Entre 2003 et 2008, le Programme plurinational de lutte contre le VIH/sida (MAP) de la Banque mondiale fournit aux associations de personnes atteintes du VIH/sida et vivant au Rwanda des subventions visant à les aider à trouver d’autres moyens de subsistance. Bon nombre de ces associations ont par la suite été transformées en coopératives avec l’appui du gouvernement et des dirigeants locaux.
Alors que la communauté mondiale du VIH/sida se réunit à Washington pour la Conférence internationale bisannuelle sur le sida, le moment est idéal pour saluer le courage d’un de ces groupes de femmes rwandaises et de reconnaître les efforts du gouvernement de ce pays pour leur proposer des services de dépistage du VIH, l’accès à une assurance-maladie et des possibilités de revenus.
Dans le district de Kanombe, dans la banlieue de Kigali, Claudine regarde avec fierté le résultat de son travail : les arbres parfaitement alignés le long de la route menant à l’aéroport. Claudine et son amie Marcelline font partie de la Coopérative Koranintege qui aide les anciennes travailleuses du sexe, de nombreuses étant séropositives, à trouver du travail.
La coopérative a réussi à décrocher un contrat lucratif d’aménagement paysager avec le district de Kanombe. Avec un camion acheté il y quelques années grâce à une subvention du MAP, les femmes sont désormais à la tête d’une entreprise rentable et sont également en mesure d’accéder à une assurance communautaire.
« Quand les femmes prennent leur vie en main, c’est la première étape vers l’inversion de la vague de sida », dit d’une voix douce et posée Charles Muvara, un ancien adjoint au maire du district de Kanombe. Monsieur Muvara a joué un rôle essentiel au milieu des années 2000 en aidant les groupes de femmes engagées dans l’industrie du sexe à accéder à un financement du MAP.
Koranintege : travailler avec vigeur
Les femmes comme Claudine étaient auparavant prises au piège en raison du rejet de leur famille, elles étaient exposées aux risques d’exploitation, d’abus et du sida, et elles n’étaient pas considérées comme dignes du mariage. Elles ont cependant pu refaire leur vie grâce à de nouvelles possibilités d’emploi et à un accès aux soins de santé ; cette œuvre se poursuit aujourd’hui par le biais de coopératives.
« Nous n’avons pas perdu espoir lorsque le MAP a cessé d’exister il y a presque quatre ans, nous avons continué à persévérer », a déclaré Claudine qui élève seule trois jeunes enfants. La persévérance de Claudine se reflète dans le nom de la coopérative (Koranintege) qui signifie « travailler avec vigueur ».
Le président de la coopérative remarque que « Bien que les revenus mensuels soient très attrayants, le volume de travail n’est pas suffisant pour toutes les membres. » Les femmes sont donc rémunérées tour à tour. Cela nécessite une prise de décision collective et un solide esprit de solidarité.
« Il est encourageant de voir que ces groupes se sont transformés en coopératives. Nous devons mettre davantage un accent systématique sur la durabilité des investissements de la Banque mondiale », dit la chef de cabinet de la Banque mondiale et directrice du bureau du président, Laura Frigenti. Cette dernière était directrice sectorielle pour la santé en Afrique lors du lancement du MAP au Rwanda.
Utilisation stratégique du financement de la lutte contre le VIH pour un impact à long terme
Lorsque le financement destiné à la lutte contre le VIH/sida est utilisé de manière stratégique, comme cela a été le cas au Rwanda, il peut avoir un impact à long terme qui s’étend au-delà du traitement et des soins pour les personnes vivant avec le VIH/sida. Par exemple, grâce aux fonds du MAP, le Rwanda a été capable non seulement d’aider les travailleuses du sexe à savoir si elles étaient atteintes de la maladie, mais également de favoriser la solidarité et de s’attaquer à leur vulnérabilité sous-jacente.
De plus, les subventions accordées aux hôpitaux de district dans le cadre du MAP ont été utilisées pour accroître les ressources humaines, permettant ainsi aux établissements de déterminer de quelle façon le personnel supplémentaire sera déployé et rémunéré. Ces subventions ont été combinées à la remise en état et à la modernisation des établissements et des laboratoires qui avaient servi à d’autres fins qu’à la lutte contre le VIH/sida. Le financement axé sur la performance des activités relatives au VIH/sida a été une incitation supplémentaire pour accroître le dépistage du VIH et d’autres services.
Grâce au leadership du gouvernement et au soutien des donateurs, le Rwanda a réalisé d’importants progrès dans la lutte contre le VIH/sida. En effet, le pays a amélioré l’accès au dépistage du VIH, a approfondi la connaissance de la maladie, a accru la couverture de services clés et a stabilisé l’épidémie.
Par exemple, selon les données de l’Enquête démographique et sanitaire (DHS) réalisée au Rwanda en 2010, près de 9 femmes sur 10 (88 %) ayant été enceintes au cours des deux années précédentes avaient reçu des conseils relatifs au VIH, avaient été invitées à se faire tester, avaient accepté et avaient reçu les résultats de leurs tests. Ce pourcentage n’était que de 22 % en 2005.
Entre 2005 et 2010, le Rwanda a également quadruplé l’utilisation de moyens de contraception modernes, a accru le nombre d’accouchements médicalement assistés, a réduit de près de moitié son taux de mortalité infantile et semble être en bonne voie pour atteindre son objectif de développement pour le Millénaire (ODM) relatif à la réduction de la mortalité maternelle.
« La route a été longue, mais nos partenaires nous ont accompagnées tout du long », dit le Dr Agnes Binagwaho, Ministre de la Santé du Rwanda. « Nous avons émergé avec des séquelles du génocide mais, au cours de la dernière décennie, nous avons bâti des relations de respect et de confiance avec nos partenaires. Aujourd’hui, ils nous font confiance, car ils constatent nos résultats obtenus de manière transparente et efficace. »
Développement d’un programme national de lutte contre le VIH/sida
Le Rapport sur les objectifs de développement pour le Millénaire de 2012 cite le Rwanda comme l’un des trois pays au monde connaissant une épidémie généralisée du VIH proposant un accès universel au traitement antirétroviral (c’est-à-dire qu’au moins 80 % des personnes ayant besoin du traitement l’ont reçu).
« À l’époque où nous avons négocié la subvention de 30 millions de dollars du MAP pour le Rwanda, le pays ne comptait qu’environ 870 patients bénéficiant d’un traitement antirétroviral dans quelques établissements en milieu urbain et les patients payaient tous de leur poche », déclara la spécialiste en chef de la santé de la Banque mondiale pour la région de l’Afrique, Miriam Schneidman.
Sous le leadership du gouvernement et avec l’aide des Centers for Disease Control and Prevention américains, de la Fondation Clinton et d’autres groupes, le MAP a dirigé la démocratisation du traitement et des soins relatifs au sida pour les groupes de personnes vulnérables et mal desservies du Rwanda.
« La Banque mondiale a joué un rôle primordial à un moment critique du déploiement à plus grande échelle de notre programme national de lutte contre le VIH/sida. Avec la vision claire du gouvernement et le soutien de nos partenaires, nous avons réussi à atteindre un accès universel au traitement et aux soins relatifs au VIH », dit la directrice adjointe du Rwanda Bio Medical Center, le Dr Anita Asimwe.
Placer les gens au cœur du développement
« Placer les gens au cœur du développement et mettre l’accent sur le bien-être individuel a été notre stratégie numéro un », conclut la Ministre Binagwaho, qui se réjouit des récents gains du Rwanda en matière de réduction de la pauvreté (un million de personnes en sont sorties en une courte période de temps). « Une croissance économique soutenue sera ultimement essentielle pour réduire notre dépendance à l’aide extérieure », fit-elle remarquer.
Tandis que les autorités rwandaises continuent de faire de solides progrès en vue de l’atteinte des ODM, le soleil se couche sur le district de Kanombe et une brise fraîche se lève.
Claudine, Marcelline et leurs amies se lèvent spontanément et entament une danse. Elles débordent d’un nouveau sentiment de confiance.