Ce n’est pas pour rien que l’Île Maurice est souvent citée comme un exemple de réussite en Afrique. Alors qu’il semblait voué à l’échec sur le plan économique à la suite de son indépendance, en raison de son taux de pauvreté élevé et d’autres vulnérabilités, dont une forte croissance démographique, des tensions ethniques, un taux de chômage élevé et une économie fortement tributaire de l’exportation de sucre sur marchés internationaux, ce petit pays insulaire a su faire face en diversifiant son économie et en réalisant une transition structurelle sans précédent des secteurs agricole et textile vers celui des services, notamment la finance, l’immobilier et les services professionnels.
Cependant, bien que ces dix dernières années aient été caractérisées par une remarquable croissance économique, elles ont également été marquées par une faible redistribution des revenus de la croissance dès que le modèle économique du pays a commencé à rencontrer des difficultés et que les inégalités se sont accentuées. De 2001 à 2005, l’écart entre les revenus des 10 % des ménages les plus pauvres et les plus riches s’est creusé de 37 %.
Selon les conclusions du rapport intitulé « Mauritius: Addressing Inequality through More Equitable Labor Markets » (a), cette hausse des inégalités de salaires est essentiellement imputable aux revenus du travail des ménages, qui représentent 98 % de cette augmentation. Cela peut essentiellement s’expliquer par deux facteurs , d’une part, les facteurs démographiques tels que la composition, la diversité et les caractéristiques des ménages ainsi la tendance des individus à se marier dans un groupe socioprofessionnel identique. D’autre part, les facteurs liés au marché du travail tels que la participation de la main-d’œuvre et l’inégalité des revenus du travail.
L’expansion relative de la part des ménages monoparentaux et l’augmentation disproportionnée de la part de la main-d’œuvre féminine dans les ménages les plus aisés ont joué un rôle dans la hausse de ces inégalités. Cependant, le facteur le plus important est l’augmentationdes inégalités de revenus individuels, notamment chez les hommes.
Sur une note positive, les efforts du gouvernement visant à redistribuer les bénéfices de cette croissance, par le biais d’un système de protection sociale, ont réussi à compenser la forte hausse des inégalités de revenus du travail des ménages.
Les inégalités de revenus des ménages ont augmenté, notamment les revenus du travail.
GRAPHIQUE : Tendances en ratio P90/P10 des différents agrégats de revenus, 2001-2015
Conclusions supplémentaires
La hausse rapide des inégalités de revenus peut s’expliquer par la pénurie de compétences provenant des changements structurels qui ont eu lieu à l’Île Maurice ces dix dernières années. L’économie a connu amorcé une transition progressive des secteurs traditionnels et exigeant employant une main-d’œuvre moins peu qualifiée tels que l’agriculture et la production industrielle, en particulier les textiles, vers le secteur dess services tels que les services professionnels, immobiliers et financiers. Cette transformation a engendré une demande considérablement plus forte de travailleurs qualifiés laquelle n’a pas été associée par une hausse de la disponibilité des travailleurs qualifiés, malgré les progrès non négligeables réalisés au niveau de la scolarisationen matière d’instruction. de la population mauricienne.
Il y a eu une croissance considérable des emplois dans le secteur des services et des emplois hautement qualifiés.
GRAPHIQUE : Variation de la répartition de l’emploi par secteur, 2004-2015
GRAPHIQUE : Variation de la répartition de l’emploi par profession, 2004-2015
Outre les forces du marché, le système complexe des décrets relatifs à la rémunération a modérément contribué à la hausse des inégalités de rémunération. Les décrets relatifs à la rémunération (DR) sont des directives du Conseil national chargé de la rémunération qui fixent la grille des salaires et les conditions de travail des employés du secteur privé. Entre 2004 et 2015, les changements au niveau des salaires réglementés ont été sporadiques et modestes, ceux les plus bas ayant baissé en termes réels dans l’un des trois secteurs pris en compte. Par ailleurs, compte tenu de la transition économique vers le secteur des services et les emplois hautement qualifiés, les travailleurs moins qualifiés exerçant dans les secteurs traditionnels régis par les DR, ont obtenu des gains de revenus plus modestes que les travailleurs hautement qualifiés. Non seulement les DR ont contribué à accentuer les inégalités, bien que de façon modeste, mais ils ont également eu un léger impact négatif sur l’emploi dans les secteurs concernés. Il est essentiel d’élaborer de manière adéquate des politiques de salaire minimum simples et applicables afin de pouvoir protéger les travailleurs peu rémunérés.
Les femmes mauriciennes continuent d’être considérablement lésées en termes d’accès au marché du travail. Bien que la part de la main-d’œuvre féminine ait augmenté de façon stable pendant ces dix dernières années et ait atteint 57 pour cent% en 2015, l’écart entre les hommes et les femmes demeure toujours important, avec une différence impressionnante de 32 points de pourcentage. Cet écart s’explique en partie par les différences d’âge, de niveau scolaire, d’état civil et de structure démographique du ménage, telle que la présence d’enfants et de personnes âgées dans la famille. Cependant, une grande partie de la variation observée demeure sans explication. Ceci pourrait s’expliquer partenir à de nombreux facteurs, notammentdont la disponibilité et le coût des infrastructures destinées à la garde des enfants et aux soins pour personnes âgées, les réglementations strictes sur le temps de travail et les congés, ainsi que les valeurs culturelles et les normes sociales.
La participation des femmes a augmenté mais elle reste encore beaucoup plus faible quetrès inférieure à celle des hommes. Dans le secteur privé, les femmes sont également moins bien rémunérées à l’heure que les hommes.
GRAPHIQUE : Taux d’activité : au total et par sexe, 2004-2015
GRAPHIQUE : Répartition de l’écart salarial à l’heure, secteur privé 2004 – 2015
En moyenne, le salaire en taux horaire dles femmes mauriciennes exerçant dans le secteur privé sont payées àest l’heure 30 pour cent% de moins inférieur à celui desque les hommes. Dans le secteur privé, l’écart de salaire entre les hommes et les femmes semble s’expliquer par deux facteurs principaux. D’une part, les femmes employées dans le secteur privé ont moins de caractéristiques productives que les hommes puisqu’elles sont employées de façon disproportionnée dans les secteurs traditionnels et occupent des emplois moins qualifiés. D’autre part, la structure de rémunération semble davantage favoriser les hommes que les femmes. Afin de combler cet écart de rémunération entre les hommes et les femmes dans le secteur privé, des changements s’imposent à traversdans le système éducatif et doivent mettre particulièrementpour l’accent sur les efforts visant à combattre les normes sociales discriminatoires chez les jeunes.
Quant au secteur public, il constitue plutôt une voie professionnelle attrayante pour les femmes hautement qualifiées, qui sont en moyenne mieux rémunérées que les hommes, et pourrait constituer un exemple de meilleure pratique en faveur d’un traitement plus équitable.
Outre la pénurie de compétences, le marché du travail mauricien est de plus en plus caractérisé par l’inadéquation entre la formation et les besoins, notamment chez les jeunes, et par le chômage des jeunes bien formés. L’indicateur de l’inadéquation des compétences mesure le degré de décalage entre la formation reçue par les travailleurs et celle requise pour les emplois qu’ils occupent. Estimé à 47 pour cent% ces dix dernières années, le pourcentage de travailleurs « surdiplômés » et « sous-diplômés » est stable et pourtant celui des jeunes surdiplômés (âgés de 15-29 ans) a doublé entre 2006 et 2015, les femmes étant en tête. Parallèlement, le taux de chômage chez les jeunes âgés de 15 à 24 ans est trois fois plus élevé que le taux de chômage total, et est beaucoup plus élevé que celui des jeunes âgés de 25 à 29 ans. Les jeunes chômeurs sont de plus en plus diplômés.
En 2006, près de 55 % des jeunes au chômage (âgés de 16 à 29 ans) avaient un niveau d’éducation secondaire supérieur et moins de 7 % avaient un niveau d’éducation post-secondaire et supérieur. En 2015, la part des jeunes chômeurs disposant d’un niveau d’éducation secondaire supérieur avait chuté à 42,5 % et celle des jeunes disposant d’un niveau d’éducation post-secondaire ou supérieur avait presque atteint 40 %. Une pénurie notoire de compétences de haut niveau, accompagnée d’une hausse des surdiplômés chez les jeunes travailleurs et d’une augmentation du pourcentage de jeunes chômeurs hautement qualifiés, exige que des mesures soient prises. D’une part, des politiques mieux ciblées favorisant l’emploi des jeunes et des services d’emploi plus efficaces peuvent faciliter l’équilibre entre l’offre et la demande de main-d’œuvre alors que, d’autre part, le système éducatif n’apporte pas aux travailleurs, notamment les jeunes, la formation de qualité requise par les employeurs.
Les compétences acquises par le biais des enseignements et formations techniques et professionnelles devraient d’une part, être adaptées à la demande de main-d’œuvre en pleine évolution et, d’autre part, devenir plus attrayantes pour un plus grand nombre de jeunes étant donné que ce type de formation est souvent considéré comme étant moins prestigieux qu’une formation académique.
Le chômage des jeunes (16-24) est considérablement élevé et les jeunes chômeurs sont de plus en plus instruits.
GRAPHIQUE : Taux de chômage – par tranche d’âge, 2006-2015
GRAPHIQUE : Répartition des jeunes chômeurs par niveau d’instruction, 2006-2015