Prendre des mesures urgentes pour accélérer la récupération de la perte d'apprentissage est un élément essentiel des réponses de l'éducation nationale à la pandémie de COVID-19. Il est essentiel de veiller à ce que la génération actuelle d'étudiants ne soit pas désavantagée par rapport aux générations passées et futures. Un programme cohérent de récupération des acquis au niveau du système et des écoles peut aider les pays à atteindre cet objectif. Le point de départ devrait être l'évaluation des niveaux d'apprentissage des élèves pour comprendre les domaines de contenu particuliers où il y a des faiblesses. Ensuite, les systèmes éducatifs devraient s'appuyer sur trois leviers politiques flexibles. Le premier levier -qui peut être utilisé pour s'assurer que les élèves récupèrent les éléments de base essentiels à l'apprentissage- consiste à consolider le programme d'études entre les matières et au sein de celles-ci afin de donner la priorité aux compétences et aux connaissances fondamentales. Le deuxième levier consiste à accroître l'efficacité de l'enseignement. L'ampleur de la perte d'apprentissage est susceptible de varier d'un élève à l'autre, c'est pourquoi il sera absolument important de cibler l'enseignement en fonction du niveau d'apprentissage des élèves. La pédagogie structurée est une autre approche pédagogique qui a constamment permis d'améliorer les résultats de l'apprentissage. Les programmes de tutorat et les programmes d'auto-apprentissage ont également permis d'améliorer l'apprentissage des étudiants dans divers contextes. Enfin, le troisième levier est l'allongement du temps d'instruction, par exemple en proposant des cours d'été. L'allongement du temps d'enseignement est efficace s'il est associé à des approches qui alignent les niveaux d'enseignement sur les objectifs et les besoins des élèves.
Pourquoi les pays devraient donner la priorité à l'accélération de la reprise de l'apprentissage
Les programmes de récupération de l'apprentissage peuvent aider à lutter contre les pertes d'apprentissage causées par les fermetures prolongées des écoles, les perturbations du calendrier scolaire et l'accès inégal aux possibilités d'apprentissage à distance. Il existe de plus en plus de preuves mondiales de pertes d'apprentissage importantes précipitées par la pandémie de COVID-19, résumées dans un récent rapport de la Banque mondiale, de l'UNICEF et de l'UNESCO. Des données provenant du Brésil, des zones rurales du Pakistan et de l’Inde, et de l’Afrique du Sud, entre autres, révèles des pertes substantielles en mathématiques et en lecture. Même dans des pays comme les Pays-Bas et la Suisse, où les écoles sont passées rapidement à l'apprentissage en ligne lors de la fermeture des écoles et où l'accès des élèves aux technologies numériques est élevé, les pertes d'apprentissage ont été substantielles (Engzell, Frey et Verhagen 2021 ; Tomasik, Helbling et Moser 2021). Les simulations de la Banque mondiale montrent que le taux mondial de pauvreté d'apprentissage - défini comme le pourcentage d'enfants incapables de lire et de comprendre un texte simple à l'âge de 10 ans - pourrait atteindre 70 %, par rapport au 53% enregistré avant la pandémie (Azevedo, Rogers, Cloutier et al. 2021).
Au-delà de l'apprentissage, la pandémie a précipité d'autres impacts négatifs. Des rapports font état d'une augmentation des taux d'abandon scolaire dans de nombreux pays, un problème qui affecte de manière disproportionnée les filles et les populations vulnérables ; on prévoit que jusqu'à 24 millions d'enfants abandonneront leurs études à cause de la pandémie de COVID-19 (UNESCO 2020a). En outre, la prévalence mondiale des symptômes d'anxiété et de dépression chez les enfants et les adolescents est montée en flèche en raison de l'isolement social, des fermetures d'écoles, du stress familial et d'autres perturbations (Racine et al., 2021). Enfin, les pertes d'apprentissage dues aux fermetures d'écoles auront également des conséquences économiques si elles ne sont pas traitées : l'impact pourrait s'élever à 17 mille milliards de dollars en valeur actuelle en termes de pertes de revenus futurs (Azevedo, Rogers, Cloutier et al. 2021).
Il est de notre devoir de veiller à ce que cette cohorte d'élèves reçoive une éducation équivalente à celle reçue par les générations précédentes, malgré le temps perdu. Pour s'assurer que cette cohorte d'élèves récupère les apprentissages perdus pendant la pandémie, les pays doivent donner la priorité aux approches d'éducation accélérée afin que tous les élèves atteignent le niveau scolaire. Nous proposons que les pays adoptent des programmes de récupération de l'apprentissage, consistant en un mélange adapté au contexte de politiques fondées sur des preuves pour récupérer l'apprentissage. Trois leviers politiques peuvent être actionnés pour accélérer la reprise de l'apprentissage : consolider le programme d'études, accroître l'efficacité de l'enseignement et allonger le temps d'enseignement. Le dosage des politiques doit être élaboré sur la base des données issues des évaluations de l'apprentissage qui mettent en évidence les niveaux d'apprentissage actuels et les lacunes en matière de connaissances, ainsi que la capacité du système éducatif. Cette note offre un bref aperçu de ce à quoi pourraient ressembler ces politiques et présente des exemples de pays du monde entier.
Programmes de récupération des acquis
Mesurer l'apprentissage
Au retour des élèves à l'école, les pays doivent mesurer les niveaux de leur apprentissage. L'évaluation de l'apprentissage - la collecte et l'évaluation d'informations sur ce que les élèves comprennent, savent et peuvent faire - aidera les éducateurs à identifier les besoins d'apprentissage de leurs élèves et aidera les décideurs à cibler les ressources au sein des écoles et entre elles. Le fait de mesurer l'apprentissage aidera les décideurs à comprendre quels groupes pourraient nécessiter une plus grande attention, car l'ampleur des pertes varie selon les niveaux scolaires, les matières, les groupes sociaux et les systèmes éducatifs. Elle permettra d'identifier les éléments essentiels à l'apprentissage futur que les élèves doivent encore maîtriser. Elle peut créer une base de référence sur laquelle les efforts de récupération peuvent s'appuyer et être contrôlés. Plus important encore, la compréhension des niveaux d'apprentissage des élèves permettra aux enseignants d'adapter l'enseignement aux besoins des élèves. Les stratégies de récupération de l'apprentissage, comme l'enseignement ciblé et le tutorat, reposent sur l'adaptation de l'enseignement au niveau des élèves ; pour ce faire, les enseignants doivent comprendre ce que les élèves savent et ce qu'ils doivent encore apprendre.
L'État de São Paulo, au Brésil, a mesuré en permanence l'apprentissage des élèves, y compris les pertes d'apprentissage subies lors des fermetures des écoles, et utilise les données pour orienter la reprise. En Indonésie, l'agence nationale d'évaluation fournit aux enseignants des outils d'évaluation de diagnostique dans la langue locale pour les matières principales et des directives pour noter et interpréter les résultats. Une fois que les pays utilisent les évaluations de l'apprentissage pour diagnostiquer les niveaux et les besoins d'apprentissage des élèves, ils peuvent définir et mettre en œuvre des réponses politiques pour accélérer la reprise de l'apprentissage. Les trois leviers politiques ci-dessous constituent un menu d'options que les pays peuvent sélectionner et adapter en fonction de leur contexte spécifique.
Pour en savoir plus sur l'évaluation, consultez la note Évaluation des acquis et examens à enjeux élevés
Levier politique 1 : Consolidation du programme d'études
Le premier levier politique des programmes de récupération de l'apprentissage consiste à consolider et à ajuster le curriculum afin de donner la priorité aux compétences et aux connaissances les plus importantes que les élèves doivent maîtriser pour réussir leur parcours scolaire. La consolidation du programme d’études implique de donner la priorité à deux types de contenu : l'apprentissage fondamental - les compétences clés en lecture et en mathématiques qui sont la porte d'entrée quotidienne à l'apprentissage ultérieur dans un nombre croissant de matières - et les antécédents ou prérequis, le contenu qui doit être maîtrisé avant d'apprendre le matériel suivant dans la série d'apprentissage. Depuis le début de la COVID, plusieurs pays ont adopté des ajustements curriculaires. Le plan de redressement curriculaire de trois ans de l'Afrique du Sud met en œuvre des plans d'enseignement annuels ajustés basés sur un programme d'études allégé, un accent sur les pertes d'apprentissage des années précédentes et une évaluation diagnostique plus fréquente. La Guyane a également dévoilé un programme consolidé de quatre ans pour les classes 1 à 9, qui rationalise le contenu du programme. Le programme prioritaire du Chili, introduit en 2020, met à disposition des guides didactiques et des objectifs d'apprentissage ajustés dans chaque matière et chaque niveau, bien qu'il ne remplace pas le programme officiel ; il est valable jusqu'à la fin de 2022.
Levier politique 2 : Accroître l'efficacité de l'enseignement
Soutenir la capacité des enseignants
La pandémie a été source de stress et d'anxiété pour tous, mais plus encore pour les enseignants. Les systèmes éducatifs s'étant tournés vers l'apprentissage à distance, de nombreux enseignants ont vu leurs exigences et la complexité de leur travail s'accroître. Avec l'ouverture des écoles, les enseignants travaillent avec des enfants souffrant de problèmes de santé mentale et des enfants qui ont pris beaucoup de retard dans leur apprentissage. Les enseignants ont besoin du soutien des systèmes éducatifs et des chefs d'établissement pour pouvoir soutenir leurs élèves et accélérer l'apprentissage. Soutenir la capacité des enseignants implique de les soutenir (1) sur le plan pédagogique, (2) sur le plan technologique et (3) sur le plan de leur résilience.
Premièrement, les enseignants auront besoin d'un soutien pédagogique pour mettre en œuvre des stratégies telles que la pédagogie structurée et l'enseignement ciblé, y compris des conseils techniques pour évaluer les niveaux d'apprentissage des élèves. Il est plus important que jamais de proposer des opportunités de développement professionnel de haute qualité qui apportent un soutien continu aux enseignants. Un programme prévoyant un suivi fréquent et un accompagnement des enseignants a permis d'améliorer les résultats des élèves en Gambie. En outre, alors que les écoles ferment dans le monde entier et que les systèmes éducatifs se tournent vers l'enseignement à distance, le manque d'accès des enseignants aux technologies et aux compétences technologiques est devenu un obstacle à un apprentissage à distance efficace. L'apprentissage hybride est là pour rester afin d'améliorer l'enseignement et de préparer les systèmes aux chocs futurs. Pour soutenir les enseignants sur le plan technologique, la formation aux compétences numériques est essentielle. Par exemple, en plus de veiller à ce que les élèves et les enseignants aient accès au matériel et aux logiciels, le Plan Ceibal en Uruguay a aidé les enseignants à acquérir des compétences numériques. En Turquie, au Kenya et en Afrique du Sud, des plateformes comme Whatsapp et Facebook ont été utilisées pour faciliter le soutien des enseignants par leurs pairs. Enfin, les systèmes éducatifs et les écoles peuvent soutenir la résilience des enseignants en surveillant leur bien-être, en limitant l'épuisement professionnel, en offrant des possibilités d'apprentissage par les pairs et en favorisant la motivation intrinsèque. Stir Education s'associe aux gouvernements pour stimuler la motivation des enseignants en Inde et en Ouganda, par le biais de réseaux de pairs, d'actions et de retours d'informations, et de réflexions. HealthyMinds@Work au Mexique est un programme pilote qui aide les enseignants à améliorer leur bien-être psychosocial.
Explorez la note Préparer et accompagner les enseignants pour plus d'exemples de la manière de soutenir les enseignants.
Utiliser l'enseignement ciblé
Le choc de la pandémie de COVID-19 a entraîné d'énormes pertes d'apprentissage, mais l'impact a été hétérogène entre et au sein des pays et des écoles. Même au sein d'une classe, des circonstances et des caractéristiques personnelles différentes impliquent des niveaux d'apprentissage très différents. Il est donc essentiel, pour un apprentissage efficace, de répondre aux besoins de chaque enfant. L'une des approches permettant de répondre aux niveaux de compétence de chaque élève est l'enseignement ciblé, qui regroupe les enfants en fonction de leur niveau de compétence et non de leur âge ou de leur classe. Cette approche comprend des activités et un enseignement spécifiques conçus pour faire passer les élèves au niveau supérieur, avec un suivi étroit des progrès des enfants. Bien qu'il existe diverses façons de mettre en œuvre l'enseignement ciblé, l'approche commence généralement par l'administration d'une brève évaluation des compétences en lecture ou en mathématiques. Ensuite, au cours d'une période spécifique de la journée scolaire, les élèves passent de classes basées sur l'année scolaire à des classes basées sur le niveau, tel que déterminé par l'évaluation diagnostique. Dans ces classes basées sur le niveau, des bénévoles ou des enseignants formés dispensent un enseignement spécialisé conçu pour aider les élèves à passer rapidement d'un niveau à l'autre. En Inde, en 50 jours d'enseignement ciblé dispensé par des bénévoles légèrement formés, cette approche a permis d'augmenter considérablement les niveaux de réussite des élèves de la 3e à la 5e année (Banerjee et al. 2016). Des résultats positifs similaires ont été obtenus grâce à cette approche dans le cadre de l'initiative ghanéenne Teacher Community Assistant (Assistant communautaire des enseignants) (Lucas, Beg et Fitzpatrick2018 ).
Plusieurs pays ont adopté l'instruction ciblée pour accélérer la reprise de l'apprentissage. Le Brésil pilote actuellement l'instruction ciblée qui est mise en œuvre dans quatre camps de deux semaines à raison d'une heure et demie par jour, et prévoit de mettre cette intervention à la disposition de toutes les écoles dont la population d'élèves vulnérables représente au moins 70 %. L'Ouzbékistan déploie également des programmes de rattrapage axés sur le regroupement des élèves en fonction de leur niveau d'apprentissage. D'autres pays ont intégré les principes de l'enseignement ciblé dans de nouvelles approches pédagogiques. Au Cambodge, le ministère de l'éducation et les ONG partenaires locales ont élaboré un programme qui consacre douze heures par mois à combler les lacunes d'apprentissage par des exercices ciblés. Ils ont mis au point des "paquets d'apprentissage de rattrapage" qui commencent par une évaluation diagnostique des lacunes en matière de connaissances autour de 5 compétences fondamentales en khmer et en mathématiques chacun, puis guident les enseignants pour qu'ils regroupent les élèves par compétence (sur la base des résultats de l'évaluation) et mettent en œuvre des exercices actifs pour les élèves à différents niveaux de difficulté (KAPE 2021). Au Chili, le ministère de l'éducation a lancé un programme national qui aide les écoles à mettre en œuvre une approche pédagogique favorisant la maîtrise des concepts clés préalables nécessaires à l'apprentissage du niveau scolaire. Pour chaque objectif d'apprentissage, la méthodologie en trois parties consiste en une phase de rattrapage ou de "mise à niveau", une phase d'apprentissage de nouveaux contenus et une évaluation formative ; les résultats déterminent si la classe poursuit son apprentissage ou retourne à la phase de rattrapage (Ministerio de Educación de Chile 2021).
Établir des programmes pédagogiques structurés
Les programmes de pédagogie structurée constituent une autre approche qui s'est avérée efficace pour améliorer les niveaux de compétences fondamentales dans différents contextes. La pédagogie structurée est définie de manière générale comme un ensemble cohérent de contenus fondés sur des données probantes que les enseignants peuvent couvrir pour soutenir l'apprentissage ; les principaux éléments de ces programmes sont les suivants : (1) des supports d'enseignement et d'apprentissage de haute qualité, notamment des plans de cours scénarisés, des cahiers d'activités pour les élèves et des manuels scolaires ; (2) le développement professionnel des enseignants, notamment la formation continue et le coaching ; et (3) des évaluations continues des élèves pour générer des boucles de rétroaction. Un nombre croissant de pays ont adopté une pédagogie structurée dans les premières années d'études et beaucoup d'entre eux ont démontré des effets positifs encourageants sur les performances des élèves (Kim, Lee et Zuilkowski, 2020 ; Graham et Kelly 2020 ; Fazzio et al., 2021). L'activité de lecture Tusome Early Grade du Kenya, qui combine le développement professionnel des enseignants et des visites de coaches, des manuels d'alphabétisation donnés selon un ratio manuel/élève de 1:1 et des guides structurés pour les enseignants, offre plusieurs leçons aux pays qui cherchent à mettre en œuvre de tels programmes.
Offrir des possibilités d'apprentissage autoguidé, y compris l'enseignement assisté par ordinateur.
Tout comme l'enseignement ciblé, les programmes d'apprentissage autoguidé permettent aux élèves de progresser graduellement vers la maîtrise des compétences fondamentales. Ces activités, qui peuvent être utilisées avec un apport et des conseils limités de la part de l'enseignant, peuvent être basées sur le papier et le crayon, ou dans les systèmes où la technologie adéquate est disponible dans les écoles ou les foyers, la remédiation peut se faire par le biais de l'enseignement assisté par ordinateur. L'enseignement assisté par ordinateur peut illustrer un concept au moyen d'une animation interactive, de sons et de démonstrations, puis donner aux élèves la possibilité d'accomplir des tâches et de résoudre des problèmes à leur propre rythme tout en leur fournissant un retour d'information immédiat. Les logiciels adaptatifs permettent d'évaluer les élèves, de leur faire pratiquer des compétences particulières et de suivre leurs progrès. Les élèves peuvent travailler de manière asynchrone et à leur propre rythme, ce qui permet une plus grande flexibilité. Cette approche rend opérationnelle l'instruction ciblée de manière rentable et peut être mise en œuvre pendant la journée scolaire normale ou après l'école. Des exemples en Inde et en Uruguay montrent que l'enseignement assisté par ordinateur adaptatif peut augmenter l'apprentissage, avec des preuves d'impacts positifs plus importants pour les élèves issus de milieux défavorisés (Muralidharan et al. 2018 ; Perera & Aboal 2019). L'enseignement assisté par ordinateur peut être utilisé dans les classes dirigées par des enseignants, ce qui les aide à adapter l'enseignement aux besoins d'apprentissage des élèves, et peut également être utilisé à distance. En Équateur, un projet financé par la Banque mondiale a mis en œuvre un programme de rattrapage adaptatif et assisté par ordinateur en 2021, touchant près de 6 000 étudiants de première année dans des instituts techniques. Les résultats préliminaires de ce programme à distance ont montré que la maîtrise des principaux concepts mathématiques est passée de 25 % à 69 % après 16 semaines (Angel-Urdinola, à paraître).
Au Bangladesh, on a constaté qu'un programme d'apprentissage autoguidé papier-crayon améliorait de manière significative les capacités mathématiques des élèves. Le programme, qui utilise la méthode d'apprentissage Kumon, attribue à chaque élève un niveau initial en fonction de ses résultats à un test de diagnostic. Les instructeurs donnent ensuite aux élèves une série de feuilles de travail dont la difficulté augmente progressivement, en adaptant les feuilles de travail en fonction des progrès de chaque élève. Le programme a été conçu pour que chaque élève travaille au niveau qui convient à ses compétences individuelles, en progressant et en apprenant de nouveaux concepts par petites étapes grâce à des conseils et des exemples (Sawada et al. 2020). En Jordanie, le programme mixte " Learning Bridges " (Passerelle d’apprentissage) favorise la reprise de l'apprentissage en distribuant chaque semaine aux élèves de la quatrième à la neuvième année des fiches d'activité imprimées et adaptées à leur rythme. Elles contiennent des exercices transversaux issus du programme de la semaine et des codes QR grâce auxquels les élèves peuvent sélectionner des ressources médiatiques pour les domaines dans lesquels ils doivent renforcer leur compréhension de l'année scolaire précédente (UNICEF Jordan 2021).
Mettre en place des programmes de tutorat en petits groupes
Des preuves solides démontrent que le tutorat peut améliorer de manière significative les résultats des élèves, en particulier ceux des élèves peu performants, mais l'efficacité de cette approche dépend de la taille du groupe et de la fréquence des séances. Par conséquent, la mise à l'échelle des programmes de tutorat peut être un défi. Le tutorat à fort dosage, défini comme des groupes de six élèves ou moins qui se réunissent au moins trois fois par semaine (ce qui équivaut à 50 heures ou plus sur 36 semaines), s'est avéré produire des augmentations substantielles des résultats aux tests (Fryer, 2017). Certaines données montrent que les programmes de tutorat les plus efficaces se déroulent pendant la journée scolaire, et lorsque les élèves restent avec le même tuteur tout au long de l'année (Education Endowment Foundation 2018a). Le tutorat individuel peut également améliorer les résultats, mais il est nettement plus coûteux. Les tuteurs peuvent être des étudiants de l'université ou même des lycéens (pour les classes inférieures) qui reçoivent une formation pour suivre un programme de tutorat structuré.
Dans l'ensemble, le Global Education Recovery Tracker estime qu'un pays sur trois a utilisé le tutorat pour soutenir l'apprentissage à distance depuis le début de la pandémie. En 2020, le Royaume-Uni a lancé le National Tutoring Program, qui offre des services de tutorat de haute qualité aux élèves des écoles primaires et secondaires publiques. Le tutorat subventionné ou gratuit est proposé à la fois par des prestataires de services sous contrat (partenaires de tutorat) et par des particuliers (mentors académiques) pour fournir un enseignement supplémentaire dans six matières. Les enseignants et les chefs d'établissement décident de l'approche la plus adaptée à leurs besoins, des partenaires avec lesquels travailler et des élèves qui bénéficieront le plus du tutorat. En Amérique latine, deux pays ont mis à profit leur communauté universitaire pour le tutorat. Dans le cadre du programme national chilien " Des tuteurs pour le Chili ", les étudiants qui poursuivent des études d'enseignement peuvent effectuer leurs stages virtuels en donnant des cours à de petits groupes d'étudiants qui ont besoin d'un soutien supplémentaire (Ministerio de Educación de Chile, 2020). En République dominicaine, le J-PAL s'associe au ministère de l'Éducation pour piloter un programme de tutorat en ligne qui met en relation des lycéens issus de milieux défavorisés avec des étudiants universitaires bénévoles afin de recevoir un soutien scolaire personnalisé via une plateforme sécurisée (JPAL 2021). Il s'agit d'une adaptation du programme italien de tutorat en ligne (TOP), mis en œuvre en 2020, qui a eu des effets positifs sur les résultats scolaires (Carlana & La Ferrara, 2021). Enfin, le télé-mentorat par appels téléphoniques et SMS aux élèves et aux parents est apparu comme une alternative prometteuse et peu coûteuse au tutorat virtuel ou en personne. Ces interventions de faible technicité ont stimulé les résultats d'apprentissage des élèves au Botswana et au Bangladesh (Angrist, Matsheng & Bergman, 2021 ; Hassan, Islam, Siddique & Wong 2021).
Levier politique 3 : Allongement du temps d'instruction
La littérature pré-pandémique montre que l'augmentation du temps consacré à l'instruction peut améliorer considérablement les résultats d'apprentissage (Cerdan-Infantes et Vermeersch 2007 ; Andersen et al. 2016 ; Hincapie 2016 ; Lavy 2020). L'augmentation du temps d'instruction peut être obtenue en allongeant la journée, la semaine ou l'année scolaire (voir la note Adapter le calendrier académique).
La tenue de cours pendant l'été est une approche permettant de fournir plus de temps d'instruction pour la remédiation, et une occasion de mettre en œuvre des approches ciblées telles que l'enseignement ciblé et le tutorat en petits groupes. Si les cours d'été représentent une intervention assez courante, il peut être nécessaire de les étendre à un plus grand nombre d'élèves en raison des perturbations COVID-19, comme l'ont fait certains pays (Perry 2020). Aux Philippines, les cours d'été ont été proposés en 2020 aux élèves qui avaient obtenu une note inférieure à 75 % au cours de l'année scolaire précédente (UNESCO 2020b). À Madagascar, le gouvernement a étendu en 2020 un programme de " rattrapage " estival existant de deux mois pour les élèves qui réintègrent l'école après avoir quitté le système et collabore avec l'UNICEF pour intégrer un enseignement ciblé dans le programme (UNICEF Madagascar 2020 ; Angrist et al. 2021). En 2021, les États-Unis ont lancé la Summer Learning & Enrichment Collaborative, qui fournit 1,2 milliard de dollars aux États pour qu'ils les utilisent dans des programmes éducatifs d'été. Les programmes de cours d'été sont associés à des gains d'apprentissage lorsqu'ils sont intensifs, disposent de ressources suffisantes, impliquent un enseignement en petits groupes dispensé par des enseignants formés et expérimentés et se concentrent sur le contenu académique (par opposition aux activités récréatives ou extrascolaires). L'un des risques des programmes de cours d'été est d'assurer une fréquentation régulière, ce qui est plus difficile en raison de la nature volontaire des cours d'été.
Une autre approche pour prolonger le temps d'instruction consiste à apporter des modifications au calendrier scolaire. Depuis 2020, le Kenya met en œuvre un "programme accéléré" de deux ans destiné à aider les élèves à rattraper leur retard sans avoir à redoubler les cours précédents - en ajoutant un quatrième trimestre supplémentaire aux trois trimestres habituels par année scolaire, en raccourcissant les vacances et en allongeant le temps d'apprentissage au sein des trimestres. Le calendrier scolaire normal reprendra en 2023. Enfin, le Mexique a prolongé son année scolaire 2021-22 pour inclure 10 jours d'école supplémentaires.
