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Le Maroc lutte contre la pauvreté avec une approche orientée vers le développement humain

03 août 2010


LES POINTS MARQUANTS
  • L'Initiative nationale pour le développement humain est notamment axée sur l'accès aux soins de santé, la formation professionnelle et la réinsertion sociale.
  • Plus de 700 comités régionaux, provinciaux et locaux évaluent les projets en fonction des besoins locaux.
  • Le taux de pauvreté en milieu rural a baissé de 36 % en 2001 à 14 % en 2007, et environ 46 % des ménages déclarent une amélioration de leurs moyens de subsistance.

Le 3 août 2010—Hajar Biyad s'entraîne dans la cour de son école dans la ville de Salé, au Maroc. Suspendue à des cordes, haut au-dessus du sol, la jeune fille de 15 ans frappe autant par sa grâce que par sa force.

Il y a quatre ans, elle errait dans les rues de Rabat-Salé après avoir fugué de chez elle. Aujourd'hui, elle est à l'École du cirque, une école alternative qui enseigne l'acrobatie mais aussi la lecture et les mathématiques.

Elle déclare : « je serai une artiste et je travaillerai dans un cirque, si Dieu le veut ».

Hajar Biyad a fait un jour partie des 50 000 personnes vivant dans l'extrême pauvreté auxquelles l'Initiative nationale pour le développement humain (INDH) est destinée.

Lancée il y a cinq ans, cette initiative est dotée d'un budget de 1,1 milliard de dollars, dont 100 millions provenant de la Banque mondiale. Elle finance l'École du cirque et d'autres programmes d'aide aux orphelins, aux enfants des rues, aux personnes exclus et dans la précarité. Son objectif est de fournir des soins de santé, un soutien psychologique, une éducation et une formation professionnelle, ainsi que de réunir les familles et de réinsérer les individus dans la société.

Dans tout le pays, l'initiative vise aussi à fournir aux populations pauvres de tous âges un accès à l'eau potable, à l'électricité, aux installations sanitaires et aux services de santé. Elle aide également à financer de petites entreprises et de petits projets.

Depuis 2005, l'INDH a financé plus de 20 000 sous-projets et touché plus de 4,6 millions de bénéficiaires, dans 264 quartiers urbains et 403 communes rurales.

« Nous avons déjà constaté des résultats significatifs sur le terrain », affirme Mohamed Medouar, à la tête du projet de la Banque mondiale en appui à l'INDH.

Le taux de pauvreté en milieu rural a baissé de 36 % en 2001 à 14 % en 2007. Selon une étude réalisée en 2009, environ 46 % des ménages déclarent une amélioration de leurs moyens de subsistance ; 62 % des ménages (60 % des femmes et des jeunes) déclarent avoir un meilleur accès aux infrastructures, tandis que 58 % des ménages (51 % des femmes et 54 % des jeunes) affirment avoir un meilleur accès aux services socioéconomiques.

M. Medouar précise que l'étude a aussi permis de mettre en évidence une participation accrue du public, des gouvernements locaux et provinciaux et des organisations non gouvernementales (ONG), ainsi que le développement d'une plus grande expertise dans le domaine du développement humain.

On constate en outre, tant au niveau communautaire qu'individuel, un sentiment accru « de valeur et de dignité » et une « vision plus positive de l'avenir », souligne la coordinatrice nationale de l'INDH, Nadira El Guermai.

« Il s'agit d'un aspect important de l'INDH. Amener la personne à se dire : je suis quelqu'un, et je suis capable. Ces personnes avaient besoin qu'on les aide à en prendre conscience. »

Une nouvelle approche des programmes sociaux

Avant 2005, même si le Maroc consacrait 55 % de son budget à des programmes sociaux, le pays ne se classait qu'au 124e rang sur 177 dans l'indice de développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement.

Environ 40 % de la population marocaine était considérée comme économiquement vulnérable, 72,2 % des femmes en milieu rural étaient analphabètes (contre 52,7 % au niveau national) et la mortalité maternelle était 45 fois supérieure à la moyenne européenne.

En mai 2005, le roi Mohammed VI a annoncé le lancement d'une nouvelle approche destinée à réduire la pauvreté et l'exclusion sociale dans les zones rurales et urbaines en s'appuyant sur la demande de la population et la proximité.

L'initiative a donné lieu a la mise en place de plus de 700 comités régionaux, provinciaux et locaux de développement humain, composés à parts égales de représentants de la société civile, des gouvernements locaux et des ministères. Les 11 000 membres des comités décident quels sont les projets qui répondent le mieux aux besoins de la population, notamment des personnes les plus pauvres et vulnérables.

« On constate une forte adhésion et une mobilisation des parties prenantes à tous les niveaux. Les décisions sont désormais prises de manière plus participative », se félicite M. Medouar.

Sur les conseils de la Banque mondiale, l'initiative encourage les contributions financières de la part des ONG. Ces contributions représentent désormais 10 % du financement des programmes ciblant les zones rurales et urbaines, et 30 % du financement d'un programme national. Pour M. Medouar, « cela favorise vraiment l'adhésion au projet et sa réussite ».

Tous les projets passent par un audit, et les résultats sont publiés sur le site web de l'initiative, explique Mme El Guermai.

« C'est la première fois que des projets sont soumis à un audit et que cette information est publiée, c'est un nouveau type de gestion, qui témoigne de notre totale transparence et de notre cohérence. »

 


« On constate une forte adhésion et une mobilisation des parties prenantes à tous les niveaux. Les décisions sont désormais prises de manière plus participative. »

Mohamed Medouar

Chef d'équipe du projet de la Banque mondiale en appui à l'INDH

La phase II en perspective

Cette nouvelle approche plus participative, encore relativement récente, a donc été globalement à la hauteur des attentes. Même si, comme le relève M. Medouar, il faut améliorer la participation des femmes et des jeunes dans les comités. Les femmes représentent actuellement 16 % des membres des comités, et les jeunes seulement 3 % environ.

Il faudra encore au moins une dizaine d'années pour remédier à cette situation, selon le responsable de la Banque mondiale, qui s'attend à une amélioration de la participation des femmes et des jeunes lors de la deuxième phase du projet, prévue pour 2011-2015, et pour laquelle le Maroc a déjà demandé l'appui de la Banque.

« Les avancées sont positives, et l'initiative jouit d'un engagement politique fort de la part de Mohamed VI lui-même – le roi se rend presque chaque semaine sur le terrain pour s'enquérir des résultats obtenus », souligne M. Medouar.

Aussi, ajoute-t-il, « nous pensons qu'il est important de continuer à encourager cette initiative afin de renforcer une approche participative destinée à répondre aux besoins des populations pauvres et vulnérables ».

Pour Mme El Guermai, l'INDH est en effet destinée « aux personnes en difficulté, dont les besoins sont spécifiques – ce sont les zones de pauvreté et de précarité qui sont visées ».

« Nos jeunes sont les adultes de demain. Ils ont tous le droit à la santé, au travail… et si nous parvenons à améliorer les situations difficiles, nous aurons gagné notre bataille. »

 


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