ANTANANARIVO, le 10 septembre 2015 — Le bureau de la Banque mondiale à Madagascar vient de publier sa note de situation économique qui analyse les tendances économiques au cours du premier semestre de 2015. « Du fait de circonstances globales et locales défavorables, Madagascar ne pourra vraisemblablement pas tabler sur une accélération de la croissance en 2015. Les objectifs de croissance fixés en début d’année ne seront probablement pas atteints », constate Keiko Kubota, économiste principal à la Banque mondiale.
Les dégâts causés par les intempéries dont a souffert Madagascar en début d’année ont alimenté l’inflation qui a atteint 7,9% en mars (son niveau le plus élevé depuis octobre 2011), avant de décélérer légèrement à l’arrivée de la période de récolte rizicole. Les perturbations occasionnées par les grèves chez Jirama, la compagnie d’eau et électricité, et Air Madagascar ainsi que les incertitudes créées par les mésententes entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif ont été également préjudiciables au secteur privé.
« Avec le ralentissement de la demande domestique, le pays a importé moins de produits de consommation et d’équipements. En tout, une diminution de 13 % de la valeur des importations a été constatée pendant le premier semestre», ajoute Keiko Kubota.
Concernant les finances publiques, l’État continue à contrôler le déficit budgétaire, lequel a modérément augmenté par rapport aux années précédentes. Les recettes fiscales ont progressé de 19 % par rapport au premier semestre de 2014, une performance cependant inférieure de 21% à l’objectif que s’était fixé le gouvernement. Ainsi, les finances publiques restent sous pression. « Les dépenses publiques sont essentiellement allouées aux dépenses courantes dont les dépenses de personnel et les dépenses en transferts et subventions, notamment aux entreprises publiques, qui représentent respectivement 37 % et 18 % des dépenses totales engagées au premier semestre », explique Faniry Razafimanantsoa, économiste à la Banque mondiale. Seules 20 % des dépenses totales engagées pendant le premier semestre sont destinées aux dépenses en capital. Les financements externes ont assuré la réalisation de 80 % de ces dépenses en capital.
La note de situation économique s’intéresse également à l’impact des évolutions récentes du cours du pétrole sur l’économie malgache qui a permis de réduire les charges de l’État relatives aux subventions des prix des produits pétroliers et la facture d’importation de produits pétroliers. Toutefois, le maintien du mécanisme de subvention continue de grever les finances publiques et empêche l’ajustement automatique des prix de distribution avec l’évolution mondiale. « D’une manière générale, les gains liés à la faiblesse des prix des marchandises sur les marchés internationaux sont limités par la dépréciation de la monnaie locale et la perte de recettes d’exportation liées à la baisse du cours du nickel », souligne Faniry Razafimanantsoa.
Enfin, l’étude de la Banque mondiale évalue l’impact fiscal des dépenses de personnel de l’État. Si la proportion des dépenses de personnel par rapport au PIB pour Madagascar est semblable à celle d’autres pays à faible revenu (avec un ratio de 5.3 % en moyenne pour les cinq dernières années), depuis 2009, la part des dépenses publiques allouées aux dépenses de personnel a graduellement augmenté. En effet, alors que ces dernières constituaient en moyenne 26 % des dépenses totales sur la période 2005 – 2009, ce pourcentage est passé à 38 % en moyenne entre 2010 et 2014.
« L’augmentation du ratio s’explique par la priorisation du paiement des dépenses de personnel alors que les dépenses publiques totales, surtout les dépenses d’investissement, ont ralenti », explique Faniry Razafimanantsoa. Par rapport à des pays avec des niveaux de revenu comparables, le ratio dépenses publiques/ recettes fiscales est parmi les plus élevé pour Madagascar. Ce ratio a constamment progressé au cours de ces dernières années et atteint 55 % en 2014. Ce niveau s’explique surtout par la faiblesse des recettes fiscales collectées.
Jusqu’à ce jour, cette augmentation des dépenses n’a pas entraîné d’élargissement excessif du déficit budgétaire. Par conséquent, le problème de soutenabilité fiscale ne se pose pas dans l’immédiat. Cependant, l’importance des ressources utilisées pour payer les fonctionnaires par rapport aux dépenses totales exerce un « effet d’éviction » sur les autres catégories de dépenses que sont les dépenses de fonctionnement et d’investissement. En effet, comme le souligne Faniry Razafimanantsoa, les ressources restantes ne suffisent pas pour assurer la prestation de services publics de qualité, et l’État Malagasy doit trouver plus de ressources publiques pour assurer l’exécution de son programme de développement. « Pour éviter cet effet d’éviction et achever son plan de développement, l’État va devoir augmenter les recettes fiscales, optimiser les dépenses et améliorer les institutions de gouvernance afin de faciliter l’accès aux financements extérieurs », conclut-elle.