BRAZZAVILLE, 15 mars 2023 – La Banque mondiale a publié aujourd’hui son dernier Mémorandum économique pour la République du Congo, intitulée La voie de la prospérité pour la République du Congo : Mettre en place les fondations de la diversification économique.
Voici ce qu’il faut en retenir :
1. Une économie dominée par le secteur pétrolier
La structure de l’économie congolaise n’a globalement pas évolué au cours des quinze dernières années. Elle repose principalement sur le secteur des hydrocarbures, qui représente environ 42 % du PIB, 80 % des exportations et 60 % des recettes intérieures. Deuxième secteur d'activité de l'économie, les services contribuent à 33 % du PIB, tandis que la part de l’agriculture, de la sylviculture et de la pêche se chiffre à 6 %, et celle du secteur manufacturier, essentiellement constitué de petites entreprises, s’élève en moyenne à 6,5 % du PIB.
Malgré son rôle prépondérant dans l’économie et le tissu industriel du pays, le secteur du pétrole n’emploie que 20 % de la main-d’œuvre. Environ 75 % des actifs (notamment la plupart des jeunes) sont employés dans le secteur informel, où ils travaillent pour leur propre compte ou occupent des emplois à faible productivité.
En outre, le modèle économique actuel du Congo, qui dépend du pétrole, ne parviendra pas à générer une croissance durable et des emplois productifs à l’avenir, en raison de l’épuisement prévu des réserves du pays et de la transition mondiale vers une économie décarbonée. Le nouveau rapport vient contribuer au programme de diversification poursuivi par le gouvernement en recensant les politiques et réformes clés pour jeter les bases d’un développement plus diversifié qui permettra de soutenir la croissance à long terme, d’augmenter la productivité et d’améliorer les conditions de vie de la population congolaise.
Le secteur des hydrocarbures occupe une place prédominante dans l’économie mais offre relativement peu de perspectives d’emploi
2. Une productivité du travail faible et en recul
Le Congo affiche une productivité du travail plus faible, et de surcroît en baisse, par rapport à des pays comparables, ce qui limite sa croissance économique. La baisse de la productivité du travail entraîne un recul du revenu par habitant et une augmentation de la pauvreté. En 2021, 52 % de la population vivait sous le seuil international de pauvreté (2,15 dollars par jour), contre un taux de 33 % en 2014.
La prospérité dépend en grande partie de l’augmentation de la productivité du travail, dans la mesure où l’accroissement de la productivité est le principal moteur d’une croissance durable du revenu et de la réduction de la pauvreté. Le rapport analyse la productivité du travail en s'appuyant sur des données collectées à l’échelon des entreprises — une initiative sans précédent au Congo — et plus particulièrement dans le secteur non pétrolier. Il en ressort que le travailleur moyen au Congo doit travailler 2,6 fois plus longtemps pour produire le même résultat qu’un travailleur dans un pays comparable. En 2019, la productivité globale du travail, telle que mesurée par la valeur ajoutée par travailleur, n’atteignait que 4 500 dollars au Congo, contre une moyenne de 6 200 dollars dans les pays comparables de la région.
Pour accroître sa productivité, le Congo doit s’attacher en priorité à réduire les distorsions qui entraînent une mauvaise allocation des ressources entre les entreprises et faire en sorte que les facteurs de production soient orientés vers les entreprises les plus productives. Ces politiques devraient en outre se concentrer sur le secteur des services, où la chute de la productivité est la plus marquée.
Évolution de la productivité du travail par rapport à 2005 (%)
Source: WDI and World Bank Staff Calculations. June 2022.
3. Booster la productivité grâce à la concurrence
La concurrence constitue un moteur essentiel pour stimuler la productivité à long terme et le développement du secteur privé. Au Congo, l’État joue un rôle important dans l’économie en raison du poids des entreprises publiques dans les secteurs de l’énergie, des transports, de la banque et de la santé. Dans d’autres secteurs, les premières avancées prometteuses sur la voie de la libéralisation des marchés se sont enrayées au cours de la dernière décennie. Le marché des télécommunications, par exemple, ne comptait plus en 2020 que deux opérateurs. Le manque de concurrence se reflète dans le déclin de la croissance des abonnements à la téléphonie mobile (voir graphique ci-dessous).
Le rapport recommande des mesures visant à améliorer l’entrée sur le marché de nouveaux acteurs du secteur privé et à garantir des règles du jeu équitables pour les opérateurs privés et publics, ainsi qu’à moderniser la réglementation de la concurrence et à créer une autorité nationale indépendante en la matière.
Il préconise également de promouvoir une réglementation favorable à la concurrence dans des secteurs clés comme l’électricité et les télécommunications, qui sont essentiels pour le fonctionnement efficace d’autres industries et cruciaux pour l’économie numérique, dont le développement est considéré comme prioritaire par le Congo au regard de ses objectifs de diversification et de croissance économiques. Le manque de services d’électricité fiables nuit à la productivité des entreprises et, malgré des tentatives passées de réforme, le secteur de l’électricité reste entravé par des problèmes de coordination et de supervision qui découragent l’investissement privé. De même, malgré de récents investissements dans la fibre optique, le secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC) souffre d’un manque d’infrastructures et du coût élevé des services internet, ce qui limite aussi la productivité des entreprises congolaises.
La pénétration de la téléphonie mobile a marqué le pas après une décennie de forte augmentatiose
Source: ITU/ICT Database. June 2022.
4. Compétitivité commerciale
Le commerce international peut contribuer à accélérer la croissance et à améliorer le niveau de vie. Le commerce extérieur congolais est actuellement très limité, tant en termes de produits (pétrole et minerais essentiellement) que de marchés d’exportation (Asie de l’Est principalement). Les secteurs du gaz naturel et de l’agriculture offrent au Congo une possibilité immédiate de diversification de ses exportations. Ses réserves prouvées de gaz naturel sont les cinquièmes les plus vastes en Afrique subsaharienne et elles sont encore largement inexploitées. De même, le pays dispose d’un stock important de terres arables non cultivées et reste de ce fait un importateur net de produits alimentaires.
Afin de soutenir la diversification de ses exportations, le Congo devrait réduire les droits de douane, renforcer la transparence réglementaire et accélérer la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Il devrait également redoubler d’efforts en vue d’une plus grande intégration dans les chaînes de valeur mondiales. Ce qui suppose d’accroître l’attractivité du pays pour les investissements étrangers, d’améliorer l’accès au crédit, d’éviter une réglementation trop rigide du marché du travail, d’améliorer l’accès aux intrants, de réformer les douanes et d’investir dans les ports et les routes, ainsi que dans la connectivité numérique. Il s’agit de mesures essentielles pour tirer parti des retombées de la ZLECAf.
Les exportations du Congo sont fortement concentrées dans le pétrole et les minerais
Source: World Bank Staff Calculations using data from BACI (CEPII). June 2022.
5. Logistique et écotourisme
Le rapport examine deux secteurs clés en rapport avec le commerce et susceptibles de contribuer de manière significative à la croissance des exportations et à la diversification économique, à savoir la logistique (autrement dit la facilitation des échanges) et l’écotourisme.
L’amélioration de l’efficacité des processus logistiques pourrait réduire les coûts des échanges, notamment pour les principales importations, et accroître les exportations de marchandises. Il faudrait pour cela examiner de près les contrats de partenariat public-privé et adopter un système informatique unifié pour le commerce maritime.
L’écotourisme, un secteur au potentiel considérable et encore inexploité au Congo, pourrait apporter une impulsion notable à la création d’emplois, au développement rural et aux exportations de services. Son développement repose notamment sur l’amélioration de la réglementation et l’allocation de ressources en faveur de la protection du patrimoine naturel, sur le renforcement des organismes de réglementation et de contrôle, et sur l’expansion des infrastructures de transport et des efforts de marketing.
La performance du Congo en matière de logistique s’améliore mais le pays reste à la traîne par rapport à ses pairs
Source: World Bank. June 2022.