Les ressources affectées aux programmes de protection sociale sont trop limitées pour avoir un réel impact sur la réduction de la pauvreté au Cameroun
YAOUNDÉ, le 28 janvier 2013 – La reprise économique au Cameroun continue. Après avoir progressé de quelque 4 pourcent en 2011, l’activité économique devrait continuer son expansion et croître à près de 5 pourcent en 2012, a annoncé la Banque mondiale aujourd'hui. Les moteurs de cette croissance demeurent l’agriculture, la construction, et l’industrie des services, avec pour différence importante cette année, une production pétrolière également à la hausse. Cette croissance économique demeure cependant insuffisante pour améliorer d’une façon visible le quotidien des Camerounais.
Intitulée «Réduire la pauvreté, la vulnérabilité et les risques – Numéro spécial sur les filets de protection sociale », cette cinquième édition des Cahiers Économiques du Cameroun, une publication semestrielle du Bureau de la Banque mondiale au Cameroun, dresse la situation macro-économique et présente un dossier spécial sur les filets de protection sociale au Cameroun. Le terme «filets de protection sociale» est circonscrit dans l’enquête comme étant des programmes de transfert non contributifs au profit de personnes pauvres ou vulnérables, à l’instar de programmes de transferts monétaires ou de cantines scolaires, de travaux publics ou d’aide en nature.
La pauvreté au Cameroun n’a pas reculé, et a même plutôt augmenté dans les régions les plus pauvres. L'insécurité alimentaire constitue également un problème dans ces régions. Or, le Cameroun dispose d’une pléthore de programmes de protection sociale ponctuels et limités, qui ne sont pas conçus d’une manière appropriée pour s’attaquer ni à la pauvreté chronique ni à la pauvreté temporaire.
En termes de résultats, « nos analyses ont fait ressortir un point important qui est que pour l’instant, les ressources affectées à ces programmes de protection sociale au Cameroun sont trop limitées pour avoir un réel impact, et l’essentiel de ces ressources est consacré à des interventions d’urgence », a expliqué Raju Jan Singh, l’économiste en chef de la Banque mondiale pour l’Afrique Centrale et coordonnateur des Cahiers Économiques. Selon lui, « les données les plus récentes montrent que le Cameroun alloue 0,2 % de son PIB aux filets de protection sociale — un des pourcentages les plus bas d’Afrique — alors que les pays à faible revenu et les pays à revenu intermédiaire moyens y consacrent respectivement des ratios sept et dix fois plus élevés ».
Un nombre croissant de données recueillies dans les pays africains montrent que les filets de protection sociale réduisent directement la pauvreté et la vulnérabilité chroniques, puisqu’ils permettent aux ménages pauvres de satisfaire leurs besoins essentiels de consommation, de protéger leur patrimoine et d’obtenir de meilleurs résultats sur les plans de la santé, de la nutrition et de l’éducation. Les données disponibles montrent que lorsqu’ils sont bien conçus, les filets de protection sociale protègent les populations et viennent compléter les politiques de stabilisation économique. Une fois en place, ils constituent également une part essentielle de la capacité des pouvoirs publics à faire face aux chocs. En période de prospérité, ils peuvent efficacement protéger les pauvres et leur offrir des opportunités. En temps de crises, ils peuvent être étendus aux personnes affectées.
En effet, les filets de protection sociale accroissent les actifs productifs des ménages et améliorent leurs perspectives de revenu en renforçant leurs compétences et en leur permettant de s’engager dans des activités plus risquées et plus rentables. Ils contribuent au développement de l’économie locale en stimulant les marchés locaux par des transferts monétaires et en créant des infrastructures de proximité. L’enquête a noté que peu d’éléments tendent à montrer que les transferts monétaires incitent les gens à ne pas travailler. Plutôt, les bénéficiaires de ces transferts utiliseraient l’argent reçu pour créer des possibilités d’emploi et trouver du travail. « Ces programmes ont permis de financer le billet de bus ou la chemise propre permettant de décrocher un emploi. Ces programmes ont permis de financer l’acquisition de nouvelles qualifications. Ces programmes ont permis d’investir dans du petit bétail. Partout en Afrique, ces programmes ont démontré leur capacité à permettre aux bénéficiaires de devenir des membres productifs de leur communauté », a ajouté Raju Jan Singh.
En termes d’alternative, «le Cameroun a besoin d’une stratégie de protection sociale cohérente pour combattre efficacement la pauvreté chronique et l’insécurité alimentaire. Cette stratégie devrait recenser les risques et les vulnérabilités, et concevoir des dispositifs et des programmes qui en tiennent compte. Elle devrait définir des groupes prioritaires susceptibles de bénéficier des programmes de protection sociale. Des techniques de sélection adéquates devraient aussi être mises au point pour assurer la participation des personnes nécessiteuses », a souligné Gregor Binkert, directeur des opérations de la Banque mondiale pour le Cameroun.
Les Cahiers économiques visent à partager les connaissances et susciter un dialogue entre ceux qui cherchent à améliorer la gestion économique du Cameroun et à libérer l’énorme potentiel économique du pays. Ils proposent donc une autre source d’information sur l’économie camerounaise et une plateforme additionnelle pour encourager l’interaction, l’apprentissage et le changement. A travers cette publication périodique, la Banque mondiale analyse l’évolution et les contraintes économiques du Cameroun.