Cette évaluation de genre examine les dotations en capital humain, les opportunités économiques, la voix et l’agence selon les lignes de l’Étude de développement mondial 2012 (Banque mondiale 2012) ainsi que la stratégie de genre du groupe de la Banque mondiale (Banque mondiale 2016). Cette étude examine ensuite les quatre domaines principaux où les écarts de genre sont accentués. La première de ces analyses se fait sur les inégalités de genre dans le marché du travail et comprend les obstacles et opportunités pour les femmes, la deuxième sur l’écart de genre dans l’environnement juridique et réglementaire, la troisième sur les comportements risqués et leurs conséquences disproportionnées en fonction du sexe. La quatrième, revoit les vulnérabilités liées au genre qui sont apparues ou sont devenus plus visibles à la suite des désastres naturels récents.
Cette évaluation de genre permet d’identifier les inégalités et les points d’entrées potentiels pour les actions de politiques et de programmes en Haïti. Elle est fondée sur une note sur le genre datée de 2002 (Banque mondiale, 2002) qui englobe Haïti, la République Dominicaine et la Jamaïque, tout en tirant parti de données disponibles plus récemment, qui comprennent des enquêtes conçues pour comprendre l’impact de la COVID-19 ainsi qu’une documentation abondante élaborée autour du thème des contraintes et barrières, mais aussi des opportunités, liées au genre.
Ce rapport fait pour l’essentiel un examen quantitatif des données relatives au genre les plus récentes disponibles pour Haïti. L’évaluation porte un regard étendu et profond sur Haïti dans un contexte de données limitées, en s’appuyant sur diverses sources de données. Cette étude se fonde essentiellement sur l’Enquête démographique et sanitaire (EDS, 2010 & 2017), mais inclut également des informations provenant del’Enquête mondiale sur les valeurs (2016), des études sur les femmes, le commerce et la loi, de la Banque mondiale ainsi que de l’enquête téléphonique à haute fréquence effectuée en 2020 et 2021 entant que preuves plus récentes. Par le biais de ces données, nous identifions les écarts de genre et les inégalités qui peuvent servir de possibilités et de points d’entrée pour des politiques à venir.
Faits saillants du rapport
Bilan
- Les femmes en Haïti souffrent d’un accès limité à la santé maternelle et par conséquent, ont de mauvais résultats en santé maternelle. Les femmes ont un accès limité aux services de santé reproductive, à savoir des sage-femmes qualifiées et des centres d’accouchement appropriés ainsi que très peu de pouvoir sur leur prise de décision concernant leurs soins de santé.
- Dans le EDS datant de 2017, 24 pour cent de garçons avaient un retard de croissance, comparé à 20 pour cent de filles en Haïti. Les hommes ont une durée de vie plus courte que celle des femmes (62 contre 66 ans), ils sont plus susceptibles de se suicider ainsi que d’adopter des comportements à risques tels que l’alcool et le tabac et de s’impliquer dans des activités de gang.
- Notamment, les écarts de genre dans les inscriptions se sont réduits ou se sont inversés au niveau secondaire et de l’enseignement supérieur, mais pas au niveau de l’école primaire. Parmi la proportion réduite d’Haïtiens âgés de 15-24 qui poursuivent des études supérieures, il y a plus de filles que de garçons dans les zones rurales. Les garçons ont cependant un taux net de fréquentation scolaire plus élevé que les filles à l’école primaire dans les zones rurales et les garçons en zone urbaine ont un taux d’achèvement plus élevé pour les études supérieures. Les hommes adultes sont plus susceptibles d’avoir suivi les cours ou avoir terminé l’école secondaire ainsi que les études supérieures.
- Les femmes sont davantage sujettes à être des victimes de la violence de genre que les hommes et elles sont exposées à des risques sécuritaires chez elles et au sein de leur communauté. Les femmes commerçantes qui transportent des marchandises à travers le pays et approvisionnent les marchés sont exposées à des problèmes de sécurité sur les routes et les lieux de marchés.
- L’inégalité de genre est très visible dans le manque de voix et de pouvoir détenus par les femmes et les rôles très prononcés de genre pour les femmes entant que gardiennes. Les femmes ont un très faible pouvoir décisionnel quant à leur propre problème de soins de santé, les dépenses du ménage et les visites aux amis et à la famille en Haïti.
Inégalité de genre sur le marché du travail
- Les femmes sont plus susceptibles d’être au chômage et il était fort probable qu’elle déserte le marché du travail lors de la pandémie, élargissant ainsi le fossé. Avant la pandémie, les femmes affichaient des taux plus élevés de chômage ; environ 23 pour cent des femmes dans les zones urbaines étaient sans emplois par rapport à 17 pour cent pour les hommes. Lors de la pandémie de COVID-19 les femmes étaient beaucoup plus susceptibles de quitter le marché du travail par rapport aux hommes, alors que ces derniers étaient plus susceptibles de commencer un travail informel, dénotant une tendance, déjà présente, de faible attachement au marché du travail chez les femmes, laquelle n’a fait que croître durant la pandémie.
- L’accès aux ressources productives pour les femmes, notamment la propriété foncière et les instruments financiers, est statistiquement nettement inférieure à l’accès pour les hommes. Seulement 8 pour cent de femmes dans les zones rurales, où l’agriculture est le secteur dominant, possèdent des terres, contre20 pour cent pour les hommes. Les taux d’inclusion financière dans leur ensemble en Haïti sont extrêmement faibles —environ 1/3 d’Haïtiens seulement ont accès à un compte en banque—l’écart hommes-femmes est environ de 5 points de pourcentage.
Législations et normes sociales
- En matière juridique et réglementaire, les femmes en Haïti sont confrontées à de nombreux défis et à la discrimination explicite dans certains domaines. Haïti a davantage de lois restrictives et moins de provisions juridiques relatives à la promotion de l’égalité de genre et de l’accès à l’emploi que ses comparateurs régionaux.
- Malgré un quota de représentation féminine dans les organes législatifs et la fonction publique, les femmes sont sous représentées au sein du gouvernement. Aussi bien dans la chambre basse que le Sénat, les femmes sont représentées en deçà des exigences constitutionnelles (Article 17.1) des 30 pour cent de postes dans la fonction publique.
- Le rôle des femmes entant que gardienne et femme au foyer constitue un obstacle important à leur participation équitable sur le marché du travail et dans la société dans son ensemble. Les femmes sont présentées dans une analyse descriptive multivariée, comme moins susceptibles de rester sur le marché du travail avec l’arrivée de chaque enfant additionnel dans leur ménage, lequel constat ne s’applique pas aux hommes. Il était probable que les femmes quittent le marché du travail durant la pandémie, ce qui est en adéquation avec une tendance mondiale de femmes qui assument plus de responsabilités en s’occupant de leur famille.
Comportements à risques
- L’écart de genre dans les inscriptions s’est inversé par conséquent les garçons ont un taux de fréquentation scolaire plus bas que les filles. Le peu d’inscription, à l’évidence, entrave la progression scolaire continue— comme le prouve les faibles ratios d’inscription au niveau de l’enseignement supérieure—Cette situation crée aussi des possibilités pour que les garçons s’aventurent dans des comportements à risques.
- Beaucoup d’hommes et de femmes en Haïti croient que “battre sa femme” est justifié pour une raison ou une autre et les femmes, fort probablement, vont subir de la violence physique, sexuelle et/ou émotionnelle de leur partenaire. Les rapports de violence émotionnelle et physique ont augmenté sur la période s’étalant de 2010 à 2017 pour presque tous les groupes d’âges, tandis que les rapports de violence sexuelle ont baissé pour tous les groupes d’âge, à l’exception des 15–19 ans.
- Les hommes et les garçons en Haïti affichent des comportements risqués et violents à des taux plus élevés que les femmes et les filles. Les garçons sont plus susceptibles de rejoindre les gangs, malgré que les filles le fassent aussi. Les hommes sont davantage portés sur le tabac et l’alcool. La consommation des hommes d’alcool (tel que rapporté par un partenaire) est l’un des facteurs prédictifs les plus importants de la violence domestique subie par une femme.
Gestion des catastrophes et des risques
- Les inégalités de genre existantes et les besoins uniques des femmes ont des conséquences sur la capacité différentielle des Haïtiens à se relever des catastrophes par genre, ce qui perpétuent et aggravent encore davantage ces inégalités. Les inégalités de genre pour ce qui est des opportunités économiques, l’accès limité aux informations, l’implication limitée dans les politiques publiques de gestion de désastres ainsi que leur capacité à prendre des décisions peuvent mettre les femmes dans une position de grande vulnérabilité face aux désastres.
- Tandis que le travail payé devient moins accessible, le travail non rémunéré peut augmenter lors des situations catastrophiques. Les tâches quotidiennes confiées aux femmes telles que prendre soin des personnes âgées, s’occuper des enfants et apporter de l’eau deviennent plus difficiles à accomplir en temps de crise.
- Les catastrophes risquent d’exposer les femmes et les filles à la violence sociétale et familiale. Des données récentes d’Haïti montrent que la violence familiale et l’insécurité généralisée ont augmenté ces dernières années. Les femmes et les filles sont aussi exposées à la violence de genre pendant les distributions d’aide et dans les abris d’urgence où elles sont vulnérables en raison de rapport de force déséquilibrée ainsi que l’incapacité de se séparer physiquement d’hommes abusifs.