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ARTICLE

Les finances publiques dans le monde arabe : la reddition de comptes commence par la transparence

27 septembre 2013



LES POINTS MARQUANTS
  • Les transformations politiques et économiques vécues récemment exercent une importante pression sur les gouvernements dans le monde arabe
  • Plusieurs exemples à travers le monde montrent que la transparence budgétaire peut favoriser l’inclusion et accroître l’efficacité des programmes de l’État
  • Une nouvelle initiative rassemble tous les acteurs sociaux, du gouvernement à la société civile, s'intéressant à une meilleure gestion des finances publiques

Lancée par la Banque mondiale, l’initiative Connecting Voices est un nouveau partenariat régional destiné à promouvoir la gouvernance, la transparence, la reddition des comptes et une gestion financière saine dans le secteur public comme dans le secteur privé.

Dans le cadre de ce partenariat, Connecting Voices of MENA (ou CV MENA) a récemment tenu son premier forum annuel, à Abou Dhabi. Ce forum visait à permettre aux professionnels de la gestion financière d’engager un dialogue sur les meilleures façons d’encourager les bonnes pratiques financières dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA).

Plus de 150 représentants des pouvoirs publics, des institutions supérieures de contrôle des comptes publics, des organisations de la société civile et des médias, venant de toute la région, y ont examiné de nombreuses questions transversales, dans l’objectif d’instaurer des systèmes plus efficaces et plus transparents pour la gestion des finances publiques.

Il s’agissait non seulement de débattre mais, comme l’indique le nom de l’initiative, de « mettre en relation des voix et des opinions ». Un message clair et retentissant s’est dégagé de ces discussions : une plus grande transparence dans la gestion budgétaire n’est pas qu’une attente de la population, c’est également un impératif pour améliorer le fonctionnement des États.

Pourquoi la transparence dans les finances publiques importe-t-elle ?

Conjuguées à la nécessité croissante de créer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité alors même que l’activité économique mondiale est en berne, les transformations politiques et économiques vécues récemment par divers pays de la région MENA exercent une importante pression sur les gouvernements dans le monde arabe. L’une des priorités de ces pays est de procurer des dividendes économiques à leurs habitants.

Cependant, outre l’amélioration des opportunités économiques, la population arabe appelle à une transparence accrue et aspire à participer activement au processus de décision. Dans les mouvements de contestation apparus dans toute la région, l’un des principaux griefs portait sur la corruption et le détournement des fonds publics ; les manifestants exigeaient des futurs gouvernants qu’ils assurent un partage équitable des fruits de la prospérité.

Il ressort de plusieurs exemples à travers le monde que la transparence budgétaire peut à la fois favoriser l’inclusion et accroître l’efficacité des programmes de l’État. De surcroît, elle peut aider ce dernier à optimiser l’utilisation de fonds publics peu abondants, afin de maximiser les résultats du développement et de produire des effets positifs tangibles pour les citoyens.

Dans ce contexte, les institutions supérieures de contrôle qui effectuent des audits externes des dépenses publiques, parallèlement aux agences de supervision, jouent un rôle essentiel en mettant au jour des irrégularités. Ces institutions sont fondamentales pour la gestion et la hiérarchisation de l’utilisation des fonds publics conformément aux bonnes pratiques de gouvernance.

La gestion budgétaire est vitale, mais la communication des données financières de l’État, qui sont souvent publiées sur les portails d’e-gouvernement, l’est tout autant. Dans la région MENA, l’information sur l’allocation des fonds publics a longtemps été un sujet tabou. Mais cela est en train de changer. En effet, la population réclame de plus en plus de transparence et de comptes à l’État. Elle doit désormais être considérée comme un acteur crucial pour le contrôle, le suivi et l’évaluation de la politique publique.

Voici à ce propos une anecdote intéressante que Sowmya Kidambi (International Budget Partnership) a relatée lors du forum.Mme Kidambi avait participé en Inde à une consultation publique organisée dans un village isolé. Les représentants des autorités ont demandé à une vieille dame pourquoi elle estimait important d’être présente à cette consultation sur la redevabilité. Elle a répondu que, lorsqu’elle donne à son fils de l’argent pour aller au marché, il doit à son retour lui indiquer précisément comment il a dépensé cette somme.

À une plus large échelle, toute la population veut aussi demander des comptes sur la manière dont les fonds publics sont dépensés et jouer un rôle actif.

La première étape vers davantage de transparence et de redevabilité consiste à aider l’État à publier tous les trimestres des budgets simplifiés, compréhensibles pour les non spécialistes, afin d’informer la population des dotations budgétaires décidées. Dans la région MENA, le Maroc a été salué pour ses efforts visant à donner un accès public à ses comptes. Grâce au budget citoyen, facile à lire et à comprendre, qu’il publie chaque année depuis 2011, il a doublé son score dans la dernière Enquête sur le budget ouvert.


« Les institutions publiques, la société civile et les médias doivent jouer un rôle complémentaire dans l’équilibre des pouvoirs qui conduit à la réactivité et à la responsabilité »

Rend Al-Rahim

Directrice générale de l’Iraq Foundation

Le rôle de la société civile et des médias

Les citoyens, les organisations de la société civile et les médias peuvent aider, et aident souvent, à promouvoir la transparence et la reddition de comptes dans les programmes et les décisions de gestion des finances publiques. Que ce soit au niveau national, régional ou local, ils sont à même, par leurs activités de sensibilisation, de contrôle et d’évaluation, d’assurer un suivi des politiques publiques et d’en mettre en évidence les carences. 

Néanmoins, pour que les organisations de la société civile et les médias jouent pleinement ce rôle, ils doivent bien connaître les concepts techniques relatifs à la gestion des finances publiques. Les rapports financiers compliqués, voire alambiqués, qui comportent des données obscures et présentées sans aucune explication, peuvent faire obstacle à la transparence et à la responsabilité budgétaires.

Il peut donc être judicieux de commencer par organiser des consultations publiques et par encourager la formation des acteurs de la société civile opérant dans le domaine de la gestion des finances publiques et de son suivi ; cela permettrait d’améliorer la relation entre l’État et la société civile, ainsi que d’instaurer une confiance mutuelle.

Rend Al-Rahim, directrice générale de l’Iraq Foundation, a ainsi résumé la situation : « Je pense que tout le monde, dans la région, souhaite des gouvernants plus réactifs et plus responsables, et c’est finalement ça, la démocratie. » Et d’ajouter : « Les institutions publiques, la société civile et les médias doivent jouer un rôle complémentaire dans l’équilibre des pouvoirs qui conduit à la réactivité et à la responsabilité. »

Les règles d’or

La transparence et la responsabilité budgétaires reposent sur deux éléments essentiels : une forte volonté politique, au niveau de l’État, de faire participer la population, et beaucoup d’informations et de sensibilisation du côté des organisations de la société civile et des médias.

Il faudrait considérer que c’est là un partenariat gagnant-gagnant, par lequel les pouvoirs publics associeraient les citoyens au processus de prise de décisions en partageant de manière transparente les données budgétaires et les rapports sur les dépenses publiques, tout en bénéficiant des recommandations et des avis des entités non gouvernementales.

Le forum a mis en lumière deux règles d’or sur la voie vers une meilleure gestion des budgets publics : il faut un système de communication efficace et transparent, et il faut renforcer les institutions de surveillance. La transparence constitue la première étape vers la reddition des comptes. 


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