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Un nouvel horizon pour les collectivités locales en Tunisie

20 octobre 2015


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Arne Hoel l World Bank

LES POINTS MARQUANTS
  • Avec le concours de la Banque mondiale, la Tunisie vient de lancer un programme de décentralisation visant à rendre aux échelons de gouvernement locaux la maîtrise de leur budget afin qu’ils puissent répondre aux besoins de leurs administrés.
  • Avec le concours de la Banque mondiale, la Tunisie vient de lancer un programme de décentralisation visant à rendre aux échelons de gouvernement locaux la maîtrise de leur budget afin qu’ils puissent répondre aux besoins de leurs administrés.

Quelles relations les Tunisiens entretiennent-ils avec leurs collectivités locales ?

Les chiffres parlent d’eux-mêmes.

Un sondage d’opinion effectué en 2014 dans une commune de taille moyenne à proximité de Tunis, la capitale, a mis en évidence un fossé béant :

  • À peine 4 % des ménages déclarent avoir reçu au moins une communication de la part de leur collectivité locale durant l’année passée ;
  • Quelque 35 % des ménages ignorent qui sont leurs conseillers municipaux ;
  • Plus de 64 % des ménages pensent que leurs conseillers ne sont pas là pour représenter leurs intérêts ;
  • 38 % des ménages déclarent ne pas payer leurs taxes et impôts locaux.

Cet éloignement et cette défiance entre les citoyens et les collectivités locales est un vestige de la forme de gouvernement extrêmement centralisée qui prévalait avant la réforme de 2011. Le gouvernement central détenait le monopole absolu des décisions économiques et politiques, et de nombreux Tunisiens se sentaient exclus et laissés pour compte. Il privait également les collectivités locales de tout pouvoir, et les régions loin des centres politiques et économiques n’avaient que de piètres services et quelques rares opportunités à offrir. Ce système a engendré des frustrations qui ont contribué aux manifestations à l’origine du Printemps arabe et du renversement du président Zine El Abidine Ben Ali.

Aujourd’hui, la Tunisie entend réformer ce système.

La nouvelle Constitution, adoptée l’année dernière, dessine un État décentralisé, dont les collectivités locales disposent de tous les pouvoirs nécessaires pour gérer leur budget et répondre aux besoins de leurs administrés. Toute la difficulté consiste désormais à traduire ce mandat en actions concrètes. Il faudra pour cela transformer les relations entre les citoyens et les collectivités locales.

La Banque mondiale a appuyé la Tunisie tout au long de son processus de transition, et conclu un partenariat avec les pouvoirs publics tunisiens. L’idée est de capitaliser sur l’élan produit par les récentes avancées politiques pour jeter les bases du changement social et économique. Dans le cadre de son programme d’engagement, la Banque appuie le Programme de développement urbain et de gouvernance locale du pays afin de favoriser la concrétisation de la promesse de décentralisation. Elle apporte également son concours aux travaux de recherche et d’analyse poussés entrepris en vue de l’élaboration de la nouvelle législation et des mesures qui seront nécessaires pour conférer une indépendance accrue aux collectivités locales (y compris des synthèses du Programme de développement urbain et de gouvernance locale, des études sur les disparités régionales, une étude de la décentralisation, une étude sur le financement des collectivités locales et une étude sur les disparités sur le marché du travail).

Maintenant que les collectivités locales sont prêtes à saisir leur nouveau mandat à-bras-le corps, il leur faut venir à bout de pratiques et de comportements enracinés depuis des années. La Banque s’attache désormais en priorité à aider les collectivités locales à introduire le changement et à tenir le cap. « Comment faire ? », demande Onur Ozlu, économiste senior spécialiste du développement urbain à la Banque mondiale et chef d’équipe du programme. « En offrant aux collectivités locales des incitations et des ressources financières en fonction de leurs résultats, d’un côté, et de l’autre en les aidant à renforcer leurs capacités et leurs institutions, ce dont elles ont grand besoin ».

Dans le cadre de ce programme, l’État a réformé le système de dotations, c’est-à-dire la manière dont les fonds de l’administration centrale sont distribués aux municipalités. Le système a gagné en transparence et en prévisibilité, et doit inciter à un changement de comportement. Si elles veulent obtenir les subventions, les collectivités locales doivent respecter l’ensemble de conditions minimales obligatoires qui a été défini.

Elles doivent notamment élaborer un plan annuel d’investissement qui précise comment les fonds seront dépensés, et que chaque municipalité rédigera dans le cadre d’une large concertation avec les citoyens. Ce nouveau système distribuera également les fonds d’un programme national de réhabilitation des quartiers populaires. Pour en bénéficier, les collectivités locales devront présenter une étude préliminaire de leurs projets en la matière, qui montre clairement l’implication des citoyens dans la sélection des projets.

Afin d’aider les collectivités locales à satisfaire aux conditions minimales obligatoires et à améliorer leurs performances, ce programme appuiera un plan de renforcement des capacités et des compétences. Ce renforcement des capacités conjugué aux incitations sera l’amorce du processus de changement. La réforme du système de dotations prévoit aussi l’introduction progressive d’une récompense supplémentaire pour bonnes performances. Une évaluation indépendante sera menée tous les ans afin de mesurer les avancées des collectivités locales sur la voie des nouveaux objectifs qui leur ont été assignés. Les plus performantes recevront des moyens supplémentaires. Encourager le changement au niveau local renforce non seulement les incitations mais aussi le sentiment de propriété des nouveaux systèmes, adaptés à la situation locale.

La mesure des performances s’attachera en particulier aux efforts qui sont déployés par les collectivités locales pour inclure et associer pleinement les citoyens. Ces efforts seront en effet essentiels dans l’instauration de cette nouvelle relation. Il faudra, en outre, trouver comment mettre les informations sur les décisions et la gestion budgétaire des municipalités à la disposition des citoyens. Il sera également impératif de donner aux citoyens les moyens de faire entendre leur voix. Le portail des collectivités locales, mis en place en juin 2015, constitue une première étape vers une plus grande transparence. Il donne au grand public accès à des données actualisées sur les transferts aux collectivités locales. En présentant des informations financières faciles à comprendre et en proposant un forum de discussion sur des questions allant de la gestion budgétaire aux services proposés, ce portail a pour objectif d’inciter les citoyens à participer.

Il est encourageant de constater que le sondage réalisé en 2014 semble indiquer que les citoyens souhaitent bâtir une nouvelle relation avec leurs collectivités locales, et sont prêts à s’impliquer dans une coalition pour le changement. Près des trois quarts des ménages ont fait savoir qu’ils souhaiteraient que leur municipalité leur communique davantage d’informations, en particulier sur le processus de planification et de budgétisation. De plus, 67 % d’entre eux ont déclaré qu’ils seraient prêts à payer davantage de taxes locales s’ils étaient certains que les services s’en trouveraient améliorés.



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