Depuis toujours, chanteurs et poètes célèbrent les paysages grandioses et pittoresques du Liban, ses sommets enneigés dominant l’azur limpide de la Méditerranée, ses cours d’eau qui se fraient un chemin sinueux au milieu de villes et de cités affairées et ses terres fertiles et bien arrosées avec leur chatoyante palette de fruits et de légumes.
Mais le Liban d’aujourd’hui est à mille lieux de cette image d’Épinal, surtout pour l’eau. Dans ce domaine, l’heure n’est plus aux mélopées. Une grande majorité de Libanais n’ont plus accès à l’eau que quelques heures par jour et le peu qui est distribué par les réseaux publics est en général considéré comme de mauvaise qualité. Ceux qui en ont les moyens achètent au prix fort de l’eau en bouteilles ou à des camions citernes. Plus de 20 000 captages illégaux dans les nappes phréatiques ont par ailleurs été forés dans la seule région du Grand Beyrouth et du mont Liban, où vivent et travaillent plus de la moitié de la population du pays. Dans cette zone exposée à de terribles inondations l’hiver et où la mer est fortement polluée, la qualité de l’eau est médiocre ou son prix exorbitant.
Cela fait des années que les Libanais s’efforcent d’améliorer la gestion de leurs ressources hydriques. Place du secteur privé dans l’eau et l’assainissement, nombre de barrages nécessaires, agriculture et sécurité alimentaire, rentabilité des infrastructures, acceptation du principe des compteurs d’eau dans la population… autant de thèmes qui ont été au cœur d’innombrables discussions – comme probablement et surtout le point de départ à privilégier.
L’expérience a prouvé que ces échanges pouvaient se révéler extrêmement fructueux, et ce d’autant plus que des avis informés ont pu se faire entendre. C’est ainsi qu’ont vu le jour l’immense barrage de Qaraoun et ses infrastructures hydroélectriques, les nombreuses lois sur l’eau régissant l’épineuse question des transferts entre bassins versants mais aussi les règles sur la participation du secteur privé et la privatisation des compagnies d’eau ou, plus récemment, la stratégie nationale pour le secteur de l’eau, dont l’élaboration a pris plusieurs années et qui a été approuvée par le parlement en mars 2012.
Sans oublier le consensus qui prévaut sur l’obligation de garantir la salubrité de l’eau distribuée sur tout le territoire et la sécurité des approvisionnements – deux axes majeurs des projets hydriques que finance le Groupe de la Banque mondiale au Liban.
Eau du robinet : un partenariat avec le secteur privé pour se conformer aux normes de qualité internationales
En 2010, après plusieurs étés particulièrement secs, les autorités libanaises ont été confrontées au mécontentement grandissant de la population face à la qualité et la quantité d’eau fournie ainsi qu’à l’obligation de remédier au plus vite à un déficit hydrique de plus en plus marqué. Sollicitée, la Banque mondiale a accepté de financer une partie du projet d’approvisionnement en eau du Grand Beyrouth. Un certain nombre d’institutions se sont mobilisées pour sa mise en œuvre, dont le ministère de l’Énergie et de l’eau, le Conseil pour le développement et la reconstruction et l’Office des eaux de Beyrouth et du mont Liban (EMBL).
Ce projet vital permettra de fournir chaque jour 250 000 mètres cubes d’eau supplémentaires à la région du Grand Beyrouth et du mont Liban, grâce à un réseau de tunnels souterrains, de canalisations, de réservoirs de stockage et, grande première dans le pays, à une grande station d’épuration. Dans le cadre d’un contrat novateur de conception-construction-exploitation entre EMBL et le secteur privé, l’usine de traitement des eaux usées de Ouardaniyeh, au sud de Beyrouth, produira une eau potable conforme aux normes internationales de qualité.
Conscient de l’engagement remarquable d’EMBL à trouver des solutions originales pour résoudre ce lancinant problème de l’adduction d’eau, le Groupe de la Banque mondiale vient, en partenariat avec la Banque islamique de développement, d’accorder une aide financière supplémentaire. Les 680 000 dollars alloués au projet du Grand Beyrouth devraient aider EMBL à attirer de nouveaux opérateurs privés et à s’adjoindre les services d’un bureau d’études privé pour examiner le projet de la station d’épuration et les différentes techniques de traitement envisagées puis, dans un deuxième temps, pour en surveiller la construction.
Sécurité des barrages : mobiliser l’expertise internationale in situ
À terme, la viabilité du secteur de l’eau au Liban dépendra des mesures prises pour augmenter les volumes disponibles et, parallèlement, réduire les déperditions ou le gâchis.
Plusieurs des barrages identifiés dans la stratégie du pays en vue d’améliorer la quantité d’eau stockée et sa distribution en sont à différents stades d’examen, de conception et de construction. L’un des plus grands ouvrages, à Bisri, devrait offrir une capacité additionnelle de stockage de 120 millions de mètres cubes d’eau potable.
Face à la taille et la complexité du projet de Bisri, les autorités libanaises ont recruté un panel d’experts pour étudier les plans du barrage et s’assurer que toutes les phases – de la conception à la maintenance en passant par la construction et l’exploitation – intègrent bien des considérations liées à la sécurité. Ce panel réunit des experts internationaux reconnus dans le domaine de la conception de barrages, de l’hydrogéologie, de l’hydrologie et de la sismologie. Tous ont travaillé sur les projets les plus complexes du monde.
Le gouvernement libanais a prouvé sa détermination à assurer la sécurité et la pérennité des chantiers engagés dans le secteur de l’eau. Pour le Groupe de la Banque mondiale et les autres partenaires du développement, ces initiatives ont confirmé que toutes les infrastructures envisagées respecteront les meilleures pratiques internationales. Mais surtout, elles ont démontré qu’au-delà des débats, les demandes de la population libanaise pour une alimentation sûre et durable en eau salubre ont bel et bien été entendues.