L’école se situe non loin du quartier historique des musiciens de Kaboul, où des générations d’artistes se sont transmis les techniques et les airs associés aux instruments traditionnels : rubab, dambura, dutar ou tambûr. Aujourd’hui, Ahmad Sarmast essaie de redonner vie à ces traditions, pour les perpétuer, enfant par enfant.
Les enseignants, du cru et de l’étranger, initient aussi leurs élèves à la musique classique occidentale, en ajoutant au programme l’étude d’instruments à cordes et à vent, des cuivres, des percussions, du piano et de la guitare. Outre cet enseignement musical, les élèves suivent également des cours dans les matières scolaires habituelles et peuvent ainsi obtenir un diplôme de fin d’études secondaires.
Comme le rappelle Ahmad Sarmast, l’enseignement musical a été délaissé voire interdit pendant des années en Afghanistan. Les fondamentalistes ont même un temps totalement banni la musique. Aujourd’hui, regrette-t-il, la musique indienne de Bollywood et le rock occidental menacent la survie même d’autres formes d’expression musicale.
Préserver les traditions est déjà un défi redoutable mais le docteur en musique nous confie poursuivre avec l’ANIM un objectif plus ambitieux encore : « je suis rentré dans mon pays pour offrir un mode d’expression aux Afghans, faire en sorte qu’ils puissent à nouveau s’exprimer à travers la musique et, pourquoi pas, susciter des évolutions positives en remettant en cause les nombreux obstacles sociaux, ethniques et religieux. Notre souhait est de réinstaurer un respect mutuel entre communautés afghanes et avec le reste du monde ».
L’ANIM s’est déjà engagé dans ce processus, poursuit Ahmad Sarmast, en recrutant la moitié de ses élèves dans des orphelinats locaux et par le biais d’organismes d’aide à l’enfance. Aujourd’hui, les filles représentent un tiers des effectifs, l’objectif étant à terme de parvenir à la parité. Les enfants ont des profils ethniques, religieux et économiques très variés. Ils portent tous des uniformes pour éviter les discriminations et ils passent tous une audition pour évaluer leur potentiel musical.
Les orphelins occupent une place particulière dans le cœur d’Ahmad Sarmast. Visiblement ému, il évoque le combat personnel de son père, Ustad Salim Sarmat : après avoir été placé dans un orphelinat par sa mère, veuve et sans moyens de subsistance, Ustad est devenu le premier Afghan à avoir jamais composé, arrangé et dirigé des œuvres symphoniques dans le pays alors sous occupation soviétique. « J’ai ça dans le sang », déclare le fils du compositeur qui raconte n’avoir « jamais oublié le parcours de [son] père » et dit aujourd’hui aux enfants qu’eux aussi « ils peuvent accomplir de grandes choses ».
Fikrya, 14 ans, vendait des chewing-gums dans les rues de Kaboul avant qu’un organisme d’aide ne la pousse à passer une audition à l’ANIM. Aujourd’hui, elle est l’une des rares violoncellistes de son pays. Said Hasan, 11 ans, préfère explorer ses racines afghanes : il a choisi le rubab, un luth à manche court souvent orné d’incrustations en perles aux motifs sophistiqués. « Le rubab produit un son magnifique. La première fois que je l’ai entendu, c’était pour le mariage de mon oncle. Je me suis promis d’apprendre à en jouer », raconte ce fils d’un ouvrier agricole.
Pour autant, tous les étudiants ne sont pas issus de milieux défavorisés. Elham Fanoos, 13 ans, est un jeune pianiste prometteur, qui adore Chopin et a l’impression « d’être dans un jardin » quand il joue. Il vient d’une famille de musiciens qui a les moyens de lui payer des cours. « On ne connaît pas trop la musique classique à Kaboul. J’aimerais bien initier mes compatriotes », affirme le jeune compositeur en herbe, avant de se lancer dans une sonate de Haydn, les yeux fermés, ses pieds dans de fines sandales jouant sur les pédales.
À 20 ans, Shabeer Kabuli fait aussi partie des étudiants payants. Il a joué de différents instruments et étudié avec de nombreux professeurs à l’ANIM avant de porter son dévolu sur le hautbois — un choix plutôt improbable. « Après toutes ces années, j’éprouve toujours une bouffée d’amour dès que j’entends un hautbois ou que j’en joue », raconte-t-il. « M. Sarmast s’est dévoué pour nous et nous a révélés en tant que musiciens. Ce lieu est unique. »
Le concert des élèves de l’ANIM aura lieu le jeudi 7 février 2013, à 18h00, au Kennedy Center Concert Hall de Washington. L’entrée est gratuite mais il faut retirer les billets (deux par personne) à partir de 17h00 dans le Hall of Nations. Cliquez ici pour plus d’informations (a). Le concert au Carnegie Hall de New York est programmé le mardi 12 février 2013 à 20h00. Cliquez ici pour plus d’informations ou pour acheter vos billets (a).
(a) indique une page en anglais.