WASHINGTON, 21 avril 2010—Aujourd’hui en Zambie, le paludisme est moins présent qu’il y a tout juste quelques années, grâce à l’implémentation de projets à grande échelle, comme la distribution de moustiquaires imprégnées d’insecticide. Cependant, malgré ces avancées majeures en matière de prévention, la maladie est toujours endémique et demeure une importante cause de mortalité dans le pays, en particulier chez les enfants.
En reconnaissant que l’accès à un traitement adéquat devait être amélioré, la Banque mondiale, le Département du Royaume-Uni pour le développement international et l'Agence américaine pour le développement international (USAID) ont joint leurs forces pour mettre à l’épreuve de nouvelles méthodes de distribution des médicaments en Zambie. Les résultats de ce projet pilote sont exceptionnellement encourageants.
Pour améliorer la chaîne d’approvisionnement de médicaments vitaux, des mesures simples mais intelligentes ont été mises en place, dont le recrutement de planificateurs au niveau des quartiers afin de contribuer à une gestion plus efficace des commandes et des livraisons. Ces mesures se sont avérées très efficaces. Les médicaments contre le paludisme pédiatrique, si essentiels pour sauver des vies d’enfants, sont maintenant disponibles dans 88 % des centres de santé publique dans les quartiers pilotes. Il s’agit presque du double du taux de disponibilité de 51 % des quartiers contrôlés.
Si le projet pilote est amélioré et si les chaînes d’approvisionnement sont renforcées à l’échelle du pays, on estime pouvoir sauver la vie de 27 000 enfants qui autrement seraient morts du paludisme d’ici 2015. Cet accomplissement pourrait réduire de 37 % le taux de mortalité infantile dans le pays, et complèterait avec efficacité les efforts de prévention.
« De très nombreuses vies, aussi bien celles d’enfants et que celles d’adultes, pourraient être sauvées, car on utilise la même chaîne d’approvisionnement pour d’autres médicaments et diverses nécessités, dont des antibiotiques et des préservatifs », selon Monique Vledder, la spécialiste de la santé qui a supervisé le projet pour le compte de la Banque mondiale.
Pourquoi la chaîne d’approvisionnement est importante
Selon l’enquête nationale sur le paludisme en Zambie (Zambia National Malaria Indicator Survey) menée en 2008, seuls 7 % des enfants de moins de cinq ans vivant dans les zones rurales ont accès au traitement ACT (combinaisons à base d'artémisinine) dans les 24 heures qui suivent le début de la fièvre.
Derrière cette statistique, il y a des pertes tragiques dans les villages zambiens. Bien que les enfants soient souvent victimes de maladies pouvant être traitées par manque de médicaments dans les centres de santé publique, il arrive que des boîtes entières de médicaments d’importance critique s’entassent pendant des semaines dans les lieux de stockage. Souvent, personne au niveau des districts sanitaires n’est au courant des pénuries ayant cours dans les villages. Les médicaments ne sont pas livrés et prennent la poussière sur les étagères des lieux de stockage.
Le projet pilote a été établi en 2009 pour répondre à ces manquements observés dans la chaîne d’approvisionnement des médicaments. Son impact a été mesuré l’année suivante par la Banque mondiale, avec l’aide de John Snow Inc. et Crown Agents, en collaboration avec le Massachusetts Institute of Technology (MIT) et le Programme logistique MIT-Zaragoza.
« La mort frappe malheureusement de manière extrêmement rapide dans les zones rurales. Notre travail se concentre sur l’identification de la meilleure manière d’apporter les médicaments au bon endroit et au bon moment, en optimisant l’efficacité de chaque dollar dépensé pour la santé publique, et en livrant des résultats tangibles », rassure Monique Vledder.
Faire sauter les pièges au niveau des districts
Mwansa Kasonde, de Kasama, au Nord de la Zambie, déclare : « Dans le passé, on nous prescrivait beaucoup de médicaments mais on ne les recevait jamais en réalité. Leur prix en pharmacie était exorbitant. Aujourd’hui, nous pouvons obtenir des médicaments gratuitement au centre le plus proche. »
Dans les districts où les améliorations de la chaîne d’approvisionnement ont été introduites, les médicaments contre le paludisme pédiatrique sont disponibles à présent 345 jours sur 365, avec un temps d’arrêt moyen de seulement 20 jours par an, contre 247 auparavant. Les dénouements heureux ne sont plus une exception ici.
Le projet pilote a eu recours à deux modèles de distribution différents. Tous deux ont porté des fruits. Chacun impliquait l’hébergement d’un planificateur en matière d’approvisionnement au niveau du district, qui s’occupait des commandes de biens dans les centres de santé publique au niveau du village.
Oscar Bwalya, qui travaille à la pharmacie du centre rural de santé de Mungwi, à 30 km de Kasama, déclare : « La disponibilité des médicaments s’est largement améliorée, en particulier celle des médicaments anti-paludisme et des antibiotiques, ce qui a garanti l’accès à un ensemble de médicaments pour notre communauté. »
La méthode qui a le mieux fonctionné consistait simplement en des livraisons de médicaments dans les lieux de stockage des quartiers, sans avoir besoin de les sortir de leurs cartons ou de les empaqueter à nouveau. Les commandes des centres de santé des villages étaient passées bien en avance, sur la base d’une évaluation des besoins assemblée par le planificateur, à l’aide des données de consommation précédentes.
Prashant Yadav, expert en gestion de la chaîne d’approvisionnement au programme de logistique internationale du MIT à Saragosse, déclare : « Ce projet pilote montre que certains des obstacles principaux des chaînes d’approvisionnement en Zambie peuvent être dépassés grâce à une conception du système améliorée. Je suis impressionné par les résultats du projet, car les problèmes de chaîne d’approvisionnement des systèmes de santé publique sont notoirement difficiles à résoudre. Ce projet a généré de nouvelles connaissances sur la manière d’améliorer la conception de la chaîne d’approvisionnement des médicaments dans les pays à faible revenu. »
Amélioration sur la base de l’impact prouvé
Jed Friedman, spécialiste en économie au sein du Groupe de recherche en développement de la Banque mondiale, est enthousiaste à propos de ces résultats, qu’il a contribué à évaluer.
« Ces résultats sont exceptionnellement positifs, surtout parce que cette enquête en particulier n’impliquait pas un nombre important de districts. Nous avons suivi les informations pharmaceutiques de huit d’entre eux choisis au hasard et les avons comparées avec nos 16 districts pilotes. À la Banque, nous créons des composantes performantes d’évaluation de l’impact dans un nombre croissant de projets. »
L’importance de l’efficacité de l’aide a été limitée par la crise financière. Plus que jamais, les fonds d’aide doivent être dépensés de la manière la plus efficace possible. Des expériences telles que celle-ci, qui ont des résultats démontrables, contribuent à garantir que les projets de développement ont un impact et une efficacité optimales.
Si la nouvelle méthode était implémentée dans l’ensemble de la Zambie, cela impliquerait que 110 000 enfants supplémentaires pourraient recevoir un traitement adapté contre le paludisme dans les centres de santé publique, soit 27 000 vies sauvées d’ici 2015 ; un progrès essentiel, alors que l’Afrique continue de s’atteler à atteindre les Objectifs de développement du millénaire, dont la réduction de la mortalité infantile est une cible clé.
Mais l’impact des améliorations de la chaîne d’approvisionnement ne se limite pas aux médicaments contre le paludisme des enfants.
L’enquête pilote a également révélé qu’avec les améliorations, les médicaments préventifs du paludisme pour les femmes enceintes étaient disponibles dans 84 % des centres de santé publique des quartiers pilotes (contre 39 % des quartiers contrôlés). L’amoxilline, antibiotique important, était disponible dans 91 % des cas dans les quartiers pilotes (contre 70 % des quartiers contrôlés).
L’État zambien cherche à étendre ce projet pilote à l’ensemble du pays cette année. Il existe également très clairement un potentiel d’amélioration de la chaîne d’approvisionnement à l’ensemble du continent africain.
« J’espère que nos découvertes contribueront à renforcer la capacité du secteur public à fournir des médicaments vitaux à la population ; pas seulement en Zambie, mais ailleurs également. Des améliorations simples et bien conçues, mises en place par des partenaires multiples travaillant efficacement, pourraient réellement faire la différence dans de nombreux endroits en Afrique », a conclu Monique Vledder.