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ARTICLE

Les chefs traditionnels, acteurs clés de la lutte contre la poliomyélite dans le nord du Nigeria

28 juin 2010


LES POINTS MARQUANTS
  • Le Nigeria connaît un net recul des cas déclarés de poliomyélite, 92 % en 2009 seulement
  • La contribution des chefs traditionnels a été déterminante dans la lutte contre les idées fausses
  • Le programme d’éradication de la poliomyélite est une initiative concertée intégrant l’appui de l’Association internationale de développement

WASHINGTON, 28 juin 2010—Entre 2003 et 2007, le Nigeria a recensé en moyenne 1 000 cas de poliomyélite chaque année. En 2010, seuls trois cas de cette terrible maladie ont été enregistrés dans le pays. Ce net recul mérite d’être souligné dans un pays où, il ya seulement quelques années, les parents hésitaient encore à faire vacciner leurs enfants.

« J’attribuerais en grande partie ce revirement impressionnant à une réelle volonté d’impliquer les chefs traditionnels du Nord du Nigeria », a déclaré Dinesh Nair, spécialiste senior de la santé à la Banque mondiale. « Des idées fausses concernant le vaccin étaient très répandues. En voici une : la vaccination entraîne la stérilité. Mais, la confiance est bien plus grande aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a seulement un an ».

Même si les trois cas déclarés jusqu’ici pourraient indiquer que le taux de prévalence de l’infection est encore élevé, pour Nair, ce revirement est phénoménal. Un succès que l’Agence de développement des soins de santé primaires du Nigeria (NPHCDA) attribue, dans un rapport publié en 2010, à la collaboration avec les structures sociopolitiques sur le terrain.

Une occasion en or

Au Nord du Nigeria, considéré comme l’épicentre de l’épidémie de poliomyélite dans le pays, une rencontre des chefs traditionnels a constitué, en juin 2009, l’occasion rêvée pour baliser la voie permettant d’aller de l’avant. Les participants ont entériné la création d’un groupe de travail comprenant l’un de leurs représentants, qui non seulement les informerait, mais serait également tenu de leur rendre compte.

« Nous engageons les institutions traditionnelles du Nord du Nigeria à profiter de tout ce qui est mis à leur disposition, notamment les connaissances approfondies et l’accès aux collectivités, pour aider à la mise en œuvre des campagnes de vaccination et à la résolution d’autres problèmes de santé communautaire », ont indiqué les chefs dans le communiqué qu’ils ont publié après la réunion.

Quelque temps après, les chefs ont sensibilisé leurs communautés, y compris les zones les plus reculées, sur tous les aspects de l’Initiative pour l’éradication de la polio. Les activités qui ont commencé dans le cadre de la hiérarchie actuelle comprenaient la mobilisation de masse, l’éducation communautaire et le suivi des activités.

« Une parfaite connaissance de la manière dont le système est organisé est absolument indispensable », relève Dr. M. Z. Mahmud, auteur du rapport de la NPHCDA. « Cela ne peut pas être impulsé par les bailleurs de fonds, mais par le pays lui-même. Nous devons utiliser les canaux déjà en place pour travailler ».

Des résultats en moins d’un an

Dans un laps de temps très court, on a pu noter des résultats différents. Même s’ils sont encore provisoires et incomplets, ces résultats sont extrêmement significatifs. Comme le montre le graphique ci-dessous, les cas de poliomyélite ont baissé de 92 % entre les premier et deuxième semestres de 2009, passant de 360 cas confirmés entre janvier et juin à 28 cas entre juillet et décembre.

« Les chefs traditionnels se sont engagés au début de la seconde période, au cours de laquelle nous avions exactement le même nombre de Journées intensives de la poliomyélite que dans la première période », a déclaré Mahmud. « Ce type de recul n’avait tout simplement pas été observé au cours des années précédentes ».

Trop tôt pour crier victoire

M. Muhammad Pate, chef de la NPHCDA (et un membre du personnel de la Banque mondiale faisant actuellement partie des services extérieurs), a déclaré avec circonspection qu’il est trop tôt pour crier victoire contre la poliomyélite au Nigeria, et que des efforts déployés en faveur de la vaccination doivent se poursuivre, en s’inspirant des récents succès, avant que l’éradication totale ne puisse être réalisée.

« Les efforts déployés en vue de l’éradication de la poliomyélite ne concernent pas que cette maladie — bien au contraire, il s’agit de mettre à disposition un vaccin efficace pour la prévention d’une maladie grave, ce qui ne peut réussir qu’en comptant sur un bon fonctionnement du système de santé », a relevé Pate. « L’éradication de la poliomyélite peut être une arme efficace pour la transformation des systèmes ordinaires de couverture vaccinale et de soins de santé primaires. Les capacités techniques des ressources financières et humaines pour l’Initiative d’éradication de la poliomyélite peuvent être utilisées pour faire avancer le programme des systèmes de santé ».

« Les leçons tirées de l’engagement effectif des chefs traditionnels pourraient trouver leur application dans les efforts déployés pour améliorer les résultats liés à la santé maternelle et infantile » a déclaré Nair, « il a été difficile d’obtenir leur adhésion à ce sujet, surtout au Nord du Nigeria, ce qui fait que nous nous attendons à plus de résultats positifs ».

Le rôle de la Banque mondiale

La mise en œuvre du programme de lutte contre la poliomyélite au Nigeria nécessite l’harmonisation des efforts déployés par plusieurs partenaires. La Banque mondiale a octroyé 135 millions de dollars, soit environ 25 % des fonds nécessaires pour l’achat des vaccins.

L’une des spécificités de cette opération est son caractère « réducteur d’intérêt ». Ce mécanisme vise à convertir un crédit normal de développement octroyé par l’Association internationale de développement (IDA) en dons grâce aux ressources accordés par les bailleurs externes selon des critères de performance clairement définis.

Dans le cas du Nigeria, les bailleurs de fonds, notamment le Rotary International, les Centres de lutte contre les maladies, la Fondation des Nations Unies et la Fondation Bill et Melinda Gates, ont accepté de prendre en charge la valeur actuelle nette de l’endettement dès que les indicateurs de performance prédéterminés auront été atteints.

« Étant donné que nous sommes sur le point de réaliser l’objectif de l’éradication de la polio, nous devons faire des progrès rapides en vue de la consolidation de la vaccination systématique dans le cadre d’un dispositif efficace d’administration des soins de santé primaires », a conclu Onnu Ruhl, le directeur des opérations de la Banque mondiale au Nigeria. « Il est inimaginable que pendant que nous avons une couverture de la lutte contre la poliomyélite de plus 80 % dans toutes les régions du pays, le pourcentage des enfants vaccinés dans certains États soit encore inférieur à 5 %. Si nous voulons régler ce problème, il est tout à fait essentiel de garantir une gestion efficace de la performance et d’accroître les mesures incitatives pour les personnels de santé ».


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