Défis
Depuis une dizaine d’années, face notamment aux difficultés auxquelles se heurtent les institutions locales dans plusieurs pays qui se remettent des crises politiques ou économiques de la fin des années 1990, le développement conduit par les communautés s’impose comme une stratégie opérationnelle de premier plan pour assurer la prestation des services. Bon nombre de gouvernements nationaux sont séduits par ses principes de responsabilisation des décideurs locaux et de prise de contrôle direct des ressources par les groupes communautaires. À ce jour, quelque 105 pays membres de la BIRD et de l’IDA ont lancé des projets reposant sur cette approche, signe s’il en est de la nécessité grandissante d’adapter les politiques à la spécificité des contextes, de renforcer les institutions locales et d’encourager une plus grande appropriation des actions de développement dans les communautés visées, qui en deviennent ainsi les soutiens. Si le potentiel et les avantages des approches de développement communautaires sont assez largement reconnus, celles-ci présentent néanmoins des limites et des difficultés auxquelles il faut s’atteler pendant les phases de conception et de mise en œuvre des projets concernés.
- Il faut développer de nouveaux modèles d’appui à la mise en œuvre pour accompagner le développement à grande échelle des programmes de développement conduit par les communautés. Alors que les projets de première génération concernaient souvent des opérations de faible portée menées en dehors des dispositifs gouvernementaux formels, les programmes actuels de deuxième et troisième générations ont souvent une envergure régionale ou nationale. Les besoins en expertise sectorielle à l’appui de ces programmes, flexibles par essence, se diversifient sous l’effet de la nécessaire adaptation à des besoins locaux grandissants. Les instruments opérationnels ne se résument plus uniquement à des prêts à l’investissement, avec l’apparition de prêts-programmes évolutifs (Sri Lanka, Malawi, Bénin), de prêts à l’appui des politiques de développement (Viet Nam) et, plus récemment, de prêts-programmes axés sur les résultats (Maroc). Par ailleurs, les ressources apportées par la Banque mondiale à bon nombre de ces programmes ne représentent qu’une fraction des budgets qui leur sont alloués par les gouvernements concernés. On voit par là que le rôle du financement et de l’assistance de la Banque mondiale évolue vers une forme de soutien à la mise en œuvre nettement plus axé sur une assistance technique visant à renforcer les systèmes (nationaux) de gouvernance locale et qui impose l’adoption d’un nouveau modèle privilégiant la consolidation des institutions.
- Malgré les obstacles persistants, il faut démultiplier l’impact des programmes sectoriels grâce au développement communautaire et les aligner sur les politiques officielles de décentralisation. Avec le changement d’échelle des programmes de développement communautaire, l’obligation d’assurer une convergence entre programmes sectoriels et réformes de la décentralisation devient de plus en plus pressante. Dans un scénario optimal, ce type de programme peut servir de tremplin pour le développement local, à même de contribuer à l’amélioration du ciblage, de la rentabilité, de la qualité des services et, globalement, de la responsabilité sociale des programmes sectoriels. Il peut aussi contribuer à l’enracinement des principes de transparence, de redevabilité et de participation dans tous les rouages du système infranational de gouvernance, à condition cependant d’être porté par des environnements et des réformes politiques favorables, notamment en matière de décentralisation budgétaire.
- Il faut améliorer les systèmes de suivi-évaluation et d’apprentissage. Comme pour d’autres secteurs, des systèmes efficaces de suivi-évaluation sont indispensables pour collecter des informations utiles en appui à une gestion adaptative et un apprentissage permanent, surtout lorsque les projets et les programmes sont transposés à plus grande échelle. L’éclatement des réalisations conjugué à la multitude d’activités et de transactions liées à un projet de développement communautaire peut compliquer l’introduction d’un système fiable de gestion de l’information capable de collecter des données de base afin, ensuite, de procéder à des analyses en temps utile pour fournir aux responsables des éléments d’appui à la décision. De plus, et même si les évaluations d’impact de ces projets se sont multipliées depuis dix ans, elles restent encore rares. Il faudra à l’avenir accorder plus d’attention à cet aspect, afin de constituer une base d’informations plus riche.
Solution
Depuis dix ans, la Banque mondiale a développé son portefeuille de prêts aux programmes de développement conduit par les communautés afin d’aider les populations locales à prendre en mains leur développement. Cette approche a permis d’appuyer un large éventail de besoins locaux de développement et de prestations de services, identifiés par les communautés elles-mêmes, qu’il s’agisse de la remise en état des réseaux d’eau et d’assainissement, de la construction d’écoles et de dispensaires, de programmes de nutrition pour les mères et leurs nourrissons, de création de routes rurales ou de soutien aux moyens de subsistance et aux micro-entreprises. Des programmes de développement communautaire autonomes et de faible portée ont progressivement pris plus d’ampleur pour couvrir un territoire plus vaste (parfois le pays entier) et sont devenus des volets à part entière des stratégies officielles de décentralisation. De plus en plus, les pays clients de la BIRD sollicitent son appui financier pour développer des approches de développement communautaire en milieu urbain, afin de construire des villes socialement plus résilientes. Ainsi au Brésil, le projet de développement urbain et d’insertion sociale de Recife contribue à la rénovation des bidonvilles dans le bassin du fleuve Capibaribe et promeut un développement régional intégré et durable, reposant sur la participation active de toutes les parties prenantes.
Le développement conduit par les communautés a aussi fait la preuve de son efficacité lors de catastrophes naturelles. Les communautés sont en général les premières à réagir dans une telle situation et leur participation et leur engagement actif dans les phases de planification et de réalisation des projets sont deux facteurs clés de succès de nombreuses initiatives de gestion des catastrophes financées par la Banque mondiale. À la suite des inondations qui ont frappé le Pakistan en 2010, le deuxième projet du Fonds de réduction de la pauvreté a permis de réagir rapidement à cette tragédie et de faciliter les relations entre les organisations partenaires venues apporter leur soutien. La Banque mondiale a largement soutenu les travaux postérieurs de remise en état, en accordant notamment 125 millions de dollars de transferts monétaires à 1,4 million de familles victimes de la catastrophe.
Comme l’évoquait le Rapport sur le développement dans le monde 2011 sur le thème « Conflits, sécurité et développement », l’approche de développement communautaire s’est également imposée comme une stratégie opérationnelle privilégiée dans les situations fragiles et post-conflit, où les États manquent à la fois de légitimité et de capacités. Des opérations de ce type ont permis d’assurer la reconstruction de l’économie, de soutenir la constitution d’alliances locales, de tisser des liens plus étroits entre l’État et les citoyens à l’échelon local et de renforcer la cohésion sociale dans plusieurs pays, notamment en Afghanistan, en Angola, au Burundi, au Népal, au Soudan et au Timor-Leste.