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Repenser les villes ivoiriennes



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Abidjan.

© Taleb Ould Sid'ahmed/World Bank

LES POINTS MARQUANTS
  • Ces dernières années, l’urbanisation s’est accélérée dans les grandes villes ivoiriennes, tandis que les petites villes manquent toujours d’infrastructures de base
  • Les coûts de transport à l’intérieur de la Côte d’Ivoire sont parmi les plus élevés au monde
  • Une étude de la Banque mondiale analyse les enjeux d’urbanisation et préconise une approche intégrée pour relier les villes ivoiriennes entre elles et au reste de l’Afrique

ABIDJAN, le 22 septembre 2016 L’effervescence qui règne tous les matins aux heures de pointe sur le nouveau pont Henri Konan Bédié, qui relie les parties nord et sud d'Abidjan, témoigne du dynamisme de l’économie ivoirienne. Après plus de dix ans de crise politique, le pays affiche des taux de croissance très élevés (près de 9 % en 2015) qui le placent parmi les économies les plus compétitives d’Afrique selon les chiffres de la Banque mondiale.    

Construit en 2015 pour tenter de réduire les embouteillages, l'ouvrage symbolise aussi l’urbanisation galopante de la région du Grand Abidjan, qui abrite aujourd’hui 20 % de la population du pays, 80 % de ses emplois formels et 90 % des entreprises. Une urbanisation parfois anarchique du fait de l’absence de planification. Car si Abidjan a connu une explosion de sa population, les infrastructures indispensables au développement économique, à la protection de l’environnement et à la qualité de vie des citadins, font défaut. 


« La fréquence des embouteillages (3 heures par jour en moyenne) sur les grandes artères est insupportable. On nous parle de croissance inclusive, pourtant c’est seulement une seule commune à Abidjan qui bénéficie des bonnes routes et autoroutes, alors que nous, qui sommes de l’autre côté, souffrons chaque jour pour nous déplacer. »

Athanase Kouamé

Un habitant d’Abidjan

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Embouteillages à Abidjan.

© Taleb Ould Sid'ahmed/World Bank

« Avec un revenu national brut (RNB) par habitant de 1 450 dollars en 2013, la Côte d’Ivoire ambitionne de devenir un pays à revenu intermédiaire d’ici 2030, ce qui représente un énorme défi », constate Souleymane Coulibaly, chef de programme, économiste en chef pour l’Afrique centrale à la Banque mondiale et principal auteur d’une étude de la Banque mondiale intitulée L’Urbanisation diversifiéele cas de la Côte d’Ivoire.

« Pour atteindre un RNB de 4 100 dollars par habitant, correspondant à celui d’un pays à revenu intermédiaire, il faudra que le pays enregistre des taux de croissance annuels de 10 %. Il  devra donc bien gérer et rationaliser son urbanisation pour atteindre son objectif, les villes étant des moteurs de croissance. »

Comme le constate l’étude de la Banque mondiale, trois types de villes maillent le territoire ivoirien :

  • les grandes villes, telles qu’Abidjan, San Pedro et Yamoussoukro (appelées connecteurs globaux), disposent d’un fort potentiel économique, offrent un environnement propice à l’innovation et pourraient être compétitives sur les marchés internationaux si des infrastructures modernes, de niveau international y étaient construites ;
  • Les villes régionales (ou connecteurs régionaux) indispensables aux échanges commerciaux, relient les grandes villes ivoiriennes aux autres villes d’Afrique de l’Ouest (telles que Lagos, Accra, Ouagadougou et Monrovia) par des corridors de transports routiers et ferroviaires. Il s’agit notamment de Bouaké et de Korhogo ;
  • Enfin, les petites villes (ou connecteurs locaux) concentrent l’essentiel de la production agricole et jouent un rôle crucial dans ce pays où le secteur agricole reste le premier employeur.

Si ces trois types de villes ne sont pas confrontés aux mêmes défis en matière d’urbanisation, les auteurs de cette étude insistent sur leur complémentarité. Le rapport de la Banque mondiale constate en effet que l’urbanisation ne se limite pas à l’expansion d’une seule grande ville au sein d’un pays. Il faut au contraire relier les villes ivoiriennes entre elles et avec le reste de l’Afrique pour les rendre plus dynamiques, productives et compétitives. Il est tout aussi impératif de répondre aux défis environnementaux qui nuisent au quotidien des Ivoiriens et réfléchir aux moyens de financer les projets d’aménagements urbains.

Pour les grandes villes, la priorité est de trouver des solutions de rattrapage (associant les pouvoirs publics et une dynamique citoyenne), notamment en matière d’assainissement et de collecte des déchets.

À Abidjan, par exemple, ce sont les transports et l’environnement qui posent le plus de difficultés. Même si le gouvernement a entrepris de nombreux travaux publics pour développer les infrastructures routières, les quartiers très populaires de Yopougon et Abobo manquent cruellement de transports publics pour rejoindre les quartiers professionnels du Plateau, de Cocody ou encore de Treichville, qui concentrent la majorité des emplois. Ce sont les populations les plus pauvres qui en pâtissent, se trouvant de fait isolées et n’ayant pas accès aux emplois formels.

« La fluidité routière n’est désormais qu’un lointain souvenir », déplore Athanase Kouamé, assis à bord d'un taxi intercommunal bloqué dans un embouteillage, « la fréquence des embouteillages (3 heures par jour en moyenne) sur les grandes artères est insupportable. On nous parle de croissance inclusive, pourtant c’est seulement une seule commune à Abidjan qui bénéficie des bonnes routes et autoroutes, alors que nous, qui sommes de l’autre côté, souffrons chaque jour pour nous déplacer. »

Toutes les villes ivoiriennes sont également confrontées à d’importantes difficultés environnementales liées à la gestion des eaux usées et au traitement des déchets solides. Par exemple, à Abidjan, le ramassage des ordures ménagères ne peut être assuré pour 40 % des habitations de la ville car de nombreuses rues sont trop étroites pour laisser passer les camions benne. Conséquence ? De nombreux déchets sont déversés de manière anarchique dans la ville et dans la lagune qui est aujourd’hui extrêmement polluée alors qu’elle pourrait être une zone d’attractivité économique et touristique avec de nombreux espaces verts. Ces problèmes de pollution sont également à l’origine de nombreuses maladies telles que le choléra, la fièvre typhoïde et le paludisme.

Plus généralement, l’étude souligne que la fourniture irrégulière d’électricité dans les villes ivoiriennes contraint de nombreux ménages et entreprises à utiliser d’autres sources d’énergie très polluantes. Les entreprises se tournent par exemple souvent vers les générateurs diesel qui polluent deux fois plus que les centrales à gaz. Et les ménages ont recours aux combustibles solides pour s’éclairer et cuisiner.

Le rapport s’inquiète également des coûts de transport à l’intérieur de la Côte d’Ivoire qui sont parmi les plus élevés au monde, notamment le long des couloirs régionaux, relais indispensables aux échanges commerciaux avec le reste de l’Afrique.Les frais d’obtention de licences, d’assurance, de péages et les paiements aux barrages routiers sont en partie responsables de ce problème.

Enfin, du côté des petites villes, qui abritent les grandes zones de production agricole, l’étude insiste sur le fait que le manque d’infrastructures de bases (notamment en matière d’assainissement) et d’infrastructures routières, pour les relier aux lieux de stockage ou de transformation et pour diversifier ainsi le secteur primaire, représente un frein majeur. Les auteurs de cette étude encouragent le pays à exploiter les innovations récentes dans le domaine des technologies de l’information et de la communication (TIC), en se reposant notamment sur l’expertise d’universités ivoiriennes telles que l’Institut national polytechnique de Yamoussoukro. Les opportunités offertes par les TIC sont en effet innombrables. Elles peuvent par exemple aider à mieux coordonner l’offre et la demande de services de transports pour les rendre plus efficaces ; fournir des informations susceptibles d’orienter les décideurs publics en matière de planification urbaine, notamment en recueillant et analysant des données pour prévenir les déséquilibres dans la répartition des populations sur le territoire. Les TIC peuvent également sensibiliser la population et l’inciter à changer de comportement, surveiller la qualité de l’air et prévenir les risques d’inondations.

Enfin, la Côte d’Ivoire doit achever la décentralisation de l’investissement public local pour que les collectivités puissent fournir de meilleurs services urbains aux populations. Cela nécessitera dans un premier temps, une réforme des transferts financiers de l’État aux collectivités locales pour les rendre plus prévisibles et faciliter ainsi les dépenses d’investissement des communes. Dans un second temps, des solutions novatrices devront être mise en place pour accroître les ressources financières des collectivités locales afin qu’elles puissent pleinement bâtir à terme, des villes dynamiques, interconnectées, respectueuses de leurs environnement et soucieuses du bien-être de leurs habitants.  


Contacts

Abidjan
Taleb Ould Sid'ahmed
Chargé de communication
Banque Mondiale
01 BP. 1850
Abidjan 01, Côte d’Ivoire
(225) 22 400 407
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