Alors que Madagascar connaît une transition démographique et que la part de sa population en âge de travailler augmentera considérablement d’ici 2050, il est particulièrement important de concentrer les investissements sur la santé, l’éducation et l’autonomisation des adolescentes qui se traduira probablement par des gains à long terme pour la croissance économique et le développement durable.
Pourtant, les femmes et les filles sont confrontées à des défis importants dans leur parcours éducatif, professionnel et familial. Une étude de la Banque mondiale sur les disparités entre les sexes à Madagascar met en évidence ces disparités et propose quatre orientations stratégiques pour y remédier : « Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes - Défis et opportunités pour une plus grande autonomisation des femmes et des adolescentes à Madagascar ».
Cette étude à méthodes mixtes vise à générer des connaissances et à approfondir la compréhension des inégalités entre les sexes et de leurs causes à Madagascar, en mettant l’accent sur l’adolescence. L’étude s’appuie sur les données d’enquête les plus récentes ainsi que sur des données qualitatives recueillies dans trois régions du pays : Analamanga, Atsimo-Atsinananana et Sofia, et a donné lieu à des discussions de groupe et à des entretiens individuels approfondis avec des jeunes femmes, des parents d’adolescentes et des informateurs clés.
Le rapport identifie quatre orientations stratégiques pour réduire les disparités existantes entre les sexes et libérer le potentiel des filles et des femmes à Madagascar, qui comprennent un ensemble de mesures visant à améliorer et à renforcer l’environnement juridique :
1. Aider les filles et les jeunes femmes à achever leur scolarité.
2. Améliorer l’accès des femmes et des filles aux soins de santé professionnels.
3. Améliorer les opportunités économiques des femmes.
4. Permettre aux femmes et aux filles de mieux se faire entendre et d’agir et éliminer toutes les formes de violence sexiste.
Compte tenu des aspects multidimensionnels de l’égalité des sexes — et des disparités existantes en termes de dotations, d’opportunités économiques et de moyens d’action — il sera crucial de lancer des efforts multisectoriels de grande envergure pour combler les écarts existants entre les sexes. C’est important pour les femmes et les filles à Madagascar. Si l’égalité des sexes est importante en soi, les investissements dans l’autonomisation sociale et économique des femmes et des adolescentes ont le potentiel de se traduire par une croissance économique durable et le développement global de Madagascar.
Quels sont les défis auxquels sont confrontées les filles et les femmes malgaches ?
Les femmes et les filles malgaches ont toujours un faible potentiel pour accumuler leur capital humain dans l’éducation. Une part importante des femmes adultes âgées de 15 à 49 ans est analphabète, atteignant le chiffre frappant de 55,8 % dans la région de Menabe, contre 26,9 % chez les hommes. Et encore aujourd’hui, seulement 30,8 % des filles et 27,6 % des garçons âgés de 11 à 17 ans fréquentent l’école secondaire. La participation à l’agriculture et à d’autres activités professionnelles interrompt la trajectoire scolaire de nombreuses adolescentes. Les chances des filles d’achever l’enseignement secondaire sont davantage réduites par leur forte participation aux tâches domestiques, la violence sexiste à l’école, la capacité d’action limitée et, surtout, les mariages et grossesses précoces.
Les femmes et les filles malgaches ont également des difficultés d’accès aux services de santé maternelle, sexuelle et reproductive, comme en témoignent la faible proportion d’accouchements assistés par des professionnels (45,8 %) et les besoins élevés en contraception non satisfaits (14,6 %). La rareté des centres de santé et les coûts prohibitifs des consultations limitent l’accès des femmes et des filles aux services de santé en général, et elles sont encore plus limitées par le manque de sources fiables d’information sur la santé sexuelle et reproductive, l’absence de cliniques de qualité adaptées aux jeunes, et les normes sociales qui découragent l’utilisation des services de planification familiale par les femmes célibataires et les femmes sans enfants. Tous ces obstacles contribuent à une forte proportion de grossesses chez les adolescentes (31,1 % des filles âgées de 15 à 19 ans ont commencé à procréer), ce qui est associé à de nombreux risques pour le bien-être des filles, avec des effets négatifs potentiels à long terme sur leur éducation, leur santé, leurs possibilités d’emploi et leur vulnérabilité à la pauvreté.
Le manque d’investissement dans le capital humain pèse lourdement sur le potentiel des femmes à participer activement et de manière productive aux opportunités économiques. Les femmes malgaches sont moins susceptibles que les hommes de participer au marché du travail (71,3 % contre 82,4 % respectivement) et ont un accès limité à des emplois de meilleure qualité, les femmes étant moins nombreuses à être salariées (24 % des femmes actives contre 35 % des hommes actifs), et plus nombreuses sont les travailleuses familiales (14 % contre 5 % des travailleurs masculins) et les agricultrices de subsistance (32 % contre 23 % respectivement). Outre la pénurie générale d’emplois, les femmes sont victimes de discrimination dans le processus de recrutement et sont limitées par le fait qu’elles n’ont pas les aptitudes et les compétences requises, les connaissances, une vision claire et les instruments permettant de traduire leurs aspirations professionnelles en actions.
La limitation du pouvoir d’action et de décision des femmes malgaches se manifeste par des taux élevés de violence conjugale (41 % des femmes ayant été en couple ont été victimes d’au moins une de ses formes) et de mariages précoces (38,8 % des femmes âgées de 20 à 24 ans étaient mariées avant d’ atteindre 18 ans). Pour de nombreuses filles pauvres et leurs familles, la décision de fonder une famille à un très jeune âge est motivée par le manque de moyens et l’aspiration à échapper à la pauvreté au sein du foyer. En outre, les attitudes négatives généralisées à l’égard des femmes célibataires et des grossesses hors mariage poussent souvent les adolescentes et leurs familles à se marier tôt, en partie pour se conformer aux normes sociales et aux modèles de comportement attendus.