Débalio. « Tout n’est pas uniquement du au RESEPAG mais, l’ensemble des projets, avec l’augmentation de la production nous a permis d’avoir une certaine disponibilité de produits (alimentaires) dans le département »
L’augmentation de la production a en effet permis de diminuer significativement les prix des produits alimentaires de base améliorant ainsi l’accès aux aliments.
Un des défis du programme consiste maintenant à permettre aux agriculteurs de continuer d’accroître leurs revenus malgré la baisse des prix.
C’est pour cette raison que c’est primordial de travailler sur les techniques posts-récoltes et sur la gestion d’exploitations agricoles, conclut le directeur.
Denise et Renette pourraient ainsi bénéficier d’autres appuis afin d’améliorer les conditions de stockage ou encore d’apprendre à transformer leurs produits pour leur ajouter de la valeur.