Des déserts d’Arabie saoudite sous la neige.
Une sécheresse au Maroc qui détruit la moitié de la récolte de blé.
Des records de température en été au Koweït, le mercure grimpant à 54 °C.
Avec le changement climatique, ces événements météorologiques extrêmes constituent la nouvelle normalité dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA). Les températures, en hausse partout, augmenteront encore plus vite dans les pays de la région MENA. Cette région, qui est déjà la plus chaude et la plus sèche du monde, connaîtra des conditions climatiques toujours plus rudes.
Actuellement, un habitant de la région a accès à moins de 1 000 m3 de ressources hydriques renouvelables, contre 4 300 m3 dans les pays de l’Asie de l’Est et du Pacifique et 9 000 m3 aux États-Unis. Des demandes concurrentes — agriculture, démographie et urbanisation rapide — exercent des pressions incroyables sur les ressources hydriques de la région, qui n’en a guère.
Le changement climatique ne fera qu’aggraver la situation. La raréfaction des précipitations et l’allongement des périodes de sécheresse feront que la région aura de plus en plus de mal à satisfaire les plus élémentaires besoins en eau.
Avec une hausse des températures de 2 °C, la région MENA devrait voir disparaître entre 20 et 40 % de ses précipitations. La pénurie grandissante d’eau aura un prix économique, estimé entre 6 et 14 % de croissance d’ici 2050. Mais tous les pays ne seront pas logés à la même enseigne, les plus pauvres et les plus dépendants de l’agriculture souffrant davantage. Les communautés les plus démunies ont moins de moyens pour affronter les conséquences du changement climatique et seront donc les plus éprouvées.
Le recul de l’agriculture renforcera le chômage en milieu rural, nourrissant un exode massif vers des villes surpeuplées. Les zones urbaines connaîtront une aggravation des vagues de chaleur ainsi que des épisodes de pollution atmosphérique ou de nuages de poussière provoqués par la dégradation des sols et la désertification. À Amman, les records de température diurne devraient se multiplier, passant d’une moyenne de quatre jours par an à plus de 62. Enfin, l’élévation du niveau de la mer aggravera les phénomènes d’inondation le long des côtes et dans les deltas, des régions qui connaissent une urbanisation rapide. Sans oublier la dégradation de la qualité de l’eau potable et d’irrigation, avec la salinisation des nappes phréatiques du littoral.
Conscients des dangers, les pays de la région ont commencé à s’organiser pour protéger les habitants, les communautés et les moyens de subsistance. À l’exception de la Syrie, tous ont soumis un plan d’adaptation à cette nouvelle réalité climatique et de contribution à l’objectif de l’accord de Paris pour la réduction des émissions et le ralentissement du réchauffement.
Mais les défis sont colossaux. Pour affronter le changement climatique, c’est la société tout entière qui va devoir évoluer. Face aux risques et à l’obligation d’agir, le Groupe de la Banque mondiale a lancé un plan pour aider les pays à s’adapter aux phénomènes déjà visibles et à anticiper les changements à venir.
En appui à la mise en œuvre des plans nationaux, le Plan d’action climatique pour la région MENA entend pratiquement doubler la part des financements de la Banque mondiale dédiés à la lutte contre le changement climatique, ce qui équivaut à 1,5 milliard de dollars par an. Ce plan s’articulera autour de trois grands axes :
- garantir la sécurité alimentaire et hydrique ;
- permettre aux villes de gérer durablement les conséquences du changement climatique ; et
- réduire les émissions responsables du réchauffement, améliorer l’efficacité énergétique et investir dans des sources d’énergies renouvelables (solaire et éolien), diminuer la pollution liée aux industries, aux transports et aux déchets, piéger le carbone lié à l’activité agricole et investir dans l’agroforesterie et la préservation des forêts.
Les pauvres, particulièrement exposés aux aléas météorologiques, et les communautés (notamment sur les côtes) les plus menacées par la dégradation des sols et la désertification, puisque leur survie dépend d’écosystèmes fortement fragilisés, occuperont une place centrale dans ces initiatives.
« Nous disposons de nombreux leviers pour l’adaptation aux défis du changement climatique », déclare Hafez Ghanem, vice-président la Banque mondiale pour la Région MENA. « Consciente de la gravité de la menace qui pèse sur les pays de la région MENA, la Banque mondiale prend cinq engagements pour aider la région et ses habitants. » Concrètement, la Banque mondiale va :
- porter de 18 à 30 % la part de ses prêts en appui à l’action climatique ;
- renforcer fortement la part des prêts en faveur de mesures d’adaptation (28 % actuellement), comme la promotion de pratiques agricoles climato-intelligentes moins gourmandes en eau, la protection des sols et le piégeage du carbone ou la mise en place de filets sociaux pour aider ceux qui perdent leur emploi à la suite de phénomènes météorologiques extrêmes ;
- appuyer les réformes pour poser les jalons d’un avenir décarboné. Cela passe par des politiques d’incitation à la diversification économique, la transition vers des énergies vertes, l’amélioration du cadre de gestion des ressources naturelles et la suppression des subventions aux combustibles fossiles qui profitent davantage aux riches qu’aux pauvres et incitent à gaspiller l’énergie ;
- attirer les fonds privés. Les gouvernements et la Banque mondiale n’ont pas des moyens illimités. Des mécanismes comme les garanties d’investissement peuvent encourager les investisseurs privés à financer des énergies renouvelables ou des usines de dessalement ;
- appuyer l’action collective pour renforcer la sécurité autour d’enjeux transfrontaliers, à l’image de la gestion des eaux et de l’intégration des marchés de l’énergie.
Parallèlement au renforcement de la sécurité hydrique et alimentaire, la Banque promouvra des pratiques et des techniques agricoles qui, comme l’irrigation au goutte-à-goutte ou différentes formes d’adduction d’eau et d’assainissement, permettent de moins puiser dans les réserves aquifères mais aussi de gaspiller moins d’eau et d’en recycler davantage. Les premiers projets en Iraq et en Palestine, prévus pour 2017, contribueront à assurer une meilleure gestion de l’approvisionnement en eau dans les régions moins touchées par les conflits tout en améliorant la qualité et l’efficacité des services d’alimentation et de gestion des eaux usées.
En aidant les villes à devenir plus résilientes, la Banque s’efforcera de copier l’expérience réussie du Maroc pour la gestion du risque de catastrophe, grâce à l’introduction de systèmes d’alerte précoces, des infrastructures de protection contre les inondations et une assurance nationale contre les catastrophes. À Beyrouth, un projet de services de bus rapides sur des voies dédiées élargit le réseau actuel et diminue le recours aux voitures, ce qui améliore la qualité de l’air.
Cela fait des siècles que la région s’adapte aux caprices du climat. Mais les conséquences du changement climatique sur la pauvreté, qui s’aggrave, et le développement, qui régresse, sont beaucoup plus sévères qu’avant. Des solutions existent cependant. Pour les mettre en œuvre, les gouvernements doivent faire preuve de volonté et d’engagement, mobiliser des ressources, susciter des innovations et s’inspirer de pratiques à l’efficacité avérée testées ailleurs dans le monde. Ce nouveau plan va permettre au Groupe de la Banque mondiale de canaliser ses ressources et ses vastes connaissances au service de la région dans le but d’aider les plus vulnérables et de relever le défi du changement climatique.