YAOUNDÉ, le 15 avril 2013. Une initiative en cours au Cameroun permet aux citoyens d’avoir leur mot à dire au sujet des dépenses des gouvernements locaux et responsabilise les agents du secteur public. Lancée en 2010, l’« Initiative pour la transparence budgétaire » permet aux collectivités locales, écoles et centres de santé des régions de l’Adamaoua et du nord-ouest de simplifier, analyser et rendre publiques les informations budgétaires.
Cette initiative expérimentale vise non seulement à informer les citoyens de l’utilisation des fonds publics mais aussi à améliorer leur participation à la prise de décision sur l’affectation des ressources à l’échelon local. Il s’agit aussi de susciter, chez les citoyens, une demande accrue de transparence et de responsabilisation.
Les résultats obtenus sont déjà importants. Par exemple, l’État a pu identifier des cas de mauvaise gestion des fonds à l’hôpital régional de Tubah et recouvrer l’équivalent de plus de 20 000 dollars de fonds détournés au lycée bilingue public de Bafut, dans la région du nord-ouest.
Grâce à la création de « clubs du budget » dans les établissements secondaires, les collégiens et lycéens se mobilisent pour une plus grande transparence et responsabilisation dans la gestion des affaires scolaires. Ces « conseillers financiers des usagers », comme les décrit le directeur du lycée technique public de Nkwen, défendent les intérêts de toutes les parties prenantes (parents, enseignants, personnel, étudiants, etc.) pour de meilleures performances.
Pour de multiples raisons, pourtant, il n’a guère été facile de convaincre les pouvoirs publics locaux, les écoles et les centres de santé de publier leur budget et de l’examiner avec les membres de la communauté. Tout d’abord, la société camerounaise ne dispose pas d’une réelle culture de la « responsabilisation ». C’est en tout cas l’avis d’Abakar Ahamat, gouverneur de l’Adamaoua, qui appelle de ses vœux à un changement : à ses yeux, un responsable public a « une obligation de transparence vis-à-vis des citoyens, vis-à-vis de lui-même et vis-à-vis de l’État ».
Les autorités publiques manifestent cependant une forme de soulagement après la publication de leurs budgets. « Ce processus de transparence m’a tranquillisé », confie Teuken Leon, directeur de l’école primaire publique du camp militaire de Bamenda. « Maintenant les enseignants ont connaissance du nombre de craies que je reçois dans le cadre du ‘paquet minimum’. Ainsi, quand on répartit les fournitures, le personnel a conscience qu’il doit les utiliser judicieusement, car tout le monde sait que la totalité des produits reçus a déjà été distribuée. »
Une meilleure gestion des affaires locales
Autre défi de taille : les responsables publics ne savaient pas comment impliquer les citoyens dans les projets de développement et les citoyens ignoraient comment participer efficacement à la gestion des affaires locales. Or, une collaboration insuffisante entre les responsables publics et les citoyens peut mener à des résultats décevants en termes de développement et à des réticences de la part des citoyens à contribuer au développement local par le paiement d’impôts.
L’expérience du conseil de Ngaoundéré III, dans l’Adamaoua, illustre bien comment une transparence budgétaire accrue peut rompre ce cercle vicieux. Jusqu’en 2010, les agriculteurs siégeant à ce conseil ne payaient jamais l’impôt local sur le bétail. Après la publication du budget du conseil en 2012 dans le cadre de l’Initiative pour la transparence budgétaire, le conseil a pu lever 763 400 francs CFA pour la première fois…
L’expérience menée par l’ « Initiative pour la transparence budgétaire » tend à montrer l’importance considérable d’une transparence accrue et d’une plus grande participation des communautés locales, notamment dans la prise de décisions relatives aux dépenses et dans l’examen des projets en cours. Bien que, conformément à la loi, les budgets des conseils locaux soient censés être à la disposition de tous les citoyens, l’accès au budget est un réel défi dans la pratique. En effet, la photocopie de ces documents est onéreuse, et certains responsables publics sont réticents à diffuser les informations demandées ou ignorent simplement que la communication de ces informations fait partie de leur devoir. De plus, même quand les citoyens ont accès à ces budgets, beaucoup ne sont pas en mesure de les comprendre en raison de leur caractère volumineux et technique. Il est donc primordial que les citoyens reçoivent des informations budgétaires simplifiées qu’ils pourront facilement assimiler.
Afin d’étendre les pratiques de simplification et de diffusion des informations budgétaires au Cameroun, les réalisations de l’ « Initiative pour la transparence budgétaire » ont donné lieu à des recommandations à l’intention des ministères gouvernementaux concernés. L’intégration de ces recommandations aux opérations ordinaires de l’administration est actuellement à l’étude.