Les États-Unis, l’Australie, le Brésil, l’Indonésie et les États insulaires du Pacifique et des Caraïbes sont parmi ceux qui appellent à placer davantage d’environnements marins sous protection juridique et à constituer des sanctuaires pour les espèces, habitats et écosystèmes menacés.
La création d’aires marines protégées (AMP) consiste à restreindre les activités humaines à l’intérieur d’un périmètre bien délimité. Ces aires offrent la protection la plus complète aux écosystèmes côtiers et littoraux. D’après les organisations opérant dans ce domaine, les aires marines protégées ont prouvé leur efficacité à favoriser la reconstitution des stocks halieutiques et des écosystèmes. Ces organisations soulignent également combien il est important d’impliquer les populations locales dans le déploiement des aires marines protégées, si l’on veut être certain que la population ne soit pas privée des ressources dont elle a toujours tiré sa subsistance. La participation des populations locales peut renforcer les systèmes de droits de propriété et améliorer le suivi et la surveillance.
Aujourd’hui, moins de 2 % des océans de la planète bénéficient d’une forme de protection, et nombre des aires protégées existantes ne sont pas gérées efficacement. Pour comparaison, quelque 12 % des terres émergées de la planète sont sous protection, grâce à leur classement en parc national ou en réserve.
Les défenseurs des océans réclament une expansion plus énergique de la protection. Sylvia Earle, océanographe senior associée à la National Geographic Society, appelle à la mise en place d’une chaîne de zones protégées équivalant à au moins 10 % des océans, soit la proportion préconisée par la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique d’ici 2020.
L’« intérêt individuel éclairé »
Le World Wildlife Fund (WWF) est engagé dans la création d’un réseau de 54 aires protégées prioritaires dans le golfe de Californie, fruit d’une collaboration de plusieurs années avec The Nature Conservancy, le Conseil national mexicain pour les aires protégées et la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), entre autres. Ce programme a pour but de protéger une espèce menacée d’extinction, le marsouin du golfe de Californie, et de consolider d’autres ressources halieutiques.
Le WWF a permis le classement en aire marine protégée de deux des premières aires classées dans la barrière de corail mésoaméricaine : la réserve de la biosphère de Sian Ka’an au Mexique et la réserve marine de Hol Chan au Belize. Il a aussi été le fer de lance d’un plan de conservation régional des récifs, qui a amélioré la gestion des zones protégées et des pêches, ainsi que de la conservation des espèces.
Conservation International (CI) travaille avec plusieurs partenaires à la création de sanctuaires couvrant au total 57 millions d’hectares, ce qui correspond environ à la superficie de Madagascar. Selon Sebastian Troeng, vice-président de CI, les pays et même les acteurs du secteur privé sont de plus en plus nombreux à estimer que les aires marines protégées sont un investissement nécessaire.
Si l’on veut parvenir à protéger 10 % des océans, il faudra que la communauté internationale accélère le mouvement. CI a observé que, dans certaines zones protégées, les quantités de poissons au kilomètre carré peuvent plus que quadrupler en l’espace de cinq à dix ans, avec toutefois des variations d’un écosystème à l’autre.
Dans le Pacifique, CI et la Nature Conservancy collaborent, en partenariat avec d’autres organisations, avec un groupe de six pays (l’Indonésie, la Malaisie, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les Philippines, les Îles Salomon et le Timor-Leste) à la Coral Triangle Initiative, afin d’aider ces derniers à créer de nouvelles aires marines protégées et à renforcer celles qui existent déjà. Le WWF, qui participe à cette initiative, a mis en place les premières zones marines protégées transnationales pour les tortues de mer, entre la Malaisie et les Philippines. Ce programme propose également un plan plus vaste pour la gestion des paysages marins. « C’est un modèle intéressant à appliquer à une plus grande échelle, observe Sebastian Troeng. Différents pays ont ainsi l’occasion de se rassembler pour servir chacun leurs propres intérêts de manière éclairée. »
Avant cette initiative, cinq États micronésiens, avaient convenu, avec l’appui de la Nature Conservancy, d’assurer la conservation d’au moins 30 % des ressources marines littorales et 20 % des ressources terrestres d’ici 2020. Cette zone couvrirait plus de 5 % de l’océan Pacifique et protégerait 61 % des espèces coralliennes de la planète.
Axée sur la lutte contre la pauvreté, la Banque mondiale met en regard la protection des habitats et écosystèmes marins et la protection des moyens de subsistance. Classiquement, la protection marine génère un assortiment de régimes visant à préserver les flux de revenus. Les zones de protection intégrale (« No-Take Zone ») interdisent tout prélèvement, mais autorisent éventuellement le tourisme et la recherche scientifique ; d’autres zones encadrées peuvent autoriser la recherche et le tourisme marins, ainsi que la pêche de subsistance. Autour de ces espaces, on a parfois mis en place des zones tampon, dans lesquelles sont admises un nombre restreint d’activités à but commercial, souvent de la pêche dans le cadre de systèmes de droits.
D’après les recherches menées par la National Geographic Society, les pêcheurs locaux des Îles Salomon et du Kenya ont vu leurs revenus doubler après 5 ans d’interdiction des prélèvements dans des zones spécifiques. Néanmoins, les communautés ont souvent besoin d’aide pour gérer les manques à gagner découlant de l’interdiction de pêcher.
Gestion communautaire des récifs coralliens en Indonésie
Dans le cadre du programme COREMAP en Indonésie, soutenu par la Banque mondiale, 358 villages côtiers collaborent avec les autorités locales à la réhabilitation et à la gestion communautaire des récifs coralliens. Les communautés ont autorité pour instaurer et surveiller des zones de protection intégrale à l’échelle des villages et pour les protéger avec l’appui d’agences de district. Ces zones sont perçues comme des « banques de poissons » qui contribuent à reconstituer les stocks halieutiques qui s’épuisent.
Pour compenser le manque à gagner induit par ces zones de protection intégrale, le projet a commencé de proposer des crédits pour la création d’autres moyens de subsistance, et bientôt, il épaulera les éco-entreprises qui s’appuient sur les services rendus par les écosystèmes des récifs coralliens. Les plus prometteuses de ces entreprises recevront une aide afin de passer à l’échelle commerciale, et pourront embaucher des travailleurs de la pêche privés de tout ou partie de leur activité. « Les populations veulent protéger leurs récifs coralliens, mais elles ont aussi besoin de gagner leur vie », explique Marea Hatziolos, spécialiste principal de la Banque mondiale en espaces marins et côtiers pour l’Asie de l’Est et le Pacifique.
Onereef, organisation à but non lucratif dédiée à la préservation des récifs coralliens, met en relation les investisseurs et les communautés qui souhaitent assurer la conservation de leurs ressources mais manquent de moyens. Dans le programme Onereef, les investisseurs financent la rémunération des habitants qui œuvrent à la conservation des récifs de coraux. Les premiers résultats font apparaître une régénération mesurable des coraux endommagés.
Expansion de la protection au Brésil
Les 9 000 kilomètres de côtes brésiliennes, cruciales pour les quelque 43 millions d’habitants du littoral, de même que pour ses innombrables formes de vie marine, sont confrontées à la menace d’une croissance rapide de la démographie, de la pêche et de l’exploration gazière et pétrolière. Pourtant, moins de 2 % de l’étendue maritime et côtière bénéficie d’un système de protection officiel.