Djibouti est l’un des plus petits pays d’Afrique, avec une superficie de 23 200 km² et une population estimée à 1 066 000 habitants. La taille de son économie limite sa capacité à diversifier sa production et accentue sa dépendance aux marchés extérieurs, la rendant plus vulnérable aux chocs exogènes et entravant son accès aux financements extérieurs. Avec moins de 1 000 km² de terres arables (0,04 % de sa superficie totale) et une pluviométrie annuelle moyenne de 13 mm, Djibouti dépend largement des importations pour couvrir ses besoins alimentaires.
La principale force du pays réside dans son emplacement stratégique, à l’entrée sud de la mer Rouge, qui en fait un point de jonction entre l’Afrique et le Moyen-Orient. Situé à proximité de certaines des routes maritimes les plus fréquentées au monde, Djibouti accueille des bases militaires de plusieurs pays – Chine, France, Italie, Japon, États-Unis, OTAN, entre autres – engagés dans les efforts internationaux de lutte contre la piraterie.
L’économie de Djibouti s’est nettement accélérée au second semestre 2024, portée par une hausse remarquable de l’activité portuaire qui a placé le pays au centre d’un paysage commercial mondial en pleine reconfiguration. Les opérations portuaires ont progressé de 31,4 % par rapport à l’année précédente, sous l’effet d’un bond de 239,5 % des volumes de transbordement, les compagnies maritimes ayant contourné la mer Rouge en raison de l’instabilité régionale. Cette réorientation du trafic maritime, au profit de routes plus longues mais jugées plus sûres autour du continent africain, a renforcé le rôle du port de Djibouti comme plaque tournante du commerce entre l’Asie et l’Europe.
En conséquence, les prévisions de croissance du PIB pour 2024 ont été revues à la hausse, atteignant 6 %, un taux légèrement supérieur aux estimations précédentes. Toutefois, cette dynamique pourrait s’avérer temporaire. Si la situation sécuritaire venait à se stabiliser et les voies maritimes de la mer Rouge à rouvrir, Djibouti pourrait connaître un recul soudain de son activité portuaire, avec des répercussions sur l’ensemble de son économie.
Malgré le maintien de prix élevés de l’énergie, la production et la consommation intérieures ont fait preuve de résilience, enregistrant des hausses respectives de 3,8 % et 7,0 % au deuxième trimestre 2024, ce qui laisse entrevoir des gains d’efficacité. En revanche, le secteur de la construction s’est contracté de 21 %, freiné par des goulets d’étranglement persistants dans les chaînes d’approvisionnement.
Sur le plan de l’inflation, Djibouti a réussi à contenir les pressions sur les prix, en partie grâce à l’arrimage de sa monnaie au dollar américain. L’inflation moyenne s’est établie à 2,2 % en 2024, portée principalement par une hausse modérée des prix des denrées alimentaires et de l’énergie. La croissance économique a également contribué à la réduction de la pauvreté : la part de la population vivant en dessous du seuil international de pauvreté est passée de 19,1 % en 2017 à 15,5 % en 2023, et devrait encore reculer à 14,5 % en 2024. Toutefois, le taux de pauvreté reste élevé lorsqu’il est mesuré selon les seuils applicables aux pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, atteignant 35,5 %.
Les finances publiques ont connu une amélioration notable. Après un déficit budgétaire de 3,3 % du PIB en 2023, le solde est passé à un excédent de 0,2 % en 2024, grâce à une maîtrise des dépenses et à l’augmentation des recettes générées par l’activité portuaire. Néanmoins, la dette publique reste élevée, dépassant 60 % du PIB, principalement en raison de l’endettement des entreprises publiques. Les arriérés extérieurs, quant à eux, représentent 2,8 % du PIB. Sur le plan externe, la balance commerciale est devenue excédentaire, affichant un solde positif de 10,1 %, soutenu par des performances solides en matière d’exportations et de transbordement. Cependant, les réserves de change ont diminué, en raison des remboursements continus de la dette, et leur couverture de la masse monétaire est restée inférieure au seuil de 100 %, atteignant 72,9 % en septembre 2024. Cette situation souligne la nécessité d’un suivi étroit du régime de caisse d’émission.
Les perspectives à moyen terme demeurent globalement favorables, bien que des risques persistent. Le recul attendu des prix du pétrole et des métaux devrait compenser partiellement l’incertitude entourant les politiques commerciales mondiales, soutenant une légère hausse de la croissance du PIB en 2025 par rapport aux prévisions d’automne. À plus long terme, la croissance devrait se stabiliser autour de 5 % en moyenne sur la période 2026-2027, portée par l’essor des revenus logistiques, les réexportations vers l’Éthiopie, et les investissements dans les infrastructures du port de Damerjog et de la zone de libre-échange DDID.
Toutefois, d’importants risques subsistent. La forte dépendance de Djibouti vis-à-vis du commerce avec l’Éthiopie et de la stabilité régionale rend l’économie vulnérable aux chocs extérieurs, notamment en cas de perturbations prolongées dans la mer Rouge, d’afflux de réfugiés, de redirection des flux commerciaux vers le port de Berbera au Somaliland, ou de retards dans la mise en œuvre des réformes fiscales nécessaires. Alors que Djibouti continue de tirer parti de son essor actuel, le principal défi à long terme reste de pérenniser cette croissance dans un environnement géopolitique en constante évolution.