KOROKORO (Mali), 29 octobre 2010 - Soixante six femmes qui ont décidé de tourner le dos à la coupe du bois, donc à la dégradation du couvert végétal et leur environnement, pour faire des pépinières, replanter la forêt et laisser souffler la flore.
L’histoire se déroule à Korokoro, village à moins de 40 kilomètres de Bamako, la capitale malienne. En période de pluie, ces dames produisent des plants. En période sèche elles cultivent des légumes vendues dans la capitale. Leur gain ? Une partie va dans la caisse de l’Association « Jigisèmè » (soutien ou support en langue bamanan) qui a ouvert un compte dans un établissement de microcrédit rural. Ce système de micro crédit fait des prêts de petits montants aux membres de l’Association qui veulent faire du petit commerce : vendre des arachides, des galettes le jour de la foire hebdomadaire de la localité.
« Cette activité de la pépinière nous permet de faire face à nos dépenses liées aux fournitures scolaires des enfants et la santé de nos familles », explique Fanta Cissé, trésorière de la pépinière.
L’idée derrière cette initiative menée dans le cadre du Projet accès à l’énergie domestique et aux services de base (PEDASB) est « de faire renoncer toutes ces femmes à la coupe de bois et diminuer ainsi la pression de l’exploitation sur les arbres et instaurer ainsi une gestion des ressources naturelles », explique Cheick Oumar Touré, chargé des marchés ruraux de bois à l’Agence malienne pour le développement de l’électrification rurale, unité de gestion du projet.
Le PEDASB est financé à hauteur de 70,65 millions de dollars américains par l’Association internationale de développement (IDA), la filiale de la Banque mondiale qui vient en aide aux pays à faible revenu. Le projet bénéficie également d’une enveloppe de 3,50 millions de dollars du Fonds pour l’environnement mondial (FEM).
A ce titre, il se propose de promouvoir davantage la gestion forestière à base communautaire, en vue de réduire la pression de la consommation sur les ressources forestières tout en encourageant en même temps la substitution des combustibles et les initiatives d’économie d’énergie.
Le soutien à la production et la commercialisation de foyers améliorés (fourneaux moins gourmands en charbon de bois) répond aussi à cette logique de l’exploitation rationnelle des ressources naturelles.
Ousmane Samassékou dirige une entreprise de fabrique de ce genre de fourneaux qui produit en moyenne 6.000 unités. Il ne produisait que 1500 unités à ses débuts, et le Projet l’a appuyé pour développer un réseau pour la diffusion du fourneau auprès des forgerons locaux.
L’utilisation de cet ustensile par les femmes les protège du monoxyde de carbone et des particules volatiles du charbon de bois, largement utilisé au Mali pour faire la cuisine. « Ce fourneau contribue ainsi la réduction des gaz à effet de serre », confie M. Samassékou.
L’énergie solaire au service de l’entreprenariat privé
L’électrification est un autre axe d’intervention de ce projet. Il s’agit d’accélérer l’usage de l’énergie moderne en zones rurales et périurbaines en vue d’améliorer la productivité des petites et moyennes entreprises, pour promouvoir la qualité et l’efficacité des centres de santé et d’éducation, et améliorer les conditions de vie.
C’est ainsi qu’à Seribala, localité de production agricole au centre du Mali, une subvention du PEDASB a permis à un promoteur privé de lancer une centrale de production.
Avec un portefeuille de 580 clients, 53 lampadaires publics et 12 heures de service, ce réseau fournit du courant électrique pour des activités économiques. « Avec l’électricité, nous pouvons vendre jusque tard dans la nuit. Avant, il nous fallait un groupe électrogène et y mettre du carburant », témoigne Mme Sacko Maimouna Fofana, mère de famille de 38 ans, restauratrice dans la localité depuis 1989.
Kimparana, ville à environ 500 kilomètres de Bamako, est fière de son réseau d’électricité solaire : 600 panneaux solaires de 120 watts, 192 batteries, 232 abonnés (maisons, services et producteurs), et une centaine de clients en attente. Le réseau fournit un service de 10 heures par jour. Une centrale thermique de 175 KWA vient en appoint les jours sans soleil.
Le réseau alimente le Centre de santé et la maternité, un soudeur, Sina Bakayogo, qui avant l’arrivée de l’électricité allait faire ses travaux à San, une ville à 50 kilomètres ou à Koutiala, distant de 80 kilomètres. Pour lui, il y a désormais un avant et un après l’électricité : forgeron uniquement avant l’électricité, il est aujourd’hui forgeron et soudeur qui fabrique des instruments aratoires, des chaises et autres outils usuels complexes pour nourrir sa famille.
Le réseau a également motivé d’autres à se lancer dans l’entreprenariat. C’est le cas de Néné Keita, qui vend de la glace depuis mars dernier quand sa maison a été raccordée au réseau. Avant, confie-t-elle, son réfrigérateur ne servait que d’objet de décoration.
Pour Astan Fofana, une commerçante prospère connue ici sous le nom de « Mama », l’avènement de l’électricité, lui permet non seulement de vendre plus longtemps dans la nuit mais surtout de dormir plus tranquillement car, dit-elle, « la lumière a fait reculer l’insécurité ».