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Des personnalités féminines d’Asie du Sud s’expriment sur les violences faites aux femmes

18 avril 2013


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Janell Wheeler/Banque mondiale

LES POINTS MARQUANTS
  • La vice-présidence de la Banque mondiale a organisé une table ronde sur les violences faites aux femmes, avec des avocates et des militantes du Bangladesh, de l’Inde et du Népal.
  • Les discussions ont porté sur l’opportunité de durcir les peines alors l’importance du changement des comportements à l’égard des femmes.
  • « J’ai bon espoir que cette période funeste… engendre des changements extraordinaires », a déclaré l’une des participantes.

« Briser le silence » : telle était la volonté des cinq femmes invitées à participer à la table ronde intitulée ainsi et grâce auxquelles la question des violences sexuées, c’est-à-dire celles qui visent les femmes en tant que telles, a été placée au cœur des Réunions de printemps du Groupe de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international.

« Nous ne pouvons plus nous taire » devant l’horreur, a déclaré Isabel Guerrero, vice-présidente de la Banque mondiale pour la Région Asie du Sud. « Nous devons aider à briser la chape du silence ».

Avec le viol collectif puis le décès d’une jeune étudiante de 23 ans, à New Delhi en décembre dernier, la communauté internationale a été brusquement rappelée à la brutale réalité des violences dont sont victimes les femmes. Ce drame a inspiré le mouvement « 1 Billion Rising » (« 1 milliard de femmes se lèvent contre la violence »), qui a organisé des manifestations et des rassemblements en Inde et partout dans le monde. D’autres attaques à l’encontre des femmes n’ont fait que renforcer l’indignation, comme la fusillade visant Malala Yousafzai, une jeune Pakistanaise qui se bat pour l’éducation des filles.

Modératrice des discussions, la célèbre journaliste et éditorialiste indienne Barkha Dutt a voulu savoir si les protestations récentes marquaient un « tournant » et si l’adoption d’une nouvelle loi en Inde aurait un effet probant.

Ratna Kapur, professeur à la Jindal Global Law School en Inde et longtemps avocate à New Delhi, a affirmé qu’elle avait « bon espoir que cette période funeste engendre des changements extraordinaires. C’est d’ailleurs déjà le cas. Des milliers de jeunes descendent dans les rues, hommes et femmes confondus. Le mouvement devient un enjeu politique ».

Mais, comme les autres membres du panel, elle estime que la nouvelle législation indienne, qui prévoit la peine de mort dans certains cas de viol, est trop centrée sur le système policier et judiciaire et pas suffisamment sur l’autonomisation des femmes : « Les violences faites aux femmes relèvent des droits fondamentaux, pas uniquement de l’ordre public », a-t-elle souligné, avant d’ajouter que ce nouveau texte « reproduit la vision traditionnelle de la femme en Inde ».

Selon Seema Aziz, une femme d’affaires pakistanaise qui a fondé la fondation CARE pour l’éducation, « il pourrait s’agir d’un moment charnière à condition que nous capitalisions sur cette dynamique, que les gouvernements et la société civile l’entretiennent et en profitent pour analyser les causes des violences et des discriminations à l’encontre des femmes et pour mettre sur la table des solutions durables ». Et d’avertir : « Faute de quoi, ce mouvement mourra dans l’œuf ».


« Il pourrait s’agir d’un moment charnière à condition que nous capitalisions sur cette dynamique, que les gouvernements et la société civile l’entretiennent et en profitent pour analyser les causes des violences et des discriminations à l’encontre des femmes et pour mettre sur la table des solutions durables. Faute de quoi, ce mouvement mourra dans l’œuf.  »

Seema Aziz

Femme d’affaires pakistanaise et fondatrice de la fondation CARE pour l’éducation

La présidente d’Oxfam Inde, Nisha Agrawal, a souligné pour sa part qu’à moins de faire strictement respecter les lois et de militer pour un changement d’attitude, cette nouvelle législation ne sert à rien. « Sur le papier, nous avons un texte irréprochable pour lutter contre les violences sexuelles mais huit ans après son adoption, il est resté lettre morte. Le gouvernement central et la plupart des gouvernements des États n’ont jamais mobilisé les budgets nécessaires pour son application. ... Rien ne change ». Elle a ajouté que c’était la même chose pour les droits fonciers : même les meilleures législations du monde ne peuvent faire évoluer les mentalités.

Existe-t-il des caractéristiques spécifiques à l’Asie du Sud ? L’autonomisation économique des femmes a-t-elle une incidence sur les violences ? Et, si oui, cet impact est-il positif ou négatif ? La vice-présidente régionale de la Banque mondiale a demandé aux membres du panel leur avis sur ces questions, en les invitant à s’exprimer sur l’importance de la peur dans ces mécanismes, « la peur du pouvoir des femmes, celui qu’elles acquièrent notamment par l’éducation ».

Mme Kapur a de fait évoqué une « crise de la masculinité indienne » et un « sentiment d’éviction » à mesure que les femmes accèdent à la vie sociale et à l’emploi. Mais, paradoxalement, comme l’a noté Mme Agrawala, les violences sont également très répandues dans les zones rurales où les femmes sont encore largement confinées dans leurs rôles traditionnels.

Shireen Huq, cofondatrice d’une organisation de défense des droits des femmes du Bangladesh (Naripokkho), est allée dans le même sens en indiquant que les entretiens menés auprès d’hommes condamnés pour viol montraient que ces derniers s’estimaient être « dans leur bon droit » : « Ces hommes ne ressentent pas un sentiment d’injustice ou de dépossession face à l’ascension des femmes, à leur visibilité accrue, leur puissance ou leur autonomie financière, non… ils se sentent juste autorisés à agir ainsi ». Le « sentiment traditionnel » qu’ont les hommes de ce que signifie « être un homme » comprend le droit d’abuser des femmes.

Les discussions ont abordé un large éventail de thèmes, de l’importance de l’éducation à l’efficacité des mesures de discrimination positive en passant par l’omniprésence du harcèlement sexuel dans les rues ou dans les transports publics des pays d’Asie du Sud. Avant de revenir sur le rôle possible de la Banque mondiale.

« Nous devons commencer par briser le silence, avant d’envisager une action significative », a déclaré Hawwa Lubna, journaliste et étudiante des Maldives qui assistait aux Réunions de printemps en tant que déléguée de la société civile et qui était venue écouter les débats. Elle a évoqué le cas très médiatisé dans son pays d’une fille violée par son beau-père et condamnée à être flagellée pour fornication, et appelé « les organisations internationales à intervenir de manière plus active ».

La table ronde s’inscrivait, de fait, dans une initiative plus large de la Région Asie de Sud de la Banque mondiale destinée à sensibiliser aux violences sexuées pour pouvoir y remédier :

  • Un concours de SMS s’adressant à de jeunes adultes de la région a suscité plus de 1 200 réponses et les dix messages récompensés ont été présentés lors de la table ronde.
  • En juin, la Banque mondiale organisera une conférence régionale au Népal consacrée aux démarches qui peuvent permettre de lutter, selon une approche inclusive, contre les violences sexuées en Asie du Sud. Cette manifestation réunira praticiens du développement, universitaires, experts, décideurs et figures culturelles ou sociales de la région et du monde entier, à même de faire évoluer les attitudes de leurs concitoyens et, en dernier ressort, de changer la donne en termes de politiques et de pratiques.
  • En juin également et toujours au Népal, la Banque mondiale organisera un hackathon pour favoriser l’émergence de solutions technologiques visant à contrer les violences domestiques.

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