C’est le premier texte législatif « révolutionnaire » après le soulèvement en Tunisie. Le décret-loi sur l’accès à l’information (n° 2011-41) garantit, pour la première fois dans l’histoire de ce pays, le droit des citoyens à obtenir des informations auprès des pouvoirs publics. C’est une manifestation évidente de la rupture de la Tunisie avec son passé. C’est aussi un symbole de la collaboration entre la Banque mondiale et la société civile.
L’institution interagit avec la société civile depuis les années 1970, mais, ces dernières années, les organisations de la société civile (OSC) sont devenues un élément fondamental de sa stratégie, de ses opérations de prêt et de ses politiques de sauvegarde. Les OSC tiennent une place cruciale dans le développement économique en contribuant au savoir local, en apportant des compétences techniques et, par l’importance qu’elles accordent aux réseaux sociaux, en mobilisant le capital social. De plus, les OSC peuvent proposer des idées et solutions novatrices, ainsi que des approches participatives, pour résoudre les problèmes locaux.
S’agissant du décret-loi sur l’accès à l’information, les OSC ont joué un rôle actif dans l’élaboration de la législation adoptée par le gouvernement de transition en mai 2011. Depuis cette date, la Banque continue d’appuyer les OSC tunisiennes qui travaillent avec l’État et font pression sur lui afin que ce texte soit appliqué. Même si les progrès tardent parfois, il y a déjà eu des réalisations. On peut citer par exemple l’adoption du « budget citoyen », qui prévoit la participation des citoyens à l’élaboration du budget.
Début 2013, un groupe d’OSC tunisiennes agissant dans le domaine de la transparence a uni ses efforts, avec l’assistance de la Banque mondiale, à ceux du ministère des Finances pour aider à rédiger un guide « convivial » sur le budget. Afin que la population puisse demander des comptes à l’État, elle doit savoir où et comment celui-ci dépense ses recettes fiscales. Les OSC ont également participé activement aux consultations menées par la Banque pour la définition de sa stratégie de soutien à la Tunisie sur la période 2012-13 (il s’agit, dans le vocabulaire institutionnel, d’une « note de stratégie intérimaire »). Leur avis a permis de mieux orienter cette stratégie vers un certain nombre d’enjeux qui sont autant de défis majeurs pour la Tunisie, notamment l’emploi, surtout des jeunes et des femmes vivant dans les régions à la traîne, la création d’un environnement propice au secteur privé et l’égalité des sexes.
En outre, ces consultations ont permis de faire en sorte que l’introduction de fiches d’appréciation citoyenne figure parmi les réformes clés soutenues par le prêt de la Banque mondiale à l’appui des politiques de développement en Tunisie. Les OSC ont été associées à ce que la Banque appelle un « exercice d’appréciation citoyenne », par lequel elles ont mesuré les performances des services publics, au moyen de fiches d’évaluation, dans trois régions de l’intérieur du pays : Sidi Bouzid, Kasserine et Jendouba. Ce retour d’information direct a permis aux autorités de déterminer où des améliorations étaient les plus nécessaires.
La Banque réfléchit actuellement aux moyens d’accroître le mode de responsabilisation qui fait partie intégrante de cette approche d’appréciation citoyenne et collective des services publics. En février 2013, la Tunisie a été le premier pays de la région Moyen-Orient/Afrique du Nord à participer au Partenariat mondial pour la responsabilité sociale (GPSA). Le GPSA est une coalition de donateurs, d’États et d’OSC, qui a pour objectif d’améliorer les réformes de la gouvernance et la prestation des services publics à l’échelon national. Concrètement, les activités promues par le GPSA peuvent concerner par exemple des campagnes d’éducation budgétaire, des mécanismes de contrôle par la collectivité, le suivi des intrants ou des dépenses, le contrôle des marchés publics ou encore la législation sur l’accès à l’information. La Banque a accepté de financer les activités menées par les OSC dans ces domaines. Son premier appel à propositions a suscité l’intérêt de 14 OSC tunisiennes qui œuvrent en faveur de la responsabilité sociale. Les offres retenues recevront un financement de la Banque, sur une période pouvant aller jusqu’à trois ans, pour la mise en œuvre des activités proposées. La procédure de sélection s’achèvera en mai prochain, lorsque les offres retenues seront annoncées.
Outre ces initiatives nouvelles, la Banque mondiale travaille depuis longtemps avec les OSC sur la question des sauvegardes environnementales et sociales. Des équipes dédiées veillent à la conformité des objectifs de développement inscrits dans les projets de la Banque. Les politiques de sauvegarde visent à prévenir ou à atténuer les effets dommageables du processus de développement sur les individus et sur leur environnement. Elles donnent des lignes directrices permettant à la Banque et aux gouvernements partenaires de s’assurer que les considérations sociales et environnementales sont prises en compte dans la définition, l’élaboration et la réalisation des programmes et projets. Les politiques de sauvegarde ont souvent constitué une plateforme pour la participation des différents acteurs à la conception des projets. Il s’agit également d’un important instrument pour l’appropriation de ces projets par les populations locales.
Le soulèvement de 2011 a ouvert de nouvelles possibilités de collaboration entre les OSC et la Banque mondiale en Tunisie, et ce dialogue restera essentiel pour l’action de l’institution dans ce pays. Si donc la révolution de 2011 a donné un nouvel élan au partenariat OSC/Banque mondiale en Tunisie, celles-ci doivent être et resteront des membres actifs du processus de développement, à tous les niveaux.