Au cours des dernières décennies, les progrès de la science et de la technologie, couplés à d’autres avancées socio-économiques, ont permis une augmentation sans précédent de l’espérance de vie dans le monde. De fait, le phénomène du vieillissement ne concerne pas seulement les pays développés à revenu élevé : tant les pays en développement que les pays à revenu intermédiaire constatent, eux aussi, un allongement analogue de l’espérance de vie de leurs habitants. En moyenne, entre 1950-55 et 2005-10, l’espérance de vie a progressé de 26 années dans les pays en développement et de 19 années dans les pays les moins avancés. Si, donc, l’ensemble des pays sont concernés par ces mutations démographiques, le fardeau que fait peser le vieillissement de la population sur l’économie affectera de manière plus marquée les pays peu développés qui, souvent, ne disposent pas des moyens nécessaires pour relever de tels défis.
C’est le cas d’un certain nombre de pays en Europe, comme le montre le dernier rapport économique consacré à l’« UE-11 » (a), cette appellation regroupant par commodité onze pays de l’Union européenne (UE) : Bulgarie, Croatie (très prochainement membre de l’UE), Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République slovaque, République tchèque, Roumanie et Slovénie. La Banque mondiale travaille actuellement avec plusieurs partenaires au sein de ces pays pour analyser de plus près les conséquences économiques du vieillissement de la population, ainsi que pour définir des politiques et des interventions qui pourront contribuer à une croissance économique robuste et durable malgré le vieillissement. Dans le cadre de cet effort, le dernier rapport économique sur l’UE-11 comporte une section thématique qui traite spécifiquement des effets du vieillissement sur la croissance économique dans l’UE. Cette section montre que, dans toute l’Europe, les sociétés vieillissantes sont confrontées à une diminution de la part de leur population en âge de travailler et à une hausse des coûts de prise en charge d’une population toujours plus âgée.
L’un des problèmes cruciaux évoqués dans ce rapport est la diminution attendue de la population active, qui devrait survenir dans la région au cours des quatre prochaines décennies : dans moins de quarante ans, plus d’un tiers des habitants de l’Europe seront âgés de plus de 60 ans, et un quart de plus de 65 ans. Cette évolution démographique va avoir des répercussions de grande ampleur à l’échelle de l’Europe, mais ce sont les pays de l’UE-11 qui en pâtiront le plus. Ces pays, où le taux d’activité global est déjà inférieur à celui de l’ensemble de l’Europe, devraient subir une contraction spectaculaire de leur population active sur les quarante prochaines années, ce qui pèsera encore plus sur leur économie. En raison de ce déclin (de plus de 35 % à l’horizon 2050, selon les projections, si les taux d’activité restent aux niveaux actuels), il y aura dans cette région moins de travailleurs pour faire face à une demande croissante de services de santé de longue durée, et notamment à une augmentation du nombre de soignants requis. Toujours d’après le rapport, il pourrait en résulter des difficultés insurmontables, sauf si la région parvient à relever très nettement son taux d’activité et/ou sa productivité globale.
Dans l’UE-11, la baisse du taux d’activité reste principalement imputable au fait que les femmes qui n’ont pas fait d’études supérieures sont peu nombreuses à travailler, ce problème affectant la région depuis plusieurs décennies. Leur taux d’activité y a chuté de près de 5,3 points de pourcentage entre 2000 et 2011, alors que celui des hommes n’a reculé que de 2,6 points de pourcentage. De surcroît, sur la période 1990-2004, le taux d’activité des femmes avait décru dans tous les pays de l’UE, et tout particulièrement en Lettonie (-12,7 %) et en République tchèque (-10,3 %).
Les pays de l’UE-11 doivent nécessairement combler ce déficit de population active — chez les femmes comme chez les hommes —pour espérer enregistrer des taux de croissance économique durablement élevés dans les prochaines décennies. Cependant, l’amélioration des taux d’activité ne suffira pas à elle seule à contrecarrer les effets négatifs du vieillissement de la population sur la croissance économique et sur la convergence des revenus au sein de l’UE : il faudra prendre des mesures supplémentaires, estiment les auteurs du rapport.