El-Abdeh, Liban - À la fin de l’année dernière, barricadés dans leur maison d’Alep, au nord de la Syrie, Ali Mohamad Abdallah et sa femme Abeer ont été confrontés à une décision douloureuse : fallait-il rester, au risque de se retrouver pris entre deux feux, ou fuir, malgré la grossesse très avancée d’Abeer ?
Ils ont choisi la fuite.
Installé sous une tente d’un camp de réfugiés de fortune à proximité de la ville côtière d’El-Abdeh, le jeune homme de 22 ans nous explique pourquoi : « Les combats étaient tellement proches que nous serions morts aujourd’hui. Le deuxième étage de notre immeuble a été touché par des bombes. Nous avons saisi notre chance, même si ça a été une épreuve pour Abeer. » La jeune femme de 21 ans est allongée à ses côtés. Entre eux, un nouveau-né dort paisiblement. Leur fils, qui a tout juste deux jours, est apatride pour l’instant.
Ils ne sont hélas pas les seuls à avoir fait le choix de l’exil. Depuis deux ans, le conflit syrien a jeté sur les routes quelque 3 millions d’habitants, qui ont rallié, souvent au péril de leur vie, le Liban, la Jordanie ou la Turquie — les trois pays les plus touchés par ces flux massifs de réfugiés. Et en Syrie même, près de 3,5 millions de personnes auraient été déplacées.
À des milliers de kilomètres de là, la communauté internationale cherche une solution. À Koweït City la semaine dernière, les donateurs ont tenté de résoudre la crise humanitaire. À Genève cette semaine, ce sont les politiques qui entrent en scène, pour trouver une issue pacifique au conflit.
Pendant ce temps, les Syriens continuent de fuir leur pays, le plus souvent pour se réfugier au Liban. Dans l’un des centres d’enregistrement du HCR à Tripoli, l’un des cinq centres ouverts au Liban et qui se situe à 15 kilomètres au sud d’El-Abdeh, les fonctionnaires recensent 1 000 arrivées par jour. Pour obtenir un rendez-vous, il y a désormais trois semaines d’attente.
Deux questions taraudent les dirigeants des pays frontaliers de la Syrie : combien de temps cette situation va-t-elle pouvoir durer sans que leurs pays ne subissent un contrecoup majeur et ne puissent plus assurer les services à leurs citoyens ?
Et que va faire la communauté internationale pour les aider ?
Le Liban accueille à lui seul environ 1,2 million de Syriens, ce qui équivaut à plus d’un quart de sa population. Si les États-Unis étaient confrontés à la même situation, cela représenterait un afflux de 70 millions de personnes en 18 mois — le double de la population du Canada.
À la demande des autorités libanaises, le Groupe de la Banque mondiale a réalisé à l’automne dernier une évaluation de l’impact économique et social de cette arrivée massive de population, en estimant que le nombre de réfugiés syriens pourrait atteindre la barre des 1,6 million d’ici la fin de l’année, soit 37 % de la population totale.
Menée en coopération avec d’autres partenaires au développement (parmi lesquels des agences des Nations Unies, l’Union européenne et le Fonds monétaire international), cette enquête a confirmé l’explosion de la demande de services publics consécutive à cette poussée démographique. Pour le gouvernement, la facture risque de s’alourdir considérablement (autour de 1,1 milliard de dollars pour la période 2012-2014), alors que, dans le même temps, ses recettes devraient fondre (de 1,5 milliard de dollars selon les estimations), plombées par la paralysie des échanges et la confiance en berne des entreprises et des consommateurs.